Nous avons rendez-vous dans un bistrot de quartier de la rue de Belfort : Le Café. Des affiches de la France insoumise et des coupures de presse en tapissent les murs. Une boîte en carton fait office de cagnotte pour les dons, quelques livres, des autocollants. C'est un lieu où les militants des groupes d'appui à la candidature de Jean-Luc Mélenchon se retrouvent, discutent, récupèrent des affiches avant de partir pour un collage...
Il est tenu par Pierre Joly. « C'est un militant », dit Claire Arnoux, la candidate du mouvement pour les élections législatives dans la deuxième circonscription. « J'essaie de convaincre les abstentionnistes, au moins d'aller voter, et si je les mélenchonise, c'est bien », dit le patron.
Née à Besançon en 1984, la candidate habite tout près, à deux pas du futur éco-quartier des Vaîtes. Elle a grandi à Vesoul, fait des études d'histoire à Strasbourg, une discipline qu'elle enseigne à Besançon depuis sept ans.
Vous êtes issue d'une famille politique ?
Oui... C'est une histoire familiale. Fulbert Arnoux, un grand-oncle, était délégué CFDT à Peugeot Pont-de-Roide en 1968. Denis Arnoux, mon oncle, est maire de Pont-de-Roide, il a longtemps été au PS. Mon père était délégué CFDT à france-Telecom à Vesoul, il a quitté le syndicat au moment de la réforme des retraites de 2003... A l'époque, je n'étais pas politisée, je faisais mes études. J'ai quand même été six mois à EELV quand j'avais 17 ans. Je me suis engagée au NPA plus tard, après l'élection de Nicolas Sarkozy qui m'a déprimée...
Pourquoi ?
J'ai eu un gros coup de blues, les unes des journaux étaient toutes avec le mot « Président » et sa photo, c'était un envahissement de l'espace public. J'avais voté « utile », Ségolène Royal, aux deux tours...
Et donc le NPA...
Je n'ai pas un parcours militant linéaire... Après mon CAPES, je suis arrivée comme stagiaire à Besançon, au lycée Pasteur. Maintenant, je suis remplaçante sur deux postes : les collèges Proudhon et Diderot. L'an dernier, j'étais au lycée Jules-Haag. Je suis TZR, titulaire sur la zone de remplacement Besançon-Gray. Je peux être appelée dans toute la zone, et même dans les zones contigües. Il y a deux ans, je suis allée au lycée Courbet de Belfort. Je préfèrerais un poste fixe, mais ils sont chers... Cette année, j'ai un remplacement à l'année, ça va. Mais quand on fait des remplacements de deux ou trois semaines, c'est plus problématique...
Vous avez récemment relayé sur Facebook un article sur l'épisiotomie pour laquelle le CHU de Besançon est exemplaire...
C'est un sujet qui me touche, pas directement, car j'ai quelques amies concernées, pour qui ça a été une vraie douleur de non-prise en compte de leur féminité lors de la grossesse et de l'accouchement. Une partie du corps médical, très masculin, formé dans les années 60, ne traite pas les organes sexuels féminins normalement.
Ils ne sont pas respectueux ?
J'ai beaucoup de témoignages de non-respect. L'épisiotomie est en pointe à la maternité de Besançon. Cela rejoint un autre sujet : certains médecins recousaient plus serré pour le confort du mari, on appelle ça les points du mari, en recousant sur la partie non extensible du vagin. Cela provoque des douleurs pendant les rapports. J'ai aussi accompagné des amies lors d'IVG et j'ai vu la violence du système médical...
En quoi c'est politique ?
On est dans une société globalement dominée par les hommes, et les questions relatives à la sexualité des femmes ne sont pas prises en compte par de nombreux médecins. Il n'y a pas si longtemps qu'on parle du clitoris...
Comment ces questions se prennent-elles en charge politiquement ?
Par l'égalité salariale, la lutte contre le sexisme à l'école, les préjugés de genre. L'école fait plein de trucs, c'est positif...
Le FN en fait un enjeu de laïcité...
Ce n'est pas du féminisme. C'est une utilisation de la laïcité pour pointer du doigt ce que serait la communauté musulmane. On les voit toujours dénoncer le voile, jamais le harcèlement de rue ou l'objectivation du corps des femmes dans la pub !
Vous finissez un jour par quitter le NPA. Quand et pourquoi ?
J'étais à la Gauche anticapitaliste, une fraction du NPA qui a rejoint le Front de gauche. J'ai été deuxième de la liste Front de gauche aux municipales de 2014. Après les municipales, j'ai quitté le monde des partis politiques. J'ai quitté la Gauche anticapitaliste quand le PCF a utilisé le sigle Front de gauche pour appeler à voter Jean-Louis Fousseret. Je n'ai pas milité pour que le Front de gauche serve à ça... Je suis partie parce que je ne voyais pas de porte de sortie de la situation politique après ces élections. Ça a été très dur pour le Front de gauche.
Il y a eu comme une intransigeance, ressentie comme un appel à faire battre Fousseret que n'ont pas compris certains électeurs de votre liste...
Je ne sais pas comment ça a été vécu. A ce moment, j'ai été en retrait de la vie politique, je n'avais pas envie de passer mon énergie politique en guerres intestines.
D'où votre militantisme associatif ?
Oui, j'ai l'impression d'avoir été plus utile dans le collectif Stop-TAFTA ou à Alternatiba.
Mais comme la politique vous titille, vous y retournez...
Oui... En 2015-2016, je ne savais pas très bien quelles forces politiques pouvaient agir. Là, avec la France insoumise, il y a un fonctionnement plus autonome des groupes d'appui. Ce qui nous tue dans les partis, c'est que tout doit être validé. Il y a une grosse force d'inertie. A Besançon, on a une campagne qui pétille, qui est plus libre. 70% des candidats de la France insoumise viennent du milieu associatif, sans adhérer à un parti. Ce sont des assemblées de circonscription qui ont désigné les candidats...
Comment l'avez vous été ?
Tous les signataires ayant appuyé la candidature de Jean-Luc Mélenchon sur le site jlm2017 ont été invités aux assemblées de circonscription. Des binômes sont ensuite remontés au niveau national pour qu'on examine les questions de parité.
Combien a-t-il fallu d'assemblées pour vous désigner ?
Deux, avec à chaque fois une trentaine de personnes pour désigner qui était intéressé parmi les militants.
C'est important ?
Pour des gens qui défendent des idées, la tête du candidat n'est pas si importante. J'étais en binôme avec Daniel Conversy et j'ai été choisie candidate pour une question de parité.
Combien y avait-il de candidats ?
Il y avait aussi Séverine Veze, mais elle ne voulait qu'être suppléante, or, on avait besoin de femmes titulaires...
Combien êtes-vous ?
C'est difficile à dire. Pour le moment, on est dans le temps de la campagne présidentielle et les législatives sont en sourdine. Il y a cinq groupes d'appui sur la circonscription, chaque groupe essaie d'avoir dix à douze personnes pour fonctionner. Il y a celui animé par Daniel Conversy à Chalezeule, par Fatima Gherbi à Bregille-Clairs-Soleils... Au total, ça fait une vingtaine de groupes d'appui sur Besançon. Chacun a son programme, son agenda, décide son son mode d'action. Par exemple, la soirée du 3 février sur l'agriculture a été réalisée par un groupe, la fête des Insoumis de samedi dernier par un autre...
C'est le lider massimo qui fédère ?
Non... Pour les nouveaux qui arrivent, Jean-luc Mélenchon est un très bon porte-parole. Après, ce qui compte, c'est le projet, le programme, la perspective de reconstruire un bloc progressiste costaud.
Progressiste, c'est un mot employé par Macron...
Oui... Tous les mots sont repris, ils n'ont plus de sens...
Même ceux que vous utilisez ?
Allez parler aujourd'hui de socialisme ! Pour beaucoup, on est loin de la mise en commun des moyens de production ! En fait, je suis revenue à la politique via la France insoumise car elle fonctionne en mouvement, pas en parti. C'est le mode de désignation le plus ouvert.
Deux candidatures aux législatives soutenant Mélenchon sur la circonscription, n'est-ce pas une de trop ?
(Soupir) Je ne vois pas ça comme ça. Le PCF a bien le droit de présenter ses candidats et son programme. Ils soutiennent Jean-Luc Mélenchon avec un autre programme que le nôtre...
Avez-vous contacté Christophe Lime ?
On a demandé à son équipe, mais il n'y a pas eu de contact direct. Il y a eu une rencontre à laquelle il n'est pas venu.
Cela fait des orientations différentes dans le soutien à Mélenchon...
Oui, mais parmi les Insoumis de Besançon, il y a des adhérents du PCF ou d'Ensemble... La France insoumise vient de l'échec du Front de gauche, j'en suis triste, j'ai encore des badges...
Quand vous dites vouloir reconstruire un bloc progressiste, vous pensez à des échéances plus lointaines que les élections présidentielles et législatives ?
Pour ces deux élections, le programme est l'Avenir en commun de Jean-Luc Mélenchon. On a une fenêtre d'ouverture, c'est jouable. On peut être au second tour et l'emporter. On est dans une dynamique favorable. On a commencé il y a un an. On est un cran au dessus de 2012, pour le contenu du programme. Notre préparation est collective, on est en capacité d'exercer le pouvoir. On est costaud. Ce programme, c'est une merveille. Il y a un travail de chiffrage hyper abouti. C'est pour ça qu'on lie présidentielle et législatives...
Ça fait très 5e république pour un mouvement qui veut passer à la 6e...
Oui, mais on est dans la 5e ! Après, on est dans la perspective d'une révolution citoyenne, on ne veut pas se comporter comme Poutou, on est pour une révolution sans violence.
Cela suppose une implication citoyenne maximale...
C'est pour ça qu'on veut une constituante, afin de remettre la cité en mouvement. Cette étape est parallèle à celle du programme.
Comment mener parallèlement constituante et mouvement social sans lequel il n'y a pas les avancées que vous voulez ?
Le bulletin de vote est un pied dans la porte. Il ne s'agit pas de voter pour nous et d'attendre. Les constituants ne seront pas les mêmes que les élus. Il faut remettre de la démocratie partout, dans les Safer, les comités d'entreprises, les chambres d'agriculture... Je suis écolo à la base. L'intérêt général humain a besoin de planification écologique.
Vous avez participé au jardin créé par Nuit debout aux Vaîtes. Où en est-il ?
Il a repris. dans le programme de planification écologique, il y a un moratoire sur les terres agricoles qu'il faut préserver de l'urbanisation. On ne récupérera pas des terres agricoles bétonnées...
Vous pensez que le bétonnage continue ?
Oui. Il faut critiquer la marché de la compensation écologique dans lequel se spécialisent des entreprises, ce n'est pas sérieux. Le programme de logement doit passer d'abord par la rénovation de l'ancien. Des décisions prises ici, à Besançon, sont mauvaises, mais toutes les clés ne sont pas locales. Il n'y a pas de volonté écologiste de la ville de Besançon, aucune vision globale écolo.
Vous dîtes ça parce que vous êtes candidate face à Eric Alauzet !
Oui. On a fait un tram, mais aucune politique de limitation de la vitesse au moment des pics de pollution. Quand on fait du transport collectif, il faut aussi une politique cohérente de transport avec moins de voitures...
Les voitures en plus viennent surtout de l'agglomération où il y a peu de transports collectifs...
Quelle prise ont les citoyens sur les décisions de la CAGB ? Sur les transports, il n'y a aucune volonté. A quel moyen s'est-on interrogé sur nos besoins ? Il n'y a aucune politique de long terme. Le maire a été épinglé par France 3 dans l'émission La France en face dont les journalistes ont fait leur travail. Le taux de vacance locative est en hausse et en même temps on bétonne des terres maraîchères ! Il n'y a pas de cohérence écologiste. Tout comme faire un écoquartier à un endroit en même temps qu'une extension de zone commerciale : on n'a jamais vu une zone commerciale faire diminuer les gaz à effet de serre !