Ça tangue dans la majorité régionale Verts-PS

Les écologistes ont voté contre deux dossiers présentés comme « structurants » par la présidente du Conseil régional qui a reçu le soutien de la droite sur le projet de Center Parcs de Poligny et une subvention à l'aéroport de Tavaux. « Nous servirons une fois encore de majorité de rechange », dit Stéphane Kroemer (photo), président du groupe UMP-Divers droite...

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Heureusement pour la majorité régionale PS-EELV, il y a les schémas interrégionaux des massifs vosgien et jurassien, la création du fonds régional pour la biodiversité, ou encore le plan fibre numérique. Les partenaires ont voté ensemble ces trois dossiers, avec l'appoint de l'UMP, tandis que le FN s'abstenait. Les alliés socialistes et écologistes se sont en effet divisés sur le très symbolique projet de Center Parcs en forêt de Poligny, sur l'aéroport de Dole-Tavaux, et même sur le partenariat transatlantique en discussion entre l'Union européenne et les USA.

La fusion rebat les cartes des aéroports Dijon et Dole qui aura sa subvention
Voilà une subvention de 300.000 euros à l'aéroport de Tavaux, dit aussi Dole-Jura, votée contre mauvaise fortune bon coeur. Après des échanges très durs avec Christophe Perny, la présidente a voulu donner sa chance à la « dynamique » qu'elle a observée. « J'avais dit au président du Conseil général du Jura que l'augmentation de la participation régionale serait liée aux retombées économiques sur le territoire. Il y en a une, pas terrible c'est vrai, mais il y a une dynamique : 12% des voyageurs viennent et repartent, c'est un début ».
Marc Borneck (EELV) a beau jeu d'ironiser sur les « 230 Anglais qui sont surtout allés à Baune... Il ne croit pas aux 331 euros laissés par les touristes sur le territoire, comme le mentionne une étude de l'ARD (agence régionale de développement) : « ce serait mieux que Bordeaux ou Marseille ! »
Brigitte Monnet (EELV) estime que la liaison aérienne Dole-Marseille (en test sur deux jours) concurrence directement le TGV et en dénonce une « incohérence » qui devrait faire rejeter la subvention. Cela fait rire au PS et à l'UMP : « Tiens, vous plaidez pour le TGV ? », mais elle continue : « plus le trafic de l'aéroport augmente, plus les collectivités doivent injecter de l'argent. Vous feriez mieux d'utiliser cet argent dans les TER ».
Hélène Pélissard (UMP) note que 73 % du résultat de l'aéroport est constitué de subventions, et suggère une rencontre rapide avec Dijon qui a finalement renoncé à couper les vivres à l'aéroport de Longvic : « On ne peut pas imaginer deux aéroports à 40 km l'un de l'autre, avec une aviation d'affaires et des recettes à Dijon, et Dole structurellement déficitaire ».
« La question d'un aéroport interrégional de tourisme va être un des chantiers de coopération Bourgogne-Franche-Comté », répond Marie-Guite Dufay. « Ne pas accompagner le Conseil général du Jura ne serait pas très malin avec cette situation nouvelle de la fusion », note Denis Sommer (PS).
Résultat du vote : Pour PS et UMP. Contre : EELV et FN. 2 abstentions socialistes : Denis Vuillermoz et Pierre Grosset.

Le 21 février dernier, une motion du groupe écolo souhaitant déclarer la Franche-Comté « hors PTCI partenariat transatlantique de commerce et d'investissement» n'avait pu être mise aux voix faute de quorum, une grande partie des élus socialistes ayant - subrepticement ? - quitté la salle avant. Trois jours plus tard, la ville de Besançon adoptait un texte analogue avec l'ensemble des voix de la majorité municipale PS-PCF-EELV-Alternatifs... La motion a cette fois pu être présentée et discutée quelques minutes. Elle se veut cohérente avec plusieurs motions adoptées par l'assemblée régionale contre les OGM en 2004, contre l'exploitation des gaz de schiste en 2011, pour le maintien des services publics et contre l'AGCS en 2004. Il a argumenté sur les normes sociales et environnementales qui pourraient être interdites si elles étaient jugées « déraisonnables, arbitraires ou discriminatoires », ou la perspective d'une privatisation des transports publics qui rendrait « obsolète l'action de la Région ».

Bien qu'opposé au Grand marché transatlantique,  le FN n'a pas participé au vote car « Schultz et Yunker sont pour », a expliqué Sophie Montel. L'UMP a fait de même en ironisant, par la voix de Stéphane Kroemer, sur le grand écart entre Verts et PS : « débrouillez-vous entre vous dans la majorité ». Cela lui a valu cette réplique de Marc Borneck (EELV) : « de nombreux élus UMP vont dans le même sens que nous sur le sujet ». Pierre Magnin-Feysot a expliqué que les socialistes étaient d'accords avec EELV pour « préserver le cadre national en matière sociale, de santé, d'environnement ou de consommation » ou s'opposer au tribunal arbitral de traitement des différends entre multinationales et États. Il a justifié l'abstention de son groupe par le caractère « non opérationnel » de la motion, et le « triple verrou » qui empêche selon lui que n'importe quel accord soit validé, notamment l'accord de tous les États de l'UE et un vote du Parlement européen. Néanmoins, il admet le « risque » de voir les normes américaines l'emporter, notamment en matière de marchés publics. 

Du coup, la motion a été adoptée par sept voix...

Même vote sur Alstom, mais divergence quand même

De son côté, la motion présentée par le PS « saluant l'initiative de l'Etat de rentrer au capital d'Alstom pour en devenir le premier actionnaire dans le cadre d'une alliance avec General Electric » a été approuvée par le PS, EELV et l'UMP, le FN ne prenant pas part au vote car « Alstom n'est pas sauvé contrairement à ce que dit Montebourg, et GE a la part du lion », a justifié Sophie Montel.

Quand Florence Besancenot (UMP) a demandé si « les modalités de d'implication de la région » dans le dialogue Etat-Alstom, concluant le texte, pouvaient aller jusqu'à une prise de participation dans le capital de l'entreprise, Marie-Guite Dufay a répondu : « peut-être, peut-être pas, je me pose la question... » Mme Besancenot a alors plaidé pour que « le pôle mondial énergie soit à Belfort et que la région le soutienne ». Réponse de la présidente : « On fera tout pour défendre Belfort ».

Si le groupe EELV a voté la motion, son président Marc Borneck a assuré que « si la région entre au capital, nous nous y opposerons ». Un vote commun n'empêche pas des divergences... Comme si les votes contraires ne suffisaient pas.

Center Parcs : l'hypothèse d'une SEM commune avec le projet bourguignon

Car le vote divergent témoigne de positions en effet diamétralement opposées sur le projet de Center Parcs en forêt de Poligny, du moins sur le pré-protocole d'accord entre les collectivités et le groupe Pierre & Vacances. On l'a déjà écrit, le projet consiste à construire 400 cottages sur 150 hectares de forêt communale qui doit être vendue à une filiale de Pierre & Vacances. Le groupe prévoit 630.000 nuitées par an et un taux d'occupation de 80 %.

Une piscine couverte sous une bulle tropicale serait construite par une SEM (société d'économie mixte) dotée de 36 millions d'euros de fonds propres (17 M€ de capital, 17 M€ de comptes courants, 2,5 M€ de subventions) où le Conseil général du Jura « souhaite devenir majoritaire » en apportant 19 M€, indique le rapport présenté aux élus. La région envisage d'apporter 8 M€ sur les 10 M€ de fonds publics considérés comme « nécessaires ». Les autres collectivités engagées sont la ville de Poligny et la Communauté de communes du comté de Grimont.

Pour l'heure, ce montage reste théorique. Ses concepteurs envisagent une « coopération technique interrégionale » avec la Bourgogne où un projet similaire est engagé, pour « optimiser le partage de compétences l'échange d'expériences ». La coopération pourrait alors se traduire dans une « SEM commune aux deux projets ». Un tel « montage présenterait l'avantage d'harmoniser les relations avec l'exploitant et limiterait la concurrence entre les deux sites ».

Pour Eric Durand (EELV), « dubitatif sur la crédibilité du projet », cette perspective multiplierait les risques : « nous aurions à gérer deux équipements concurrentiels, mais aussi les dettes des deux départements (appelés à disparaître dans la réforme territoriale) ! Est-ce raisonnable d'engager des fonds publics pour de tels investissements privés ? Sans compter le coût des infrastructures, de la voirie, de l'eau, de l'assainissement, à la charge des collectivités, alors que nous avons déjà du mal à requalifier le centre de Lamoura... »

« Arrêtez d'agiter des chiffons rouges, vous faites peur »

« Arrêtez d'agiter des chiffons rouges, vous faites peur », rétorque Marie-Guite Dufay après avoir, auparavant, prévenu ceux qui « pensent qu'au nom des principes on ne peut pas le faire ». Elle s'est cependant laissé une issue de secours : « Je crois au projet à condition qu'il dope le tourisme, qu'on sorte de la bulle ! Que les touristes soient sensibilisés à tout ce qui fait le développement touristique de notre région ». Brigitte Monnet (EELV) l'a d'emblée rassurée. C'est non seulement au nom des grands principes, mais aussi de la participation à la lutte contre le réchauffement du climat que son groupe s'oppose au projet. Elle réclame ainsi une « cohérence » avec les plans climat-énergie et bâtiments durables adoptés par la région.  Elle assure ne pas croire au taux de remplissage de 80 %, aux centaines d'emplois « locaux » annoncés, et pointe « l'absence de réponse à la problématique de l'eau ».

Sophie Montel (FN) non plus ne « croit pas aux 300 emplois », a des « doutes sur les 630.000 nuitées » et  « craint des répercussions négatives sur le tourisme et l'hôtellerie locaux ».  L'UMP, par la voix de Stéphane Kroemer, a choisi son camp : « je vais défendre votre projet », dit-il à la présidente. Il argumente par un « public des Center Parcs qui ne fréquente pas les autres équipements, ne serait jamais venu. Deux ou trois arbres vont tomber, mais la protection de l'environnement est pregnante dans ces structures le plus souvent quasi autonomes en eau et en assainissement. Quant aux 80 % de taux d'occupation, on n'est pas loin de la vérité. Ce projet est capital pour le territoire, nous servirons une fois de plus de majorité de remplacement ! »

« Un projet de développement économique qu'il ne faut pas ignorer »

Denis Sommer (PS) refuse la vision « apocalyptique » des écologistes, y compris en les caricaturant : « c'est mensonge de dire que l'ensemble de la forêt va disparaître ou qu'on va imperméabiliser les sols. Ce projet n'est pas contraire à notre politique environnementale. On peut aussi faire du Center Parcs un totem, un phare nous permettant de mieux vendre la région. Quant à la bulle, c'est une piscine chauffée : vous n'allez jamais à la piscine en hiver ? Avec votre raisonnement, on n'en construirait plus... » Sylvie Laroche (PS) « s'étonne » des critiques écolo devant « un projet de développement économique qu'il ne faut pas ignorer, je me réjouis des créations d'emplois, de l'enjeu d'une chaufferie bois, des vingt ans de garantie de loyer, des vacances proches de la nature... »

Les réserves de Pierre Grosset (groupe PS) sont proches de celles des écolos : « Je ne comprends pas ces deux Center Parcs si proches, je ne comprends pas les aides, je m'interroge sur le montage des SEM, sur l'eau qui est un véritable problème ». Réponse de Marie-Guite Dufay : « les questions environnementales doivent être parfaitement prises en compte ». Marc Borneck (EELV) insiste : « ne faites pas semblant de comprendre », dit-il à Denis Sommer, « la problématique du réchauffement est vraie, l'ONF dit qu'il n'y aura plus d'épicéas en 2025 et Center Parcs s'installe toujours dans une forêt d'arbres persistants... Quant à l'aspect financier, cela fait 30 ans que Pierre & Vacances suce les collectivités... »  

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