Accueil de jour Bol d’R : nouveau rendez-vous judiciaire le 13 février sauf si…

L'association Solidarité Migrants Réfugiés était assignée en référé-expulsion devant la chambre civile du tribunal de grande instance de Besançon par la Saiemb-Logement, SEM qui dépend de la Ville. La juge a entériné un accord survenu vendredi qui entrouvre la porte d'un règlement amiable. La question des migrants montre une fracture béante au sein de la majorité municipale.

audience

L'audience de référé-expulsion devant la chambre civile du tribunal de grande instance de Besançon n'a pas duré plus d'une minute, ce mardi matin 9 janvier. Le temps pour la juge de prendre acte d'un accord passé vendredi 5 janvier entre la Siaemb-logement, propriétaire du local transformé en accueil de jour, et l'association SolmiréSolidarité Migrants Réfugiés, et de prononcer un renvoi de l'affaire au 13 février.

D'ici là, « on espère une résolution amiable », explique le responsable du service contentieux de la Saiemb-logement, Jean-Yves Grosjean, lors d'une conférence de presse improvisée avec Noëlle Ledeur, militante de Solmiré, également poursuivie à titre individuel comme trois autres bénévoles. Autrement dit, traduit l'avocate de Solmiré, Laure Frossard : « si un relogement est trouvé, le juge n'aura plus à trancher ». Jean-Yves Grosjean ajoute : « s'il y a résolution amiable, il y a aura désistement de la Saimeb-logement ». Noëlle Ledeur lui demande préciser : « y compris sur le plan financier ? » Jean-Yves Grosjean répond : « Absolument ». Noëlle Ledeur est sceptique : « lors de la réunion de vendredi, il ne nous a pas été dit que les poursuites financières tomberaient. Mais si c'est négociable, tant mieux... »

L'hébergement insatisfaisant de l'Etat

En fait, la militante craint que les demandes de la Saiemb-logement demeurent : 560 euros de loyer par mois avec 150 euros de pénalité par jour de retard, sommes qui n'excluent pas les consommations d'eau, d'électricité et le ramassage des poubelles. Contactée par Factuel, Danielle Poissenot, la présidente de la Saiemb-logement, également adjointe au maire et membre du groupe LREM, n'a pas l'air disposée à faire de cadeau sur ce plan : « je ne sais pas qui va payer les charges, mais je ne vais pas les faire supporter à nos autres locataires, nous sommes des bailleurs sociaux... »

Outre ces questions d'argent, reste l'essentiel : la prise en charge de migrants dont certains sont demandeurs d'asile et doivent donc à ce titre être hébergés par l'Etat. Or, cet hébergement n'est pas satisfaisant. Situé à Valentin, mal desservi par les transports publics, le Prahdaprogramme d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile est tout sauf pratique pour qui a des démarches à effectuer en ville. C'est même plutôt un site de relégation idéal qui accueille aussi des personnes assignées à résidence comme l'expliquait le CDDLE sur Factuel en octobre dernier... Et « s'il a des douches, il n'a pas de cuisine », reconnaît Mme Poissenot.

Controverse sur les deux accueils de jour

Ces quelques raisons expliquent pourquoi nombre de migrants restent en ville, dans des squats, chez des particuliers ou dans des campements de fortunes. Beaucoup ont alors besoin de structures relais pour prendre une douche, laver leur linge, manger au chaud, occuper les enfants... « L'Etat fait de l'accueil de jour. Le secrétaire général de la préfecture me dit que tous les besoins sont remplis par la Boutique Jeanne-Antide. Y a-t-il vraiment besoin du Bol d'R en matière de soins du quotidien ? Le secrétaire général dit que non », assure Danielle Poissenot.

Noëlle Ledeur n'est pas d'accord : non seulement la Boutique Jeanne-Antide de 55 places pour familles avec enfants est « saturée », mais elle « n'accueille que les personnes agréées par la préfecture, des gens n'y sont pas admis ». En outre, « les demandeurs d'asile ne trouvent pas à BJA tout ce qu'il y a à Bol d'R, par exemple l'espace jeux pour les enfants ». Cela explique selon Mme Ledeur que des personnes fréquentent les deux lieux.

Mais revenons au point presse à la porte de la salle d'audience. Nous demandons à M Grosjean si la Saiemb-logement pourrait proposer un autre local à Solmiré. Cette éventualité n'est « pas de la responsabilité » du juriste, mais l'hypothèse « pourrait être envisagée... Mieux vaut un mauvais arrangement qu'un bon procès ». Noëlle Ledeur réagit : « ce n'est pas tombé dans l'oreille d'une sourde, mais on n'a jamais eu de perspective amiable de la part de la Saiemb... »

Une lettre recommandée qui se perd

La militante évoque aussi des faits étonnants : « Nous avions adressé une lettre recommandée à l'ancien directeur le 27 novembre pour obtenir un rendez-vous. On n'a jamais eu de réponse. Lors d'un contact ultérieur avec lui, on a été surpris qu'il n'y ait pas trace de cette lettre. Mme Poissenot ne l'a pas vu non plus. C'est curieux... » Interrogée, Danielle Poissenot dit ne « pas avoir été au courant, la lettre a été perdue... De tout façon, on aurait répondu non... »

Entre temps, Solmiré a sollicité les 28 conseillers municipaux des groupes PS, PCF et EELV ainsi qu'Eric Alauzet, député et conseiller municipal LREM, qui, dans sa vie politique antérieure, avait soutenu des migrants : « il a été le premier à venir nous voir au local de Bol d'R, mais nous a tenu un discours que je ne reproduirai pas, avec des éléments de langage du ministre de l'Intérieur », dit Noëlle Ledeur. Thibaut Bize, le président du groupe PCF, « s'est engagé à intervenir auprès de la Saiemb, il a sollicité les autres groupes politiques susceptibles de nous soutenir pour qu'on soit reçu par Mme Poissenot qui a fini par nous recevoir sous la pression de ses collègues... Elle a soutenu que la demande d'expulsion s'appuyait sur une décision du conseil d'administration, or, c'est faux, il n'y a jamais eu de vote. C'est pour ça que je me méfie... »

Qu'en dit Danielle Poissenot ? « Au CA du 22 décembre, nous avons parlé du sujet car la CNL a présenté une motion de soutien à Solmiré que j'ai lue... Le CA a décidé de ne pas mettre par écrit de décision, mais de soutenir oralement la décision d'ester en justice. On devait le faire pour rester assuré... »

Les macronistes dans une position délicate

En fait, il faut sortir cette affaire du juridique si l'ont veut la comprendre. Elle met en effet au jour les importantes divergences de vue au sein de la majorité municipale sur la question des migrants. Les trois partis de gauche agissent discrètement en appui de Solmiré pour qu'un dialogue s'instaure avec les macronistes dont la position paraît de moins en moins tenable, ne serait-ce qu'au regard de l'histoire de la ville. Lors du dernier conseil municipal, le MoDem s'était également alarmé de la situation.

« C'est de l'intrusion politique », estime Danielle Poissenot, « il y a beaucoup de locaux vides à Battant... Investir celui-ci, c'était viser la Saiemb et la ville... »

Devant la petite centaine de personnes qui s'étaient rassemblées devant le Palais de justice en soutien à Solmiré, Noëlle Ledeur ne l'a pas démentie : Nous sommes plus de cinquante à nous relayer pour faire fonctionner le Bol d'R, mais ce n'est pas à nous de faire ça. On a ouvert un lieu pour attirer l'attention, solliciter les pouvoirs publics. A Besançon, au moins une centaine de personnes sont à la rue, dans des parcs, à la gare, chez des personnes bienveillantes... Hors action humanitaire, notre objectif est de contraindre les autorités à prendre en charge l'ensemble des demandeurs d'asile. Il y a à se mobiliser encore... »

Vendredi 12 janvier, le collectif accueillera au local Bol d'Air les présidents des trois groupes PCF, PS et EELV du conseil municipal...

 

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