CFDT : l’ex secrétaire de l’UD-70 réintégré mais…

Thierry Navarro s'était retrouvé au chômage en septembre 2013 après que le ministre du travail, Michel Sapin, ait autorisé son licenciement par l'union régionale que l'inspecteur du travail avait refusé. Le tribunal administratif a annulé la décision du ministre, mais une nouvelle procédure de licenciement est lancée... et trois syndicats ont quitté la CFDT.

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Factuel.info avait raconté il y a plus de trois ans comment Stéphane Thuillier, un inspecteur du travail bisontin, avait refusé que l'Union régionale interprofessionnelle de la CFDT de Franche-Comté licencie l'un des siens, Thierry Navarro, alors secrétaire de l'Union départementale de la Haute-Saône. Nous avions expliqué que ses remarques sur la gestion de deux opérations de 58.000 et 110.000 euros lui avaient valu une mise à l'écart de la présidence du CREDES, la filiale formation de la CFDT, puis la mise sous tutelle par la confédération de l'UD de Haute-Saône (voir ici).

Après plusieurs péripéties juridiques et deux ans de chômage, Thierry Navarro a fini par être réintégré par les prudhommes le 9 février 2016 dans ses fonctions antérieures. Ayant de la suite dans les idées, le secrétaire général de l'URI CFDT, Alain Mischler, a fait appel. Il a engagé une nouvelle procédure de licenciement, au motif que Thierry Navarro refusait une modification de son contrat de travail « induite par sa non réélection comme membre du conseil régional [de la CFDT] ». Mais comme son collègue il y a trois ans, l'inspectrice du travail bisontine Cécile Bernet a rejeté le licenciement le 12 mai dernier.

L'URI CFDT « fait appel de toutes les procédures »

Alain Mischler a deux mois pour former un recours hiérarchique auprès de la ministre du travail, Myriam El Khomri, afin qu'elle autorise le licenciement. Comme il nous a déclaré avoir « fait appel de toutes les procédures », il devrait en toute logique le faire. Dans ce cas, la ministre du travail serait bien inspirée de réfléchir à deux fois, car saisi avant elle d'un premier recours, son prédécesseur Michel Sapin, qui avait déjà autorisé le premier licenciement refusé par l'inspecteur du travail, a vu sa décision annulée par le tribunal administratif de Besançon le 1er octobre 2015, sans que l'Etat ne fasse appel.

C'est d'ailleurs parce qu'il tardait à voir l'URI appliquer cette décision d'annulation de son licenciement que Thierry Navarro a saisi les prud'hommes le 14 décembre 2015 pour être réintégré. Ce qu'ils ont fait, on l'a vu, le 9 février dernier. En attendant l'appel, il est donc retourné dans les locaux de l'UD de Haute-Saône, dans le quartier du Montmarin à Vesoul. « On lui demande de faire un travail différent », dit Alain Mischler. Un nouveau secrétaire de l'UD, Laurent Coradini, a en effet été élu lors du congrès de mai 2013 sur la liste Mischler avec 85% des voix. Thierry Navarro n'avait eu que 5%, mais n'y avait pas assisté, étant en congé de formation.

« Un jour la CFDT a arrêté de prélever ma cotisation »

Toujours est-il qu'il occupe un petit bureau à l'UD. Sans consignes précises, il tient une forme de permanence et reçoit les gens... « Je suis sur le même poste qu'avant, permanent, je devrais animer des réunions, représenter la CFDT, comme un directeur puisque je ne suis plus secrétaire départemental ». Mais comment le pourrait-il puisqu'il n'est plus adhérent : « un jour la CFDT a arrêté de prélever ma cotisation, sans que je sois averti... »

Autrement dit, exclus à l'insu de son plein gré. En tout cas, pas démissionnaire : « Alain Mischler m'avait demandé de monter une journée de formation à la sensibilisation au développement durable pour les équipes syndicales, je trouvais que c'était une bonne chose... Je lui ai rendu le travail... » Ce n'est pas allé plus loin.

Pour Alain Mischler, Navarro a « voulu prendre le pouvoir régional de façon non orthodoxe. Il voulait devenir secrétaire général de l'URI vers 2012, il a pris des gens avec lui, a voulu que l'UD 70 ne soit plus pilotée par l'URI... » Pour Thierry Navarro, l'UD 70 avait cette autonomie relative puisque dotée de la personnalité juridique. C'est un autre motif de divergence qui a été tranché assez brutalement avec la mise sous tutelle par la confédération.

Le procédé a d'ailleurs été utilisé avec le syndicat du commerce d'Ile-de-France qui s'opposait à la réforme du travail du dimanche qu'acceptait la confédération. Mis sous tutelle au début de l'année, serrures changées et comptes bancaires bloqués, il est devenu indépendant et a moins de moyens, laissant la place à une nouvelle direction sans troupes... C'est aussi arrivé au syndicat de la RATP, au syndicat interco de la Manche, désormais affilié à l'UNSA.

« C'est vrai qu'on a perdu des plumes »

En Haute-Saône, trois syndicats ont d'ailleurs quitté la CFDT : les santé-sociaux et les transports sont passés à FO, la section Fuji Seal à la CGT, d'autres pourraient suivre. « C'est vrai qu'on a perdu des plumes », reconnaît Alain Mischler, « mais on a augmenté le nombre des adhérents de 1% en 2015 après une baisse de 0,3% en 2014. »

Nous lui demandons s'il considère que Thierry Navarro est un bon syndicaliste. Il répond : « c'est quoi un bon syndicaliste ? Il n'a jamais été en position d'obtenir des choses. Un bon syndicaliste défend d'abord les salariés, ensuite le syndicat... Il n'est pas dans ce cas de figure, voulait une promotion sociale avec le syndicalisme... » La charge est lourde. Elle fait sourire l'intéressé : « pour ça, il faut faire de la politique... »

Quelle est la vision de Thierry Navarro ?  : « je suis pour un syndicalisme de proximité, pas un syndicalisme de salon. Je suis pour la confrontation avec les gens, pour faire avec eux... » Comment cet éducateur passé à la mission locale est-il devenu syndicaliste ? « Initialement, c'était pour défendre les droits des salariés, faire progresser l'entreprise. On était une profession naissante, on voulait construire un métier, une convention collective : c'est ça qui me motivait... Le secrétaire de l'UD d'alors, Michel Rougeot, m'a dit un jour : tu gesticules trop, tu vas te faire aligner... Vas aux prud'hommes, tu vas apprendre... »

Aujourd'hui, il se fait aligner par des camarades !

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