« Comment auriez vous réagi si cet accord avait été signé sous Sarkozy ? »

Près de 2500 personnes ont défilé en Franche-Comté contre « l'accord emploi » du 11 janvier. A Besançon, des syndicalistes CGT, FO et FSU ont commencé à discuter avec les députés Eric Alauzet (EELV) et Barbara Romagnan (PS). Entre retrait et amendements...

ani-pspolice

Pour manifester leur refus de voir « l'accord emploi » du 11 janvier devenir une loi, plus de 600 personnes ont défilé ce mardi matin dans les rues de Besançon, 750 à 800 selon les organisateurs, la CGT et FO, Solidaires et la FSU. On remarquait de nombreux manifestants retraités et des services publics, mais aussi des salariés du privé, dont Diehl-Augé, Stanley, Camelin, la clinique Saint-Vincent, Monoprix, FCI, Géant, Guillin... En queue de cortège, le groupe libertaire accueillait davantage de jeunes dont Jafar : « La période sociale est injuste, je suis révolté, nous résistons... » Près de trois fois plus âgé, son voisin Jean-Luc venu du Jura dit dans un sourire : « il faut être là ! » Stéphane travaille au CHU : « on est aussi là pour ceux du privé qui ne peuvent pas bouger ».

Dans la région
Selon la CGT, les manifestants étaient 600 à Montbéliard où deux cortèges, dont l'un de PSA, ont convergé, 450 à Belfort, 300 à Dole, 250 à Lons-le-Saunier, 200 à Vesoul.

Nathalie Faivre, déléguée Snes-FSU du Doubs, explique le désenchantement vis à vis du gouvernement : « Jusque là, les collègues attendaient de voir les premières mesures pour juger sur pièces, maintenant la déception est en train de s'installer... La mobilisation viendra dans un troisième temps ». Les manifestants s'arrêtent devant le siège du PS, à deux pas du Conseil général. Il est protégé par un cordon de policiers. C'est inédit. José Avilès, secrétaire de l'union locale CGT prend un micro : « nous sommes là contre un accord de régression sociale, pour conquérir de nouveaux droits ». Denis Baron (FSU) ajoute : « Il y a des mobilisations à venir, il faudra être forts car le MEDEF va pousser... »

Discussion franche avec deux députés

Rendez-vous avait été pris par les syndicalistes avec Barbara Romagnan, la députée PS de Besançon, et son collègue écologiste Eric Alauzet. Ce dernier n'ayant pas très envie d'entrer dans le local du PS dans ces circonstances, la rencontre a lieu au Kursaal, à 500 m de là, en présence de quelques journalistes. « Les petites avancées ont toutes des limites ou renvoient à des discussions. Quand une mesure coûte aux employeurs, ils en ont imposé une qui rapporte beaucoup plus », dit Denis Baron. Les représentants FO et CGT sont sur la même longueur d'ondes que lui : il faut que les parlementaires refusent le texte. Autrement dit, ils ne sont pas là pour souffler les quelques amendements qui permettraient d'améliorer l'accord. René Michoulier (FO) est remonté : « On va transcrire dans la loi, par un coup de force, ce que les organisations majoritaires refusent ». Denis Baron surenchérit : « Il y a un forcing pour passer avant la nouvelle règle de représentativité, en août prochain... » La CFTC ne sera très probablement plus représentative au niveau national, or elle est l'un des trois signataires syndicaux. Baron enfonce le clou : « c'est la faiblesse politique de l'accord, on ne vous demande pas autre chose que faire votre boulot de parlementaires... »  

Barbara Romagnan, membre de l'aile gauche du PS, explique sa position : « On laisse le temps à la mobilisation, elle peut être un appui, ça peut nous aider pour des amendements. Mais voter contre le texte ne peut pas, a priori, être notre position. Il y aura un temps pour les amendements. Les parlementaires ont un rôle à jouer. Même si l'accord avait été majoritaire, on aurait eu quelque chose à dire... On est là pour être utile. Et quoi qu'on dise, il y a bien eu négociation, même s'il y a redire sur le contenu ».

« Pendant des années, on a pris des mauvais coups. Aujourd'hui, on est dans la continuité ! »

Sensible à l'argument sur la modification des règles de représentativité, Eric Alauzet prévient : « mon groupe sera sur une position d'amendements... Quelles sont vos priorités, sur deux ou trois points ? » Les syndicalistes grimacent. Il répond : « je vous explique comment on mène la bataille pour que vous sachiez quels leviers on a... » Denis Baron (FSU) réplique : « notre levier, c'est la parole des salariés, ce ne sont pas deux ou trois amendements qui nous satisferont. Mais on peut discuter avec vous tous les points précis ». « Il faut qu'on sache le minimum de ce qu'il ne faut pas lâcher », dit Alauzet. « Le plus problématique de l'accord, c'est sur le droit du travail, ce sur quoi la représentation nationale est appelée à se prononcer », dit Barbara Romagnan, « il faut savoir ce qui est le plus essentiel. Si on est contre tout, on ne pourra rien faire ». René Michoulier (FO)  tient bon : « il faut supprimer les articles 15, 18,  20, 25, 5, car c'est le droit du travail qui est en cause. Il faudrait au contraire renforcer les protections des salariés ». José Avilès (CGT) embraye : « Pendant des années, on a pris des mauvais coups du patronat et du gouvernement. Aujourd'hui, on est dans la continuité ! On voudrait être entendus, pas seulement écoutés ».

Barbara Romagnan estime que « la philosophie du texte est que le marché du travail n'est pas assez flexible ». Les syndicats s'y opposant dénoncent aussi la « déjudiciarisation » des conflits et des ruptures de contrats, la prescription ramenée de 5 à 2 ans en matière d'arriérés de salaire... « Scandaleux », réagit la députée.

« On a des électeurs... On est attaché à défendre les droits des salariés... »

Toujours à son idée de rechercher les amendements qui pourraient le mieux passer, Eric Alauzet demande « sur quoi la CFDT est la moins à l'aise dans l'accord ». Denis Baron sourit : « Demandez leur ! Nos arguments sont assez forts pour ne pas dégommer une autre organisation ». Barbara Romagnan revient à la charge : « Faut-il beaucoup d'amendements ? » La réponse est unanime : « sur chaque point ! ». Elle insiste : « qu'est ce qui est de nature à changer le texte ? » José Aviles : « Ce serait bien que la logique gouvernementale devienne sociale. Comment auriez vous réagi si cet accord avait été signé sous Sarkozy ? » Eric Alauzet le reconnaît : « on n'aurait pas eu la même perception... »

René Michoulier s'inquiète de la « bataille parlementaire très dure » qui s'annonce, du poids qu'a mis François Hollande dans la balance. Il admet que « tout amendement limitant la casse est souhaitable ». Denis Baron ajoute : « Vous n'êtes pas à l'aise avec ce texte, vous voulez le rendre acceptable pour vous. Mais même si on comprend votre démarche, on ne peut rentrer dans une démarche d'amendement ». Barbara Romagnan a saisi le danger : « On a des électeurs... On est attaché à défendre les droits des salariés... »

Olivier Grimaitre (CGT) veut du concret : « on veut aussi taxer l'intérim, pas seulement les CDD, on veut des salariés dans tous les conseils d'administration... On est pour que la loi sur les licenciements boursiers voie le jour... » José Aviles prévient : « même si vous apportez des amendements, ce sera une telle déception que cela vous sera défavorable demain, et pas seulement dans les urnes... »
Un rendez-vous a été pris pour un examen point par point du texte la semaine prochaine.

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !