Arnaud Montebourg défend « l’alliance historique de toutes les forces productives »

Lors de son discours de Frangy où il a annoncé être candidat à l'élection présidentielle, l'ancien ministre a défendu un « projet audacieux, unificateur, patriotique, socialiste pour une grande part, républicain, volontariste ». Il propose la fin des politiques austéritaires, la réorientation de l'Europe, le soutien aux PME, la renégociation de la loi Travail, la nationalisation temporaire d'une banque...

amontebourg

La candidature d'Arnaud Montebourg à l'élection présidentielle tisse à nouveau des liens avec la tradition intellectuelle qui semble avoir quitté la gauche depuis un certain 22 avril 2002. S'exprimant peu avant l'ancien ministre du redressement productif puis de l'économie sur la tribune de Frangy-en-Bresse, le député « frondeur » d'Indre-et-Loire Laurent Baumel a ainsi théorisé en s'appuyant sur la sociologie de Max Weber qui « prophétisait » qu'un jour ce serait l'état qui gouvernerait le parti et non l'inverse, signant de fait la défaite de la politique. Or, poursuit-il, « nous avons choisi de mettre la politique aux postes de commande ». Et si « nous avons besoin des experts car nous sommes une gauche de gouvernement, nous ne pouvons leur laisser le droit de dire ce qui est souhaitable... Ils ne sont pas là pour dresser la liste des interdits, mais pour dire comment ouvrir le champ du possible ».

« Agora numérique »

Ce retour à la pensée critique est une des conditions de « l'alternative permettant à la gauche de retrouver son identité » grâce à un « leadership intellectuel qui éclaire », celui... d'Arnaud Montebourg qui a « fixé les axes ». En bons dialecticiens, les montebourgeois sacrifient également à la démocratie participative pour construire le « projet France » en « réponse à l'Appel du mont Beuvray » - l'un des principaux sommets du Morvan - du 16 mai dernier. Le processus baptisé « agora numérique » par son animatrice Julie Desangles, a conduit « 7000 artisans à émettre 180.000 votes et adopter 1.500 contributions » débouchant sur des ateliers thématiques, une véritable « primaire des idées avant celle des candidats », indique Mathieu Guibard.

Le tour des militants : retrouvailles et saluts...

 

Ce sera la seule allusion publique de la journée à la primaire socialiste. Montebourg, lui, n'y est pas candidat. Comment pourrait-il l'être quand il explique : « si je suis candidat, c'est d'abord parce qu'il m'est impossible, comme à des millions de Français, de soutenir l'actuel Président de la République. J'aurais aimé pouvoir pourtant le soutenir. Non parce que je serais l'un des siens, l'un de ses inconditionnels – je ne l'ai jamais été –. Mais parce que je suis de gauche. Ce soutien aurait signifié que nous aurions agi au pouvoir avec efficacité (…), conformément à nos engagements, que nous aurions respecté nos valeurs ».

A la primaire si elle est « clean »

Emmanuel Dumont, son soutien historique à Besançon, qui avait mobilisé » une trentaine de ses amis pour lui prêter main forte lors du second tour de la législative de 2007 qu'il emporta d'un cheveu face à Arnaud Danjean, entrevoit quand même une petite possibilité de participation à la primaire : « on ira si l'autre ose la faire en décembre ». L'« autre » appréciera. Le mot fait toucher du doigt la défiance envers l'appareil socialiste. D'ailleurs, Dumont n'est plus au PS et assure que la majorité des soutiens de Montebourg n'y sont pas ou plus.

Jérôme Durain, sénateur de Saône-et-Loire, président du groupe socialiste au conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté et membre du conseil politique du candidat, est plus précis sur la primaire : « son intérêt est d'y aller si c'est clean, s'il y a assez de bureaux de vote ». Autrement dit, si elle n'est pas confinée aux adhérents. Également conseiller régional, le Nivernais Sylvain Mathieu, est l'un des trois premiers fédéraux du PS à le soutenir : « nous avons des relais dans une trentaine de départements ».

Une arrivée de star...

 

Pour l'heure, donc, place à « la primaire des idées ». Et non au casting, quoique l'allure d'Arnaud Montebourg, son image, ne sont pas négligés comme on l'a vu avec l'histoire de la marinière d'Armor Lux dont les rayures se retrouvent jusque sur les badges de la fête de Frangy, des organisateurs aux « jeunes avec Arnaud ». Le premier que nous rencontrons se dit « apolitique », la seconde vient du Front de gauche, a adhéré un temps au PCF, parle du « rapprochement entre Pierre Laurent et Arnaud Montebourg », de la « quête solitaire de Mélenchon ». Un Mélenchon qui se dit renforcé par les critiques de Montebourg vu comme un « rabatteur » de voix pour Hollande.

Synthèse socialo-gaullo-mendesiste teinté d'écologie

Les idées ? Une sorte de synthèse socialo-gaullo-mendesiste teinté d'écologie visant à « organiser, dans une alliance historique, toutes les forces productives [de la nation] derrière ses PME Made in France » pour constituer un programme de « redécollage de l'économie française ». Employer la notion marxiste de « forces productives » n'est pas innocent, s'articule avec cette lapalissade gestionnaire : « on créé d'abord de la richesse avant de la redistribuer ».

Entre une ode aux PME, « trésor de notre pays que nous maltraitons » et « héroïnes du Made in France... grande cause nationale », et une adresse à « la France des fins de mois difficiles, de la précarité, à la France ouvrière et bosseuse », c'est un renversement d'alliance sociologique qui est proposé. La droite du PS, dans la foulée de la fondation Terra Nova, avait théorisé une prétendue droitisation de la classe ouvrière qui, à l'évidence, n'est pas libérale. Arnaud Montebourg évoque à plusieurs reprises « les classes moyennes et populaires » qui ont, dans l'histoire, constitué le socle des victoires électorales de la gauche.

De « l'espoir à gauche » à l'« alternative crédible »

Ce faisant, il assure que le projet France est « audacieux, unificateur, patriotique, socialiste pour une grande part, républicain, volontariste », bref « de gauche, une gauche ancrée dans la réalité ». Il représente « l'espoir à gauche », assure Laurence Fluttaz, vice-présidente de la région à la culture. Il porte une « alternative crédible », dit la bisontine Élise Aebisher, benjamine du conseil régional qui a défilé contre la loi Travail, mais n'était pas une « montebourgeoise historique ».

Un millier de personnes et une centaine de journalistes...

 

Jeune technicien forestier dans l'Oise, montebourgeois depuis la primaire de 2011, Maxime est convaincu par la défense des « causes locales et des petits producteurs ». Il ne « peut pas voter Hollande : c'est fini », et craint « une campagne sécuritaire où l'on ne parlera pas des problèmes des Français ». Institutrice en retraite, Chantal vient en voisine de Tavaux depuis 1997. Lors du banquet précédant le discours, elle cite les invités successifs, de Fabius à Chevènement en passant par Bartolone et Royal : « il y a deux ans, c'était Hamon et la cuvée du redressement, on s'est dit le soir-même il ne va pas rester longtemps, le lendemain il était viré... Je n'aime pas les courants alors qu'il n'y a qu'un parti, j'ai pris ma carte aux Jeunesses socialistes en 1962... »

« Ce n'est pas un énarque grenouillant dans les instances du parti »

A ses côtés, Bernard, non encarté PS, fait partie de la trentaine de Jurassiens ayant fait le déplacement : « Hollande a eu par moments une politique courageuse, mais il y a eu ce virage libéral des vœux 2013, les gens n'ont pas compris ». Mauricette, qui a travaillé aux Impôts, défend le président : « au niveau fiscalité, il a fait des choses pour les classes moyennes, imposé davantage les successions pour les plus riches, mais les gens ne sont pas tous armés pour comprendre ça ».

Deux tables plus loin, la délégation bisontine est forte d'une vingtaine personnes. Et si l'on remarque l'absence de Marie-Guite Dufay qui était là en 2015, on remarque l'adjointe au maire Anne-Sophie Andriantavy qui soutenait Hollande en 2012. Le secrétaire de la section bisontine du PS, Jean-Sébastien Leuba, est là également. Il nous dira plus tard que le discours de Montebourg ne l'a « pas convaincu au niveau des engagements européens ». En revanche, Myriam El Yassa, adjointe à Besançon et membre du conseil national du PS élue de la motion A (majorité du parti) est en train de « devenir » partisane de Montebourg dont le propos l'a émue et le parcours convaincue : « ce n'est pas un énarque grenouillant dans les instances du parti et il a su partir du gouvernement ».

Cela colle assez bien avec une formule lancée par le candidat : « les politiques veulent changer la société, mais c'est à la société de changer la politique... »

 

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