Acte 22 à Besançon : le calme puis soudain l’affrontement

Est-ce la stratégie officielle ? Après un cortège pacifique, lacrymogènes et tirs de lanceurs de balles de défense ont fusé des rangs des forces de l'ordre tandis que des incendies de conteneurs leur répondaient… 

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L’acte XXII des gilets jaunes avait lieu samedi 13 avril à Besançon. Environ 750 participants ont défilé en un cortège « classique » dans les rues du centre. À l’exception de quelques points de tension mineurs, le déroulement est resté pacifique y compris en fin d’après-midi à Préfecture. Puis en début de soirée les choses se sont emballées, à 18 h la situation virant à l’affrontement au niveau de la gare Viotte. Nuages de lacrymogènes et tirs de LBD auxquels répliqueront incendies de containers et tentatives de barricades qui se solderont par des assauts chaotiques sur Battant, des arrestations, et une situation restée tendue jusqu’à 20 h. D'après certaines observations, il semblerait que des policiers de la BAC soient intervenus, non plus en civil mais en uniforme…

Un parcours calme, mais des points de tension

15 h, place de la Révolution. Ils sont environ 400 à prendre le départ en direction du centre ville, après une heure de convergence. Les historiques, jurassiens et péri-urbains, syndicalistes, et autonomes, sont toujours là, plus déterminés que jamais. Drapeaux comtois et français trônent en bonne place, au milieu des banderoles et pancartes fustigeant la nouvelle loi dite « anticasseurs », pour le « Référendum d’Initiative Citoyenne » (RIC), ou appelant à « renverser le capitalisme. » Ils seront jusqu’à environ 750 à battre le pavé, passant par le tunnel sous la Citadelle peu avant 16 h pour gagner la promenade Granvelle quinze minutes plus tard et s’y installer.

Un moment de flottement agite la foule. Les plus anciens improvisent une joyeuse chenille, avec en tête un artefact du Président Macron ; les « radicaux » débattent, et semblent déterminer à poursuivre ; le reste des participants est dans l’incertitude, entre volonté de poursuivre et satisfaction de la journée. Willy Graff, journaliste à l’Est républicain, est expulsé, accusé d’avoir fait condamner un gilet jaune (voir ci-contre).

16 h 30, le cortège reprend la direction des rues de la Boucle… Halte aux Galeries Lafayette, après un passage remarqué le samedi passé. Cette fois, les rideaux sont hâtivement baissés, et certains n’hésitent pas à les secouer en signe de protestation.

Après la place du 8-Septembre, prise de l’avenue du Huit-Mai 1945 par la Grande rue et la rue Claude Pouillet. Beaucoup d’autres commerces ferment boutique, à l’image des passages Pasteur. Cap sur la Préfecture, où ils sont des dizaines à revêtir écharpes, masques à gaz, et larges vestes noires…

Pourtant, à 17 h, c’est un face-à-face froid et distant avec les gendarmes mobiles. Pas un seul projectile, qu’il soit parpaing ou lacrymogène ; un graffiti « plus de frites à la cantine, moins de keufs à la manif’ - A.C.A.B. » rappelle les enjeux. Après trente minutes de flottement, reprise de la marche sur la Boucle, puis Battant, et finalement la gare Viotte, atteinte vers 17 h 45.

Reprise des hostilités

Rapidement, le Préfet Joël Mathurin communique en annonçant sur Twitter ordonner la dislocation du cortège, expliquant, comme le 30 mars dernier, craindre des troubles. Dès l’approche de la gare alors tenue par la police nationale, de nombreux tirs de lacrymogènes et des cailloux sont échangés en guise d’accueil. Au moins un tir de lanceur de balle de défense (LBD) touche un manifestant, le blessant légèrement à la cuisse. Peu avant 18 h, la soirée vire à l’affrontement. Un lent reflux s’orchestre avenues Ferdinand-Foch puis Edgar-Faure. Les gendarmes mobiles, revenus en renforts, suivent de près les quelques 300 manifestants qui restent.

Vindicatifs, ceux-ci résistent tant bien que mal aux assauts des forces de l’ordre. Plusieurs parpaings et bouteilles toucheront leur cible en pleine tête, sans gravité apparente. Revenus sur Battant à 18 h 30, les participants tentent d’ériger des barricades enflammées ; containers, poubelles, palettes, sont réquisitionnées ou incendiées sur place, notamment place Bacchus, avant un départ précipité.

Une manifestante de la première heure s’agenouille pacifiquement, les mains sur la tête, à l’approche des cordons policiers, mais est seulement évitée. Madeleine à 18 h 45, les choses s’accélèrent : les gendarmes foncent sur les protestataires, et réalisent leur première interpellation.

Les uniformes font mine de battre en retraite sur le pont, avant une seconde charge surprise. Une autre personne est interpellée, et surtout un gamin de 13 ans est lui aussi arrêté. Cet ultime acte s’inscrit dans un chaos presque total devant l’église de la Madeleine, certains gendarmes mobiles perdant dans leur course bombes au poivre et matraques, d’autres n’hésitant pas à repousser violemment tout ce qui s’approche de près ou de loin même après la fin de l’opération, quand une gradée de la police locale provoque les opposants qui restent. Certains street-medic, au tempérament d’habitude neutre, sortent de leurs gonds devant la situation.

Une soirée interminable

A 19 h 15, scène inhabituelle, les derniers réfractaires, nettement en infériorité numérique, sont pourtant déterminés à « reprendre le terrain » et avancent en même temps que les boucliers reculent. Une bonne cinquantaine de locaux loin des clichés Black bloc, mais prêts à tout pour « ne plus baisser la tête. » Slogans, discussions, et même empoignades perdureront encore une dizaine de minutes.

Au départ des gendarmes mobiles à 19 h 30, la police nationale tente de reprendre le contrôle de la situation avant de repartir promptement. Des palets de lacrymogènes sont lancés, mais rapidement ils doivent ré-intervenir après la formation d’un attroupement.

Un homme fortement alcoolisé s’en est en effet pris physiquement à un reporter de Radio Bip clairement identifié, lui assenant gratuitement une première fois un coup de poing au visage puis recommençant cinq minutes plus tard après une tentative de temporisation et d’explications infructueuses. Passant à un cheveu du lynchage, il sera emmené au commissariat avec une plainte déposée à son encontre. Le calme ne reviendra définitivement et difficilement qu’autour de 20 h, en même temps que la reprise partielle des transports en commun fortement impactés ; le tramway pour Chalezeule sera quant à lui stoppé jusqu’à près de 21 h.

 

  

 

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