A l’abordage du Projet régional de santé

Une douzaine de collectifs de défense d'hôpitaux de proximité manifestent vendredi 18 mai à Dijon devant l'Agence régionale de santé. Cela fait beaucoup d'oppositions après les avis défavorables sur le PRS de la région et de six départements, les réserves de la Conférence régionale de la santé et de l'autonomie dont l'avis favorable n'est passé qu'à deux voix de majorité, qui plus est relative, après un premier vote où pour et contre se neutralisaient...

ch-st-cl

La Conférence régionale de la santé et de l'autonomie, considérée comme le parlement régional de santé et composée de 91 membres représentant 8 collèges, a rendu un « avis définitif favorable » sur le Projet régional de santé lors de sa séance du 26 avril. C'est ce qu'on peut lire sur le site de l'Agence régionale de santé depuis vendredi 11 mai.

Il faut rentrer dans le texte pour réaliser que cet avis est assorti de réserves. Si la CRSA « approuve les orientations et objectifs » du PRS, elle le trouve « peu lisible » et « regrette que l’absence de chiffrage financier ne permette pas de dégager les priorités ». Surtout, elle ne cache pas son inquiétude quant à l'offre de soins : « Les services de santé participant à l’aménagement du territoire, la CRSA sera vigilante à ce que certaines actions de transformation ou d’évolution de ces services prévues dans le PRS n’aient pas de conséquences sur les autres services ou activités offerts à la population. » Elle relève aussi les limites des « technologies innovantes » et assure qu'elle sera « attentive à ce que [leur] déploiement n’aggrave pas la problématique de la raréfaction de l’offre ».

Ce que le site de l'ARS ne précise pas non plus, c'est que cet avis n'a obtenu qu'une très relative majorité : 27 voix pour, 25 voix contre, 16 abstentions et une non participation au vote... Soit un total de 69 votants potentiels pour une assemblée de 91 membres, réunie publiquement mais sans tambour ni trompette. Et encore a-t-il fallu deux votes pour parvenir à ce résultat, un premier scrutin ayant débouché sur une égalité parfaite de 25 pour et 25 contre.

« C'était bizarre, il y a eu plus d'électeurs la seconde fois alors que des gens étaient partis entre les deux votes. C'est du grand n'importe quoi », estime Pascale Letombe qui siège pour la CGT à la CRSA. « On n'a pas été nickel sur la démarche. On a eu 69 voix alors qu'on pensait en avoir 67 », admet Claude Michaud, responsable du département PRS, parcours et démocratie en santé à l'ARS, en expliquant que tous les pouvoirs n'avaient pas été enregistrés...De quoi former un recours ? « Ça ne servirait à rien sur un avis consultatif, si ce n'est à alimenter une polémique », tranche Pascale Letombe.

Rafale d'avis défavorables

Quoi qu'il en soit, 27 voix pour, c'est moins de 30% des « parlementaires de santé » qui ont approuvé le PRS alors que 51 d'entre eux sur 91 sont désignés par le directeur général de l'ARS, certains directement, d'autres après appel à candidature ou sur proposition d'une instance professionnelle. Le quorum était cependant atteint avec 47 ou 48 présents dont une vingtaine avec un pouvoir, souligne Claude Michaud en précisant : « c'est comme ça dans toutes les ARS... »

Ce glorieux résultat fait suite aux avis défavorables adoptés par plusieurs collectivités dont le conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, six départements (Jura, Haute-Saône, Côte d'Or, Nièvre, Saône-et-Loire, Yonne), la majorité d'une vingtaine (pour l'instant) de communautés d'agglos ou de communes... Des avis défavorables et/ou des réserves émanent aussi des CDCAconseils départementaux de la citoyenneté et de l'autonomie, et des CTSconseils territoriaux de santé. Le département du Territoire de Belfort a rendu un avis réservé, le Doubs ne s'est pas encore prononcé.

Quoi qu'il en soit, ces avis consultatifs n'ont aucun caractère coercitif. Le Projet régional de santé devrait donc être arrêté en juin par le directeur général de l'ARS, Pierre Pribile, officiellement « après examen de ces différents avis ». Il doit recevoir, vendredi 18 mai, une délégation des comités de défense de services hospitaliers de proximité qui ont prévu de se rassembler sous ses fenêtres. Tiendra-t-il compte de la mobilisation qui vient après des dizaines de manifestations ? On verra...

Une quatrième version du PRS attendue à l'automne...

La veille, ce jeudi 17 mai, le Luron Michel Antony, aura répété ses arguments lors d'une audition à l'Assemblée nationale devant la commission d'enquête sur « l'égal accès aux soins des Français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain ». Et dans trois semaines sa ville accueille la 29e rencontre de la Coordination nationale qui réunit les comités locaux de défenses des services hospitaliers de proximité : urgences, maternité, petite chirurgie, etc.

On n'en aura cependant pas encore fini avec le Projet régional de santé. Après la première version, présentée le 5 juillet 2017 et qui n'avait rencontré que deux oppositions à la CRSA (CGT et FO), puis les versions 2 et 3 (l'actuelle), une quatrième version est annoncée pour l'automne, tenant compte de la « stratégie de transformation du système de santé » lancée en février par le gouvernement. Comme le budget de la Sécurité Sociale est, in fine, du ressort du Parlement qui doit en débattre à la fin de l'année, on ne s'étonne pas que rendez-vous soit donné pour la rentrée afin d'encore peser sur les décisions.

« On sent une prise de conscience plus politique depuis quelques mois », souligne Pascale Letombe (CGT) en rapportant que plusieurs membres de la CRSA ont « demandé au directeur général de l'ARS d'interpeller le ministre ». Vendredi 18 mai, elle sera à Dijon tout en regrettant d'avance l'absence de militants CGT... Ce qui renvoie à l'analyse de Michel Antony (encadré plus bas) sur la difficulté de la convergence des luttes...

 

 

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !