C'est un jeune couple d'Arméniens dont nous taisons l'identité afin de les protéger. Ils ne veulent pas non plus qu'on voie leur visage sur les photos. Ils sont arrivés à Besançon en octobre dernier et un bébé est né le mois suivant. Hébergés par le CAUDA, ils ont appris mardi qu'ils devaient quitter leur chambre ce jeudi matin sans qu'une solution de relogement ne leur soit proposée. Nous avons constaté à 9 h 45 qu'ils quittaient le CAUDA. Ils ont indiqué aux quelques militants du collectif A la Rue venus en urgence pour les soutenir, qu'ils se rendaient au SAAS où ils étaient persuadés de trouver un abri. Mais le SAAS est fermé le jeudi matin et ils ont rebroussé chemin. Ils avaient toujours la chambre du CAUDA pour quelques heures et devaient retourner au SASS à 14 h. Interrogé, un travailleur social du CAUDA confirme : «je ne sais pas s'il y a une solution au SAAS, voyez avec la direction, je ne suis pas le référent de la situation».
Les militants de A la Rue entendaient aider le couple, surtout empêcher un renvoi pur et simple dans la nature. «Vous vous rendez compte ! Avec un bébé de 5 mois ! L'hygiène, les besoins quotidiens, les changes», s'insurge Marie-Noëlle, médecin, «l'état de santé est lié à la précarité et au fait qu'ils peuvent être à la rue». Anna, infirmière, est choquée : «Et s'ils dormaient dehors !»
Chantal Lecuyer argumente en droit : «Le CAUDA leur a demandé de libérer la chambre parce que la préfecture fait pression pour avoir des places pour ceux qui arrivent». Elle sort de son cartable des décisions de justice qui confortent ses dires : «des tribunaux administratifs se sont appuyés sur le code de l'action sociale et de la famille (articles L345-2, L345-2-2 et L345-2-3) pour obliger des préfectures à trouver une solution». Maryse Lemarchand insiste : «On n'est pas des caritatifs, on est dans le droit».
A entendre Pierre Couchot, du collectif A la Rue, les deux jeunes Arméniens ont fui leur pays après avoir été dépossédés de leur bien et outil de travail, une station service florissante située entre Erevan et Etchmiadzin, par des «mafieux» proches d'un oligarque au pouvoir. «Mon dossier est béton», assure le militant en résumant la situation : «ils ont été rackettés parce que ça marchait bien : une proposition de rachat pour 15.000 euros. Ils ont répondu qu'ils étaient d'accord pour vendre, mais pas à ce prix. A partir de là, ils ont eu des problèmes, Sassoun a été tabassé, hospitalisé... Ils ont dû partir». S'exiler.
En début d'après-midi, les militants sont revenus à la charge au CAUDA : «on nous a redit que la famille devait quitter les lieux aujourd'hui, signaler sa situation au SAAS alors qu'ils savent que le dispositif est saturé. Le CAUDA fait un signalement de rupture d'hébergement à la DDCSPP...» Du coup, le collectif s'est rendu à la préfecture «où tout se décide», une précédente démarche ayant conduit à une solution pour une autre famille. Au service immigration, il a été indiqué aux militants humanitaires qu'une décision devait être prise ce jeudi, sans plus de précision. «On peut supposer qu'ils pourront être relogés dans l'ancien service de la Mère et l'Enfant de l'ancien hôpital Saint-Jacques», expliquait Viviane Camus à 16 h 30.