Besançon : les blogs font le buzz mais…

« Affaire » du blog-blague de potache de l'épouse d'un conseiller technique de Jean-Louis Fousseret : tout se passe comme si Jacques Grosperrin voulait régler son compte à un ancien journaliste de L'Est Républicain qui ne l'a pas ménagé. La tête de liste UMP a été soutenue chaleureusement par le député Modem Jean Lassalle devant plus de 300 personnes lundi soir.

Jean Pétrement et Jacques Grosperrin

L'électeur bisontin qui se réveillerait d'un long sommeil de plusieurs mois aurait bien du mal à comprendre les enjeux de l'élection municipale en lisant les journaux. Il est plus facile de trouver sur leurs sites des informations sur les petites affaires de la campagne que des débats sur les projets et les programmes.

La « blague de potache » du pastiche du blog du Bisonteint n'en finit pas de faire jaser. Des journalistes - pardon chers confrères - se sont prêtés à des commentaires reposant sur des « croyances » et des suppositions plutôt que sur des certitudes. Attribué par le challenger Jacques Grosperrin (UMP) à Christophe Dollet, membre du cabinet du maire Jean-Louis Fousseret (PS), le blog du « Bisonpeint » était enregistré au nom de l'épouse de Christophe Dollet, Corinne, graphiste et photographe de formation. Aurait-elle été démasquée si elle avait pris son nom de jeune fille ? Quoi qu'il en soit, il s'agit bien d'une plaisanterie, il suffit de voir les affiches de cinéma détournées, avec les portraits de militants de droite en lieu et place des visages des stars, pour s'en convaincre.

Jean Lassalle (Modem) sent «un doux parfum de victoire»

Derrière la blague du blog, il y a la violence d'un combat électoral pour lequel, une fois n'est pas coutume à Besançon, la droite ne part pas battue d'avance. Certains de ses sympathisants « sentent » quelque chose se passer. Même à gauche, on « sent » aussi que Jean-Louis Fousseret ne rééditera pas son score de 2008 où il avait frôlé 57% dès le premier tour, mais avec une abstention record de 45%.

Reste que la droite est toujours en terre de mission. Hollande a presque atteint 60%, Royal avait fait 53% en 2007. Aux législatives de 2012, la courte défaite de Grosperrin face à Alauzet, ne peut masquer un écart important sur partie bisontine de la circonscription. La droite peut-elle mobiliser deux ans plus tard ? Lundi 10 mars au soir, pour écouter la belle voix du député marcheur des Pyrénées Atlantiques Jean Lassalle (Modem), ils étaient à peine plus de 300 au Grand Kurssal dont le parterre était loin d'être plein et les gradins vides. Ils ont certes vibré et applaudi en l'entendant s'exclamer « Il règne ce soir comme un doux parfum de printemps, un parfum de victoire ! », mais c'était pour le plaisir...

Ils ont souri jaune en l'entendant dire « Ici, porte du Jura, en Bourgogne... ». Jean Lassalle a aussi démontré que l'affaire qui a tant saisi d'effroi la droite locale appartenait maintenant à l'histoire : « Lip, soyez en fiers ! », a-t-il tonné sous les applaudissements, mais étaient-ils adressés à la marque ou à la grande grève ? Le député marcheur a enfin félicité Jacques Grosperrin pour « ce beau chantier de l'union commencé par l'écoute, ce que les citoyens attendent de nous... »

L'écoute, justement, c'était ce qui avait précédé. Colistiers et soutiens ont défilé sur l'estrade pour de nombreuses déclinaisons du programme. Avec théâtralité, le comédien Jean Pétrement est passé des planches du défunt Théâtre Bacchus aux effets de manches et à l'analyse politique : « Le patrimoine et les lieux magnifiques sont trop souvent fermés, nous les rouvrirons le soir et le dimanche... Il y avait cinq lieux indépendants il y a dix ans, il n'y en a plus, des pans entiers de la culture ont été supprimés, le hip hop est parti à La Rochelle, le jazz est parti, les festivals de musique est aux plus mauvaises dates... Il faut un grand événement fédérateur autour du temps, sans boîte de comm parisienne... » Mais Jean Pétrement se trompe sur un point : il y a encore quelques lieux indépendants de diffusion culturelle : L'Entrepôt, les Passagers du zinc, le Café des Pratiques, pour ne citer que ceux-là. Il est vrai que la fermeture du Théâtre Bacchus, qui avait une programmation originale et audacieuse quoique parfois répétitive, laisse un vide qui appauvrit l'offre culturelle. Mais il n'est pas moins vrai que les exécrables relations entre la Ville et Jean Pétrement auront empêché un sauvetage. Sans doute les torts sont-ils partagés entre la propension municipale au contrôle et le dédain superbe du saltimbanque...

Remake de la synthèse sarkozyste

L'écoute, c'est sans doute la marque de fabrique de cette liste qui, partie en campagne enfin à temps, semble faire feu de tout bois. Cependant, l'habileté de l'habillage de certaines pistes – dont beaucoup sont partagées avec d'autres listes, à droite et à gauche – cache mal des contradictions insolubles et une écoute entre soi : la synthèse sarkozyste de 2007 a montré ses limites. Pourtant, c'est bien à une sorte de remake auquel semble se prêter Jacques Grosperrin en visant des thèmes, voire des analyses et des propositions, de gauche. Être soutenu par Jean Lassalle, centriste humaniste détestant l'extrême droite, avouant soutenir un candidat communiste allié localement au Modem, fait partie de sa stratégie, mais ne peut faire oublier les appels du pied à l'électorat FN de la législative de 2012. Ni la candidature de Grosperrin face à feu Claude Salomon au Conseil général qu'une partie de la droite modérée n'a pas digérée, expliquant notamment les ralliements de Nicole Weinmann ou Jean-François Girard à Jean-Louis Fousseret en 2008, ou encore le refus des proches de Claude Girard de voir Jacques Grosperrin assister à ses obsèques. Frère de Claude Girard, précédent président du Conseil général (RPR), Jean-François Girard, adjoint du mandat qui s'achève, était lundi à la réunion du maire sortant...

Pont Rivotte - Prés de Vaux et téléphérique pour la Citadelle...

Les participants au meeting UMP-UDI-Modem ont donc écouté, et apprécié, Christophe Mignot. Gérant de Digital Surf, il aime les formules : « en management, on m'a appris que le gagnant est celui qui trouve une solution à chaque problème, alors que le perdant trouve un problème à chaque solution... » Il accuse Fousseret de vouloir « bétonner les rives du Doubs » et propose de prolonger le tunnel sous la citadelle d'un pont sur le Doubs pour rejoindre les Prés de Vaux, près de la Rodia où il projette un « hub multimodal touristique » comprenant notamment un téléphérique pour La Citadelle. Avec ou sans béton ? Ce pont est également proposé par la liste de gauche Générations citoyennes, dirigée par les anciens de la majorité sortante Frank Monneur et Didier Geandraud, qui veut franchir le Doubs « au bas de la côte de Morre » pour desservir un parking relais au Prés de Vaux. Quant au téléphérique, il laisse plus que perplexe le centriste Jean-François Humbert qui s'est décidé à proposer une alternative aux électeurs modérés craignant autant la droite dure que lassés d'une gauche qu'on dit usée.

Auparavant, Philippe Gonon (UDI, ex Modem) avait pourfendu les 18% d'augmentation de la taxe foncière pendant le mandat écoulé et expliqué vouloir « rendre aux Bisontins » 4 millions d'euros durant le mandat à venir. Comment faire quand on promet, comme toutes les listes, le « maintien » (Fousseret) ou le « gel » (Grosperrin) des taux, alors même que les bases locatives sont du ressort non des communes mais du Parlement ? « Mutualisation », lit-on sur tous les programmes ou presque : fusion des journaux de la Ville et de l'agglo, des directions générales, des sites internet... « Création d'emplois », lit-on également partout. Wilfrid Le Naour, directeur général de Somfy, se taille un beau succès en énumérant les 5000 emplois à créer dans les six années à venir : 500 à 600 dans le commerce grâce au tram, 600 apprentis, 500 à Témis-Santé, 500 avec de nouvelles entreprises, etc., plus des « emplois induits ». Pour un peu, on entendrait l'écho de la réunion de quartier que tenait une heure avant Jean-Louis Fousseret au sous-sol du même Kurssal et parlait de tour de magie...

Joëlle Ferrus a été chaleureusement applaudie avec ses « navettes gratuites de bus en centre-ville ». Elle a détaillé ses « solutions pour faciliter la mobilité, supporter l'attractivité économique et touristique qu'on va ramener avec smart-city », projet identique à celui du maire sortant. Daniel Ganahl veut quant à lui « fluidifier la circulation » car « Besançon s'est endormie sur ses lauriers avec un système du 20e siècle ». Pour ça, il faut « trois choses : des informations à traiter pour prendre les bonnes mesures, un réseau et des outils, des décideurs pour mettre un véhicule de plus à tel endroit si nécessaire ».

Jean-Louis Fousseret s'était donc en partie trompé en assurant qu'on « n'entend plus jamais ''Besançon la belle endormie'' » qu'avait laissée son mentor feu Robert Schwint quand il l'a remplacé, « il y a des grues partout, tant mieux si ça bouge... »

La rancune de Jacques Grosperrin

Mais la mise en boîte a tourné court, on ne rigole pas avec la politique. Dollet a été (momentanément?) écarté par un Fousseret embarrassé, consterné, peut-être même furieux, une plainte a été déposée pour prise illégale d'intérêt par des colistiers de Grosperrin qui assurent vouloir déterminer si de l'argent public a servi pour construire le blog pastiche. Là aussi, visualiser le site permet d'en douter, mais n'entravons pas le travail de la justice et laissons les avocats plaider. Ils auront à dire si les ordinateurs de la Ville ont ou non été utilisés, s'il y a eu plagiat, si les quelques dizaines d'euros nécessaires à la création du site et à son référencement ont bien été payés par le couple Dollet...

Reste en toile de fond la rancune tenace que Jacques Grosperrin nourrit de longue date à l'égard de Christophe Dollet. Celle-ci éclata au grand jour quand ce dernier intégra fin 2011 le cabinet du maire une bonne année après avoir dirigé la rédaction bisontine de L'Est Républicain où j'ai travaillé de 1993 à 1996 et de 2003 à janvier 2012. Alors député, Jacques Grosperrin considérait avoir été maltraité par le journal. Il pense tenir la preuve, a postériori, de la raison d'un prétendu acharnement à son encontre avec ce passage du journalisme à la politique, Christophe Dollet ayant la plume plutôt vive, mais pas qu'à sens unique comme l'élu de droite le suggérait. Mon ancien confrère avait notamment ironisé sur les déboires du BRC, le club de foot bisontin, dans lequel Alain Joyandet avait mis puis retiré 30.000 euros au moment où les députés Jacques Grosperrin et Françoise Branget puisaient chacun 15.000 euros sur leur réserve parlementaire.

Les contradictions de l'ancien député

Peu après, j'avais raconté comment Jacques Grosperrin avait fait pistonner son fils, jeune professeur d'éducation physique, pour qu'il soit nommé dans l'académie après une intervention auprès du ministre et une décision exceptionnelle du recteur. Jacques Grosperrin en a nourri un ressentiment particulier à l'encontre de Christophe Dollet qui m'aurait laissé écrire : l'occasion était belle d'attaquer à travers lui le maire sortant. Quant à moi, qui ne roule pour personne, Jacques Grosperrin m'a seulement dit, lors d'une conversation dans la rue, son soulagement de ne plus lire mes articles « nuisibles » dans L'Est Républicain après que j'ai quitté le journal. Je lui avais répondu que je ne l'avais pas pris en traître en sollicitant son explication, ce qu'il avait admis. Je lui avais aussi fait remarquer que j'avais relaté son rôle déterminant dans l'intervention, aux côtés des délégués CGT, d'un repreneur de la papeterie de Novillars, ce en quoi il avait tort de me taxer de parti-pris, ce dont il m'a également donné acte.

Je dois aussi avouer que je ne l'ai pas ménagé en ironisant sur la contradiction dont il a fait preuve en annonçant soutenir les parents d'élèves refusant des fermetures de classes que son vote du budget à l'Assemblée nationale, avec l'ensemble de la majorité 2007-2012, avait entraînées. Mais il ne peut me reprocher de n'avoir relevé que ses contradictions : mes analyses critiques sont pour tous.  

A l'époque, au sein de la rédaction de L'Est Républicain, l'éventualité du transfert de Christophe Dollet au cabinet de Jean-Louis Fousseret, plusieurs mois avant qu'il survienne, n'avait pas été très bien perçue pour une toute autre raison : elle laissait libre cours, une fois de plus, à tous les fantasmes sur des journalistes prétendument aux ordres. Je puis encore témoigner que la proximité de Christophe Dollet et Jean-Louis Fousseret n'a pas empêché les journalistes sans complaisance, à l'égard du maire comme de quiconque (ne rigolez pas, il y en a), de faire leur travail.

 

Les dix listes en présence

Sept ont un site spécifique avec leur programme

- Tous pour Besançon (PS, EELV, PCF), Jean-Louis Fousseret. Ancien député, ancien conseiller général, ancien conseiller régional, au conseil municipal depuis 1983, il a été adjoint de Robert Schwint à qui il a succédé en 2001 après un succès au second tour après fusion de sa liste avec celle des Verts conduite par Eric Alauzet qui avait obtenu 16%.
- Besançon il est temps (UMP, UDI, Modem), Jacques Grosperrin. Conseiller régional. Député de 2007 à 2012, il a succédé à Paulette Guinchard (PS) en triomphant de Marie-Guite Dufay (PS) avant d'être battu de peu par Eric Alauzet (EELV). Ancien conseiller général, également battu par Eric Alauzet.
- Besançon au centre, Jean-François Humbert. Le sénateur en marge de l'UMP vient de l'UDF, étiquette sous laquelle il avait présidé le Conseil régional de 1998 à 2004. Il s'est notamment distingué en démissionnant après avoir été élu à la présidence avec les voix du FN, puis a co-géré la région avec la gauche (PS-Verts) qui avait 17 siège, comme son groupe RPR-UDF.
- A gauche toute, place au peuple (PG, GA, Alternatifs), Emmanuel Girod. Ancien du PS, il l'a quitté en même temps que Jean-Luc Mélenchon qu'il a suivi lors de la création du Parti de gauche.
- Besançon ambitieuse, solidaire et fraternelle («entre les deux gauches»), Lazhar Hakkar. Actuel adjoint au maire, il a quitté le PS et se dit mal à l'aise avec la politique gouvernementale. Il assume une bonne part du bilan du mandat qui s'achève.
- Besançon générations citoyennes (gauche), Frank Monneur et Didier Gendraud. Le premier vient de la tendance Montebourg du PS qu'il a récemment quitté après en avoir présidé le groupe municipal, il est conseiller délégué aux musiques actuelles. Le second est passé de EELV au PS et est adjoint.
- Besançon autrement (gauche), Ismaël Boudjekada.

Trois n'ont pas de site spécifique à Besançon, nous les mettons en lien avec la page des listes de candidats sur le site de la préfecture

- Lutte ouvrière (extrême gauche), Nicole Friess.
- Unité et résistance contre l'austérité (Parti ouvrier indépendant), Apoline Trioulaire
- Front national (extrême droite), Philippe Mougin

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !