Besançon : la gauche municipale crée un intergroupe…

Les groupes PCF, EELV et deux socialistes constituent un intergroupe pour parler plus fort. L'arrêté anti-mendicité, abrogé quelques heures après, aura été « la goutte d'eau qui fait déborder le vase », mais les divergences sont notoires et nombreuses avec le maire qui soutient le gouvernement. Que fera le groupe PS invité à rejoindre la nouvelle entité ?

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La communication a pris tant de place dans la vie politique que tout devient symbole. Mais est-ce significatif que les deux socialistes de la bande, Anne-Sophie Andriantay et Jean-Sébastien Leuba soient assis juste sous l'image d'une rose verte ornant le petit salon de la brasserie Granvelle ? C'est là qu'avec les deux groupes municipaux EELV et PCF ils ont invité la presse pour annoncer la création d'un intergroupe qui n'a pas encore de nom. 

En attendant les retardataires, on tue le temps. Quelqu'un suggère de boire un coup. « De la bisontine ! », réagit aussitôt Leuba. « Moi aussi ! », répondent en écho tous les autres. Faire la promo de l'eau municipale est un devoir quasi sacré pour tout élu de ce qui est encore, pour combien de temps ?, la majorité municipale. Las, il n'y a que de l'eau Perrier... Heureusement qu'elle pétille, lance une voix. Sourires.

La communiste Elsa Maillot se penche vers la verte Anne Vignot : « on fait pas chabadabada ? » Autrement dit alterner les sexes - un homme, une femme - pour la photo... Mais c'est trop tard... Tout le monde est là, Anne Vignot se lance : « En 2014 on a été élus sur un programme de gauche, nous constatons un glissement politique incarné par le maire... » Elle ne le dit pas, mais on comprend que le glissement est vers la droite. Elle donne des exemples : « nous défendions les contrats aidés, il valide leur diminution. Il acte les baisses pour le logement social, les baisses de dotations qui entrainent une perte d'autonomie financière pour les collectivités locales... Et maintenant cet arrêté anti-mendicité... » C'était quelques heures avant son abrogation et son remplacement par un autre, expurgé du mot qui fâche mais pas forcément des dispositions critiquées.

La conférence de presse démarre...

La présidente du groupe EELV poursuit : « chaque jour, le soutien à la politique nationale a des incidences sur la politique locale et le quotidien des Bisontins. » Une bonne raison de rompre ? De quitter la majorité ? On n'y est pas encore mais presque : « le programme de 2014 a été altéré par les baisses budgétaires », ajoute Anne-Sophie Andriantavy. « L'idée de l'intergroupe, c'est de davantage travailler ensemble, d'être plus vigilants, de mieux traiter les dossiers que séparément », dit le président du groupe PCF Thibaut Bize. Il entend même « ouvrir le groupe aux citoyens, aux militants associatifs, syndicaux, politiques... » Parce qu'il « faut maintenir le cap à gauche sur lequel nous avons été élus, combattre les mesures qui nous sont imposées par la majorité ».

Un intergroupe « ouvert aux autres élus », mais...

Elsa Maillot précise que l'intergroupe est « ouvert aux autres élus ». On songe aux autres socialistes, à ceux qui ont quitté le groupe PS comme Emmanuel Dumont ou Yves-Michel Dahoui. Ont-ils été sollicités ?, interroge un journaliste. La réponse est non... Dans L'Est républicain, le président du groupe PS, Abdel Ghezali répond : « Je note qu'ils appellent tous les élus qui le souhaitent à les rejoindre. Ça aurait été bien de nous solliciter ».

En fait, la question d'un intergroupe est posée depuis un an. Factuel l'a posée explicitement aux trois groupes de gauche, les réponses ont à chaque fois été évasives. Le groupe PS avait de son côté pris les devants le 30 juin 2017, se démarquant des macronistes : « Des collègues ont quitté le PS, cela les place hors du groupe socialiste-société civile républicaine du conseil municipal. Dans un souci de clarté et de cohérence, nous prenons acte de leur départ. On reste à travailler ensemble sous la conduite du maire », avait dit alors Abdel Ghezali (lire ici).

Depuis, quasiment plus rien, hormis quelques prises de position plus ou moins prudentes, une discrète intervention sans résultat probant sur le dossier du Bol d'R. Mais aussi des divergences entre la majorité des élus PS et les douze de ce qui allait devenir le nouvel intergroupe : tactique sur la contractualisation, déchirante sur l'éviction du mandat d'adjoint de Jean-Sébastien Leuba. Une question est celle de la macron-compatibilité de plusieurs élus socialistes, à moins qu'ils ne sachent plus trop où ils habitent politiquement, ou qu'ils se demandent qui les sauvera aux municipales de 2020...

« Ce n'est pas nous qui avons changé de parti... »

Mais revenons à la conférence de presse de l'intergroupe. Ses membres sont-ils toujours dans la majorité municipale ? « Bien sûr », s'empresse de répondre Leuba. « Pour l'instant », nuance Christophe Lime (PCF) en tentant de théoriser la situation avec un minimum de dialectique : « l'idée est d'être à l'intérieur et à l'extérieur, pour peser sur les décisions ». Il embraye aussitôt sur la contre-attaque destinée à convaincre les élus hésitants à rejoindre le mouvement : « Certains attendaient un tournant social de Macron. Le discours d'Edouard Philippe, c'est Macron 2. La vie associative va beaucoup souffrir... »

Il défend le bilan des élus ancrés à gauche : « Dans nos délégations, on n'a pas dévié. Ce n'est pas nous qui avons changé de parti... Sur la taxe d'habitation, on ne sait même pas ce qui va le passer en janvier 2019. Alors pourra se poser la question de notre appartenance au groupe majoritaire ». Plus tard, il dira : « certains militants, des citoyens, nous disent de partir, mais ils sont plus nombreux à nous dire de rester. Comment aurions-nous pu créer 25 postes à l'agglo si on n'avait pas été à la tête de l'eau et de l'assainissement ? »

N'empêche, la création de l'intergroupe parait dictée par l'affaire de l'arrêté anti-mendicité. « C'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase », reconnaît Christophe Lime. « Le maire était dans l'incohérence, nous voulons une majorité cohérente. Nous disons : ça suffit », dit Anne Vignot qui élève peu souvent le ton. Jean-Sébastien Leuba renchérit : « En 2011, le maire disait que ce serait dramatique de légiférer sur la mendicité. En 2014, on a voté pour un maire socialiste. Aujourd'hui, cette divergence nous appauvrit... »

« A l'écoute de nos militants qui nous interpellent... »

L'initiative des douze doit aussi, assurément, s'analyser à l'aune des élections municipales de 2020. Mais pour les intéressés, pas question d'en dire trop : « on ne présente pas un programme municipal, je sors de l'université d'été de La Rochelle où Olivier Faure nous a incité à renforcer les forces de gauche », assure Leuba.

La pression de la France insoumise, très vite à la manoeuvre contre l'arrêté décrié, a-t-elle fait accélérer la création de l'intergroupe ? Question légitime quand on a en tête les 25,5% de Mélenchon à la présidentielle sur la ville, mais là aussi prématurée : « Si on commence à se demander ce que sera une liste municipale, c'est qu'on n'a rien compris à ce que demandent les citoyens », répond Thibaut Bize. « On n'a pas besoin des Insoumis pour prendre cette décision, nous sommes à l'écoute de nos militants qui nous interpellent », répond Antony Poulin (EELV).

Quoi qu'il en soit, tout se met en place pour un débat chaud sur le vote fondamental du budget, au printemps prochain. Celui qui dit si on est dans la majorité ou non. « On verra comment le budget se présente », dit Lime. « On sera présent dans le débat », dit Poulin.

D'ici là, nouveauté, « l'intergroupe s'exprimera avant les conseils municipaux », assure Anne Vignot.

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