Clément Pernot : « la presse donne des informations parce que des gens parlent trop… »

Le président du conseil départemental du Jura a finalement assuré que l'avenir des forges de Baudin sera traité en séance publique le 8 juillet. En attendant, le département vote à l'unanimité 1,5 million de plus pour l'aéroport de Tavaux, mais l'opposition vote contre le budget supplémentaire de 6 millions.

cdjura

Clément Pernot est malin. Au détour d'un échange suivant la présentation des ajustements budgétaires sur les bâtiments du département, ce lundi 6 juin, il annonce que les forges de Baudin feront l'objet d'un débat en séance publique le 8 juillet. En ouvrant la séance une heure heure plus tôt, il n'a pas abordé le sujet, se contentant de faire la leçon : « Notre démocratie n'est pas une démocratie d'opinion, et notre institution n'a moralement pas le droit de vivre au gré de l'immédiateté des humeurs des uns et des autres. le temps démocratique n'est ni le temps des réseaux sociaux, ni le temps de la presse et calquer l'un sur l'autre constitue déjà une forme de tyrannie »...

Certes, mais rien n'empêche les citoyens, via la presse ou comme ils l'entendent, d'interpeller les responsables et/ou les élus s'ils considèrent que ceux-ci se fourvoient. Que ce soit sur le fond ou sur la forme. Et force est quand même de constater que Clément Pernot, quoi qu'il en dise, a dû s'adapter aux réactions suscitées par l'affaire des forges de Baudin et la façon dont elle a été conduite.

« Comme de vulgaires cabanes de jardin »

Danielle Brûlebois, pour l'opposition, l'aborde d'emblée, s'étonne que le sujet de soit pas à l'ordre du jour. Elle dit sa « déception devant le manque de respect des usages démocratiques », sa « stupéfaction de voir les forges de Baudin sur le Bon Coin mises en vente comme de vulgaires cabanes de jardin, sans que les élus ne soient au courant, même pas semble-t-il le vice président en charge de bâtiments ». Elle réclame une réunion de « concertation élargie avec les différents acteurs du site et les élus » avant le choix de l'acquéreur.

L'opposition vote contre la DM1, le budget supplémentaire.

 

Clément Pernot assure que l'annonce du Bon Coin est « une idée du cabinet-conseil spécialisé dans la vente des biens publics afin de déterminer le prix. La première estimation était de 300.000 euros, un an après de 240.000... Une vente aux enchères est la meilleure façon d'estimer un prix ». Il est sur la défensive : « Vous m'accusez de n'avoir pas communiqué, mais ce n'était pas le lieu : si la presse a dégainé vite, qu'y puis-je ? Si la presse donne des informations, c'est parce que des gens parlent trop... »

« Sérénité et responsabilité »

Les « gens qui parlent trop » ont ensuite été sommés de se taire, Factuel a pu le vérifier. Clément Pernot fait alors amende honorable : « On allait bien sûr présenter le dossier en séance publique, donc travailler en amont... » Il faut donc l'examen du rapport sur les bâtiments pour que Philippe Antoine (Bletterans, PS) « regrette qu'on ne parle pas de Baudin ». Marie-Christine Dalloz répond, cinglante : « vous n'aviez qu'à pas l'acheter ». Peu importe si Philippe Antoine ne siégeait pas au département lors du précédent mandat. Riant sous cape, Clément Pernot l'interroge : « que voulez-vous ? qu'on inscrive une dépense ? une recette ? » Réponse de Danielle Brûlebois : « une réponse ». Conclusion de Clément Pernot : « vous l'aurez en séance publique le 8 juillet... »

Et dire que cette séance devait être placée « sous le signe de la sérénité et de la responsabilité ». C'est aussi ce que le président dit en préambule d'une session consacrée aux ajustements budgétaires qui portent sur 6 millions d'euros, contre 31 millions il y a un an.

Il insiste sur la différence entre les deux chiffres : « plus elle est importante, moins le budget primitif est bien préparé... » La gestion de son prédécesseur Christophe Perny est ainsi qualifiée d' « insincère » par Marie-Christine Dalloz (Moirans, LR), rapporteure du budget. Le refrain, servi depuis la campagne électorale, fait rengaine.

« On est dans la rupture
car on paie nos dettes
et on ne dépense
pas plus que nos recettes »

Ceux qui restent de l'ancienne majorité se défendent comme ils peuvent : « nous avons dû assumer des dépenses votées avant nous, vous assumez les nôtres, c'est bien », dit Jean-Daniel Maire (Saint-Lupicin, PS) d'un ton conciliant. Ce n'est pas l'avis de Sylvie Vermeillet (Champagnole, DVD) : « on est dans la rupture car on paie nos dettes et on ne dépense pas plus que nos recettes ». Elle égrène les dernières années budgétaires et conclut à l'intention des socialistes : « vous avez eu 14 millions de recettes en plus et fait 36 millions de dépenses en plus... C'est pour ça que l'épargne nette s'effondre ». Danielle Brûlebois s'indigne : « et les transferts de charges depuis 2011 ? Et la suppression de la taxe professionnelle ? Arrêtez de parler de nos dettes quand ce sont des investissements choisis du temps de M. Raquin comme la piscine de Champagnole ou le centre Paul-Emile-Victor... Si on n'a pas tout inscrit, c'est parce qu'il manquait des factures... »

Bref, le procès en incompétence de l'ancienne majorité continue. Pendant ce temps, les débats ont du mal à porter sur les projets ou les politiques. Il arrive quand même qu'on s'y arrête. Par exemple, l'aéroport de Tavaux pour lequel 1,5 million d'euros est voté à l'unanimité. « On est d'accord pour dire que c'est un aéroport d'intérêt régional », dit Mme Brûlebois. « Vous seriez une opposante constructive si vous arrivez à convaincre Mme Dufay », réplique Clément Pernot. Même la première vice-présidente Hélène Pélissard, traditionnellement réticente à voter les crédits pour l'aéroport, les approuve « parce que c'est la dernière fois : j'espère que Mme Dufay saura considérer sa dimension régionale ».

Moment de détente à la tribune...

 

Nommés en langage administratif décision modificative ou DM, les ajustements budgétaires présentent un nouvel impôt touchant les touristes : une taxe additionnelle à la taxe de séjour, de 10% au profit du département, est adoptée. Elle devrait rapporter 80.000 à 100.000 euros et suscite divers commentaires. Pour Franck David (Authume, DVD), c'est l'occasion d'envisager l'uniformisation d'une taxe perçue actuellement par les communes et communautés de communes et variant de 0,20 euro à 4 euros par nuit. « Bon courage », semble lui répondre Clément Pernot.

« Je vous interdis de dire que je plaisante »

L'opposition en profite pour évoquer les bizarreries qui se sont passées au comité départemental du tourisme. Une première AG du CDT avait voté contre le plan du département qui entraîne une douzaine de suppressions de postes. Elle a été déclarée entachée d'erreurs et une autre AG est annoncée... « Vous n'avez pas convaincu au CDT », dit Françoise Barthoulot (Dole, PS). « L'organisation du vote aurait mérité des sanctions, je ne pouvais pas laisser un doute, j'en ai fait part à la présidente et au directeur, il y aura des décisions saines avec une nouvelle AG », dit Clément Pernot. « Je regrette les erreurs et j'ai mis en place une commission électorale », dit Marie-Christine Chauvin (LR, Arbois), qui préside le CDT.

Françoise Barthoulot, qui est administratrice du CDT, insiste : « c'est de l'amateurisme, c'est à la première AG qu'il fallait  bien organiser le vote. J'ai voté contre une nouvelle AG car je ne suis pas sûre que vous l'auriez organisée si vous aviez eu la majorité ». Clément Pernot assure que si, Mme Barthoulot réplique : « vous plaisantez ! » Le président assène : « je vous interdis de dire que je plaisante ». Jean-Daniel Maire ne lâche rien : « vous réduisez la voilure, on propose au contraire de renforcer le CDT. Le Jura était en avance sur ses voisins grâce à lui... » Pernot : « si vous avez une aide supplémentaire de la région, pourquoi pas ? »

Ce faisant, il donne crédit à la critique globale de Danielle Brûlebois : « votre budget supplémentaire est sans anticipation, vous gérez au fil de l'eau, sans projet... Vous ouvrez un guichets pour les communautés de communes et les communes sans informer l'assemblée... ». Justement, après la séance publique du 8 juillet, Clément Pernot organise une « soirée » à l'intention des maires.

Tiens tiens... Il avait annoncé espérer que les débats ne seraient pas parasités par les prochaines échéances électorales « primaire, présidentielle, législatives ». Il l'a redit. Puis répété en ajoutant « les sénatoriales ». Il se murmure qu'il pourrait y être candidat. Un succès entraînerait sa succession à la présidence du département...

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