Barbara Romagnan : « attention à la ligne rouge ! »

«J’ai vécu cette élection dans une sorte de continuité, il y avait une continuité entre la période de la campagne et le moment de l’élection. C’était ma troisième candidature et je n’ai pas vraiment souvenir d’un instant particulier. J’ai plutôt le sentiment d’une "suractivité" constante.»

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Quelles ont été vos impressions, vos premières pensées lors de votre élection ?
J’ai vécu cette élection dans une sorte de continuité, il y avait une continuité entre la période de la campagne et le moment de l’élection. C’était ma troisième candidature et je n’ai pas vraiment souvenir d’un instant particulier. J’ai plutôt le sentiment d’une "suractivité" constante.
La difficulté a été la rapidité avec laquelle il m’a fallu préparer le rapport pour avis du projet de loi sur le harcèlement sexuel. Je n’avais pas idée de « comment rapporter une loi ? » Ce sont les circonstances qui ont conduit à ce que je sois choisie comme première rapporteure et nous avons dû vite nous y mettre avec mon équipe, en juillet.
Mes premiers moments à l’Assemblée nationale ont été suivis par une équipe de France 3. Peut être que cela a provoqué une certaine inhibition de mes émotions. J’étais intimidée bien sûr, mais je me suis aussi trouvée assez vite à l’aise, me disant que je trouvais un lieu pour mener à bien mes projets politiques.

Quels souvenirs les plus lointains vous relient à la politique ? Quand votre conscience politique se forge t-elle ?
Mes parents étaient coopérants en Algérie. Nous sommes revenus en France alors que j’avais juste terminé l’école maternelle. J’ai des souvenirs précis de la campagne d’Huguette Bouchardeau en 1981 (secrétaire nationale du PSU de 1979 à 1981, elle obtint 1,11 % des votes à la Présidentielle avant que son action de secrétaire d’Etat en 1983 ne lui permette de faire évoluer la législation en matière de protection de l’environnement et de démocratisation des enquêtes publiques, députée du Doubs de 1986 à 1993, NDLR). Mes parents étaient militants du PSU, enseignants et syndiqués au SGEN-CFDT dont ils partageaient les options pédagogiques. Je n’ai pas souvenir précis de meetings mais mes parents ont rencontré Bouchardeau. Je me rappelle aussi d’un enthousiasme mêlé de méfiance lors de l’élection de François Miterrand le 10 mai, puis de la démission en 1982 de Jean Pierre Cot qui entendait remettre en cause le système de la Françafrique.
J’étais très assidue à l’école et pensais que d’une certaine manière l’intérêt pour la scolarité se prolongait avec la passion de la politique. J’étais aussi déléguée de ma classe depuis la sixième. 

Cette passion pour la politique devient un engagement formel ensuite…
Oui, adhérente du Parti socialiste depuis 1995, j’entre au Bureau national en 2002 et j'y suis alors la plus jeune militante. J’intègre en même temps le conseil national et suis une des rares qui ne soit pas Parisienne. J’ai été candidate aux législatives à Lyon dans la 3ème circonscription, puis en 2007 à Besançon dans la circonscription de l’ouest de la ville où j’ai échoué de peu.

Envisagez-vous dans le prolongement de ce parcours de devenir ministre ?
La situation que vivent les ministres ne me semble pas enviable. Ils ont des marges de manœuvre réduites pour mener à bien des politiques de changement fortes. Il ne peut y avoir d’exhaltation véritable. Dans la situation économique et sociale que nous vivons, être ministre ou haut responsable de gauche c’est très difficile. Etre de droite, je ne sais pas…

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Vous n’imaginez pas que l’on puisse être de droite ?
Ça n’est pas ça. Bien sûr il y a quantité de personnes intéressantes qui sont de droite, mais je ne sais pas en parler, je ne sais pas dire ce qu’on est quand on est de droite.
Le seul peut être, dans notre gouvernement, qui aie de véritables marges de manœuvre, c’est Vincent Peillon, le ministre de l’Education nationale. Il a, en amont, mené une très sérieuse réflexion sur l’éducation, il est brillant quand il l’expose et même pour ceux qui ne sont pas toujours en phase avec ses choix dans le parti, il contribue à ce que l’on puisse être fier du travail du PS.
En tant que députée, j’éprouve une vraie liberté. Je ne sens pas de pressions directes. Mon choix de voter « non » au traité européen (sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, TSCG, NDLR) n’a pas été fait en rupture. Le statut de député, avec sa rénumération de 5.000 euros notamment, impose qu’une capacité de résistance puisse être mise en œuvre. Cela oblige à une certaine dignité quant aux convictions à défendre. Je comprends aussi la nécessité pour le président de notre groupe parlementaire de garantir une unité, une cohérence politique. Un équilibre est nécessaire entre unité et pluralisme.
Je pense que Jean-Luc [Mélenchon] a tort d’employer un ton personnel et insultant vis-à-vis du Premier ministre particulièrement, cela déssert ses idées au final.

Comment vous situez-vous par rapport à l’orientation politique et économique de l’Union européenne ?
Je suis convaincue qu’une part très importante de ceux qui ont voté pour François Hollande dès le premier tour de l’élection présidentielle est hostile au TSCG, une part plus importante même que ce que représente le vote du Front de Gauche. C’est certainement la majorité de la base socialiste. François Hollande a aussi expliqué en campagne que le « Merkozy » était un mauvais traité. Le vote ensuite des députés socialistes en faveur du TSCG ne représente pas toute la cohérence politique. J’ai accepté le résultat de ce vote mais je continue d’assumer ma position.

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De votre côté alors, quelle cohérence y-a-t’il eu à voter le budget et la loi de finances ?
C’est aussi la remarque qui m’a été faite par le Canard enchaîné. Je reconnais qu’il y a un déficit de cohérence. En politique il faut parfois pouvoir concilier des choses contradictoires. On vote des textes y compris quand on n’est pas complètement d’accord. En fait, j’ai refusé de me placer en dehors de la majorité, cela aurait été la signification d’un vote contre le budget. C’est là une ligne rouge que je n’ai pas voulu franchir. A l’exemple des Chevènementistes hostiles également au traité européen mais qui entendent rester dans la majorité.

Votre tendance à gauche du PS (menée par Benoît Hamon) est nécessaire pour constituer une majorité avec ses 20 élus à l’Assemblée. Quelle serait votre attitude si une majorité se constituait avec des centristes, le Modem ou même l’Union des Démocrates et Indépendants de Boorlo ?
Nous sommes dans une phase de recomposition politique qui va bien au-delà de la simple addition des tendances, au-delà des calculs. La question du mode de développement, de la croissance elle-même se pose avec force. Des colloques sont organisés, des débats, mais les incidences sur les choix politiques sont encore trop faibles. Pendant l’université d’été de notre courant, j’ai animé un atelier « l’écologie est-elle l’avenir du socialisme ? » Pour certains dans notre parti, cette question est encore vécue comme une provocation. Au sein même des courants, il y a des divisions fortes sur les sujets de ce type, sur les sujets de société. A l’Assemblée je siège à proximité d’André Chassaigne (député communiste, NDLR), nous avons souvent des échanges. Je peux être en accord avec le PCF sur le traité européen et avoir des divergences sur des sujets qui ne sont pas économiques et sociaux mais qui sont très importants tout de même.
Sur la question du cumul des mandats, j’ai des différents dans mon propre courant avec Henri [Emmanuelli] par exemple.

Quel sera le sort du rapport de Lionel Jospin sur la rénovation de la vie politique et en particulier la question du cumul des mandats ?
Je n’ai pas de doute qu’une loi verra le jour en ce sens avant les élections municipales (prévues en mars 2014, NDLR), François Hollande tiendra cet engagement. Ce sera une avancée importante. Je suis sidérée que l’engagement écrit pris par des socialistes de renoncer au cumul ne soit pas respecté. Nous qui voulons partager les richesses ne pouvons cumuler les mandats. Je suis même pour le mandat parlementaire unique, mais si nous n’y parvenons pas prochainement, il y aura tout de même une avancée.

Vous vous prononcer souvent sur des exigences plutôt bienveillantes à l’égard des Verts et du Front de Gauche…
Je conçois l’intérêt que pourrait avoir un grand parti de la gauche. Cela n’est pas une réalité, mais j’ai la volonté de faire des choses avec tous dans le parti et avec les Verts et le Front de Gauche. Il faut faire exister la diversité de la gauche par un travail commun sur des situations concrètes. J’ai proposé un texte sur les réquisitions en cas de nécessité pour loger les sans-abris avec six députés socialistes, deux députés verts et deux du PCF et en lien avec Cécile Duflot.
Pour revenir à la question d'une éventuelle alliance au centre, cela représenterait une ligne rouge. Je ne suis pas hostile à des relations de travail avec certains centristes mais une alliance au niveau gouvernemental aurait une signification politique autre et j’y serais opposée.

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