Besançon : la majorité municipale affiche ses divisions

Les divergences idéologiques conduisent à des débats sans enjeux immédiats sur l'aménagement et les transports, le mécénat d'une exposition par Bouygues « concerné par une affaire de fraude » selon les communistes, l'attitude de la Saiemb qui entame une procédure judiciaire pour expulser l'accueil de jour squatté par le collectif Solidarité Migrants Réfugiés...

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Combien de temps tiendra-t-elle ? La majorité municipale a montré une nouvelle fois que les divisions qui la traversent sont profondes. Le groupe écologiste a voté contre l'avis favorable demandé à la commune à la poursuite du chantier de contournement de la ville sur la RN57 entre Planoise et Beure, les communistes le votant tout en rappelant qu'ils étaient il y a près de 30 ans opposés à cette infrastructure.

« Nous considérions que ce contournement ne serait jamais fait », explique Christophe Lime (PCF) en rappelant l'abandon de l'hypothèse du grand contournement qui aurait emprunté largement des routes déjà existantes, à 5 ou 8 km de la ville, un peu comme en Allemagne on distingue contournement et desserte locale... « Il devait y avoir un souterrain au niveau de Planoise, aujourd'hui on en est seulement aux études et il n'y a pas d'argent pour les travaux... »

« Obliger les camions à prendre l'autoroute »

« Mais sans ces nouvelles voiries, où passeraient tous les gens qui viennent travailler à Besançon ? », réplique Jean-Louis Fousseret, « fervent partisan de la finition de ce barreau routier, indispensable, attendu... » Ludovic Fagaut (LR) est d'accord avec le maire, mais reste perplexe sur le financement : sur 80 à 100 millions, « il n'y a que 8 millions au contrat de plan Etat-Région : l'Etat devra jouer davantage son rôle... » Il veut aussi « obliger les camions à prendre l'autoroute plutôt que traverser la ville », mais Fousseret rétorque que ces poids lourds font « Poligny-Arbois-Vesoul... » Pour emprunter régulièrement la RN83, nous pouvons témoigner que beaucoup sont alors immatriculés en Europe centrale ou en Espagne...

Pascal Bonnet (LR) est quant à lui « sur la même ligne que Christophe Lime. Nos prédécesseurs de droite étaient pour le grand contournement : Raymond Tourrainil fut député gaulliste avait défilé avec Gilbert Carrezil fut conseiller régional communiste et maire de Nans-sous-Saintes-Anne et les Verts... » Ils défendaient alors « un contournement, et non une déviation de la route nationale... » Philippe Mougin (LP, ex-FN) est de l'avis du maire : « tous les Bisontins souhaitent ce contournement ».

« Mettre les moyens sur les alternatives »

Anne Vignot (EELV) explique l'opposition de son groupe à l'avis favorable demandé au conseil : « ce projet ne répond pas à la question : d'accord ou pas d'accord avec le contournement ? Les citoyens demandent un désengorgement de cet axe qui est saturé, ce n'est pas avec 80 ou 100 millions qu'on va améliorer la situation. On ne pose pas la question des déplacements. Nous ne sommes plus dans les horizons vertueux, mais dans les alternatives, on doit par exemple poser la question de la gare de Franois : nous avons besoin de réponses locales, de transports en commun desservant le plateau. Je regrette qu'on prolonge la pensée du 20e siècle et qu'on ne mettre pas les moyens sur les alternatives ».

Marie Zéhaf lit un bref texte du groupe PS dont les membres se « réjouissent de voir que le contournement s'achève et seront vigilants sur le financement et la participation de l'Etat ». « On est d'accord », dit Pascal Curie (LREM).

Résultat du vote : 46 pour (PS, LREM, LR, UDI, MoDem, LP, PCF), 5 contre (EELV).

Le mécénat de Bouygues fait tousser à gauche

Elus EELV et PCF se sont abstenus de concert sur une convention de mécénat passée avec Bouygues qui donne 8000 euros à l'exposition Zoospective, le règne animal. Elle doit se tenir du 1er avril au 13 juillet à la Citadelle, avec une carte blanche au sculpteur Mauro Corda dont des œuvres voisineront avec des prêts des musées du Louvre, d'Orsay, Dijon et Besançon pour réaliser une « ménagerie céleste » destinée à évoquer la perte de biodiversité... « Le réseau européen des média a révélé que Bouygues est concerné par une affaire de fraude fiscale, c'est dérangeant », a souligné pour sa première intervention en conseil municipal Clément Delbende (PCF) qui a remplacé Solange Joly.

Jean-Louis Fousseret a modérément apprécié : « il vaut mieux mettre de l'argent là que le planquer. D'accord, il existe des paradis fiscaux, mais Bouygues, c'est des dizaines de milliers d'emplois... » Anne Vignot (EELV) a appuyé la critique : « il faut se poser la question du mécénat qui offre une vitrine à une entreprise... » Le maire l'a reprise au vol, estimant qu'elle « confond mécénat et sponsoring ». Non, a répondue l'élue écolo, « c'est une affaire publique... » Christophe Lime (PCF) a renchéri : « c'est nous qui allons payer ce mécénat qui est défiscalisé à 66%... »

Fousseret n'en démord pas : « le mécénat a permis de refaire l'aquarium de la Citadelle, l'espace Vauban, l'espace biodiversité, de finir plus tôt le musée... Sur le fond, je suis d'accord, simplement, si on veut chercher des poux dans la tête... »

Résultat du vote : 39 pour (PS, LREM, LR, UDI, MoDem, LP), 12 abstentions (PCF, EELV).

« Vous qui murmurez à l'oreille du président, susurrez lui une pause... »

Dans ses propos liminaires, Jean-Louis Fousseret avait ouvert la séance par des hommages à Jean d'Ormesson, Johnny Halliday et à la victime de l'incendie de la rue Proudhon, soulignant la mobilisation des adjoints, puis la politique sociale historiquement « exemplaire » de la ville, les dix ans du Centre Nelson-Mandela qui a plus de 6500 inscrits...

Remplaçant Jacques Grosperrin absent, Ludovic Fagaut (LR) l'a interpellé sur son silence : « je suis surpris que vous ne dites rien du 100e congrès de l'association des maires de France. Ça vous gêne ? Notre collectivité est directement concernée, fait partie des 319 collectivités impactées par l'entrave à l'investissement local... Vous qui murmurez à l'oreille du président, susurrez lui une pause... » Piqué, le maire rétorque : « je suis pas gêné par le congrès de l'AMF d'où le président est reparti sous les applaudissements... Il faut être vachement fort pour savoir comment nous serons impactés, soyez plus prudent... »

Laurent Croizier (MoDem) dit avoir été choqué par deux événements : « qu'une enseignante accueille à son domicile trois enfants migrants à la rue, que le collectif Solidarité-Migrants-Réfugiés soit sous le coup d'une démarche d'expulsion : ces situations ne sont pas humainement acceptables ». Le maire réplique : « encore faut-il qu'on utilise les dispositifs existants... La présidente de la SaiembDanièle Poissenot, également adjointe à la sécurité répondra sur la procédure d'expulsion... »

« C'est à moi que tu dis ça ? »

Thibaut Bize (PCF) « partage l'inquiétude de Laurent Croizier sur SOLMIRÉ qui doit pouvoir continuer à agir en lieu et place des pouvoirs publics » défaillants. Le maire répond : « la première adjointe répondra sur SOLIMRÉ ». A Anne Vignot qui s'apprête à parler, il dit : « merci de rester dans des propos liminaires ». Elle s'étonne, un brin courroucée : « c'est à moi que tu dis ça ? » Sur la question sociale et les migrants, elle en appelle à « l'histoire de la ville [qui] nous imprègne : on est capable de monter des dossiers forts, on est dans un monde où le social est délaissé... »

Abdel Ghezali (PS) intervient aussi sur SOLMIRÉ : « on a envie de faire beaucoup, on a du cœur... Il faut travailler avec l'Etat, le CCAS... L'important est qu'on puisse continuer à travailler sur les plus fragiles et respecter les règles républicaines... »

Jean-Louis Fousseret a, lui aussi noté, que depuis quelque temps, les conseil municipaux débutent par des débats qui n'existaient pas avant : « il y avait les propos liminaire du maire et d'une personne par groupe, ça a changé... » Est-il nostalgique ? En tout cas, ça a changé depuis la constitution du groupe LREM constitué d'anciens socialistes et d'anciens écologistes. Ce qui a changé, c'est que s'il reste le maire, il n'est plus le chef incontestable et incontesté de la majorité municipale. Ce qui a changé, c'est que cette majorité n'existe plus.

Cantines scolaires : premières leçons d'une décision judiciaire

A la fin du conseil, quand les cinquante rapports ont été épuisés, il donne la parole à Yves-Michel Dahoui, l'adjoint (PS) à l'éducation, afin qu'il tire les premières leçons de la décision du tribunal administratif qui a enjoint la ville a accueillir un enfant refusé à la cantine scolaire : « on va s'y plier », dit l'adjoint, « mais il y a une autre question, de principe, sur laquelle il faut laisser nos services juridiques analyser la décision qui était attendue le 11 décembre. Si le principe, c'est le droit d'aller à la cantine, la question n'est pas seulement bisontine... Si ce principe est consacré, il faut un recours, mais on examinera ça tous ensemble, sous l'autorité du maire... Il y a une ambiguïté dans le texte adopté par les parlementaires en janvier 2017 : ils n'ont pas évoqué la question du financement. la responsabilité des élus n'est pas de proclamer un droit, mais aussi de s'occuper de son financement... »

Il souligne « un paradoxe : on n'est pas obligé de proposer le service, mais si on le fait, on doit accueillir tout le monde. Potentiellement, on pourrait accueillir deux fois plus de monde puisqu'on en accueille aujourd'hui 4500 et qu'il y a 9000 élèves. Il faudrait alors reconstruire une cuisine, recruter des animateurs... » Ce faisant, il va un peu vite en besogne puisque 400 à 500 enfants n'ont pas pu être inscrits à la cantine, soit 5%, pas 50% !

Dahoui pique aussi la FCPE qui « aurait pu être plus prudente ». La fédération de parents a en effet dégainé un peu vite, et L'Est républicain n'a pas publié son second communiqué revenant sur son premier : « quand vous lisez la presse, la ville est condamnée », s'insurge Fousseret. « C'est irresponsable », ajoute Dahoui. « Dix maires de grandes villes m'ont appelé », dit le maire en rappelant le coût de la cantine à Besançon : « 6,5 millions pour 2,5 millions de recettes... »

SOLMIRÉ : « C'est un bail commercial, on ne peut pas louer »

Puis il clôt ma séance sans évoquer le contentieux SOLMIRÉ. Nous sollicitons néanmoins Danièle Poissenot, adjointe à la sécurité et présidente de la Saiemb, société d'économie mixte où la ville est majoritaire, propriétaire du local que le collectif a investi pour y installer un accueil de jour sauvage. « C'est un bail commercial, on ne peut pas louer », explique-t-elle, « le loyer est de 560 euros par mois, sans compter les charges : électricité, eau, poubelles... Je dois aux autres locataires de la Saiemb de ne pas leur faire payer cela... »

On lui dit qu'elle nous répond gestion alors que le problème est humain. Réponse : « mais je suis gestionnaire ! La Saiemb n'a pas vocation à accueillir des réfugiés. Elle est obligée de saisir le tribunal pour être assurée, imaginez qu'il y ait le feu... »

Quant à Danièle Dard, la première adjointe, en charge du social, donc de l'aspect social du dossier, elle annonce un communiqué précisant sa position. Elle nous lâche quand même que les personnes accueillies ne sont pas toutes des demandeurs d'asile, ou que leur demande ne sera pas forcément acceptée. Ce faisant, elle présage un peu vite du résultat des procédures... quand procédure il y a. Elle reconnaît aussi tenir ces affirmations de la préfecture, mais dit aussi être en relation de « bonne intelligence » avec le collectif SOLMIRÉ...

 

 

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