A Besançon, En Marche ! prend des cours de développement durable

Le mouvement d'Emmanuel Macron revendique 650 adhérents et quinze comités dans le Doubs. Mercredi, une vingtaine de sympathisants ont écouté la leçon du député écologiste Eric Alauzet. « On prend tout ce qu'il y a d'intéressant », reconnaît un supporter de l'ancien ministre dont la fameuse loi faisait quand même reculer la défense de l'environnement...

enmarche

Eric Alauzet tient aussitôt à dissiper un malentendu : il ne soutient pas Emmanuel Macron, mais François de Rugy, candidat aux primaires citoyennes. La question a effleuré plus d'un journaliste à la réception d'un communiqué de presse d'En Marche ! Doubs indiquant que le député écologiste serait présent au premier des quatre ateliers-débats que les soutiens de l'ancien ministre des Finances organisent dans le département. « On m'a demandé de parler de transition énergétique, je viens comme je serais venu si le Front de gauche me le demandait ».

Être là est cependant une façon de ne pas couper les ponts avec un candidat qui mord suffisamment sur l'électorat centriste, voire de droite, pour être considéré comme un postulant sérieux à une présence au second tour de l'élection présidentielle. Et puis, la forme de l'échange ne prête pas trop à confusion. « On fait de la politique dans les arrière-salles de bistrot, comme avant », plaisante Denis Baud, responsable des comités locaux d'En Marche ! Ancien du PRG passé au PS, adjoint de Jean-Louis Fousseret durant son premier mandat (2001-2008) avant d'être écarté du suivant, Denis Baud revendique dans un petit livre paru en 2008 être un « libéral de gauche ».

« Le néo-libéralisme et l'ultra-libéralisme épuisent les hommes et la nature »

Eric Alauzet, pour sa part, met tout de suite à l'aise les 26 personnes présentes au Sisters café : « le développement durable est incompatible avec le néo-libéralisme et l'ultra-libéralisme qui épuisent les hommes et la nature ». En invité poli, il accorde « le bénéfice du doute à Emmanuel Macron » sur cette analyse : « je ne sais pas où il se situe par rapport à ça ».

Eric Alauzet apporteur d'idées écolo pour un mouvement plutôt à sec en la matière ? « on prend tout ce qu'il y a d'intéressant », reconnaît un macroniste...

Il est vrai que le candidat n'est pas vraiment apprécié des écologistes depuis l'adoption au 49-3 de la loi portant son nom et contenant des dispositions opérant, selon Reporterre.net, des « reculs » dans le droit de l'environnement. Il a pour d'autres un « programme écologique pervers ». Il est également favorable au nucléaire, de l'enfouissement des déchets à Bure en passant par l'investissement d'EDF dans le projet britannique d'Hincley-Point qui a contribué à la démission du bisontin Gérard Magnin du conseil d'administration.

« Le libéralisme n'a rien à voir avec les dérives de Raegan ou Thatcher »

Ceci étant, face à des macronistes convaincus mais manifestement peu au fait des enjeux environnementaux, Eric Alauzet a largement pu développer ses idées. Au point que lorsque nous avons ironisé, après la réunion, en suggérant que En Marche ! cherchait des idées chez les autres, des sourires nous ont répondu : « on prend tout ce qu'il y a d'intéressant ». Ainsi quand Alauzet défend le covoiturage tout en soulignant les « effets pervers » de l'ubérisation ou l'évasion fiscale rendue possible par RBn'B, sa réflexion fait mouche.

Elle permet au député d'embrayer sur une critique du libéralisme conçu comme une privatisation des profits accompagnée d'une socialisation des pertes. Denis Baud sent le danger : « Macron revient aux origines du libéralisme qui n'a rien à voir avec les dérives de Raegan ou Thatcher ». Jeune créateur d'une start-up, Antoine Marceau a lui aussi une définition positive du libéralisme : Macron le différencie du conservatisme et du capitalisme, il veut libérer les humains... On veut créer des entreprises, mais on a peur de se planter, c'est pour ça qu'il créera l'allocation chômage pour les entrepreneurs ». 

« A partir de quand le libéralisme devient ultra ? », interroge une dame. Eric Alauzet ne sait pas « où est le curseur » mais a une certitude : « plus on supprime les règles sociales ou environnementales, plus licencie ou pollue quand on veut, plus vite on atteint les limites du système. On vit une période où l'ultra-libéralisme domine et provoque des dégâts sociaux et environnementaux qui ont tendance à s'aggraver ». Un vieil auditeur opine : « quand il n'y a plus de règles, la recherche de la cupidité est à l'œuvre et ça marche bien... Mais en France, on a pas mal de règles et les choses se dégradent. Pourquoi ? » Alauzet tempère : « 50% des règles sont européennes... » 

« On est dans un pays qui a la trouille de tout »

Il est aussi interrogé sur le stockage de l'énergie éolienne. « Ça vient, répond-il, on fait de l'électrolyse de l'eau au Danemark pour produire du méthane ». Pourquoi la France n'a-t-elle pas de capacité à investir dans l'éolien ?, demande quelqu'un. « On n'a pas été clair sur les tarifs de rachat de l'électricité et notre culture du nucléaire a empêché le développement d'autres énergies », dit le député en défendant l'épargne citoyenne comme alternative, sinon complément, aux fonds de pensions s'y investissant.

Dominique Schauss, adjoint au maire de Besançon, intervient : « on hérite d'une société très jacobine à forte centralisation capitalistique qui empêche l'agilité dont font preuve des tas de micro-exemples locaux. C'est ce qui fait dire à Macron qu'on est dans une société enkystée, on est dans un pays qui a la trouille de tout. Nos nouvelles régions sont des foutaises car on a construit des clones de l'Etat... »

Alauzet a fini par trouver une formule qui devrait convenir aux supporters d'Emmanuel Macron : « je suis libéral localement et anti-libéral mondialement ». Autrement dit pour des règles globales contraignantes et des initiatives libres ici... Dans les déchets, l'énergie, l'agriculture, l'isolation, bref tout ce qui concourt à la transition. Début novembre sur Médiapart, Macron disait vouloir « une transition qu'il faut aménager car on n'y passera pas du jour au lendemain », assurait « croire à la transition énergétique industrielle ». Mais sans préciser davantage, sans doute pour éviter une contradiction trop flagrante avec plusieurs mesures de la loi Macron.

Une de ses supportrices ne semble d'ailleurs pas trop croire aux vertus de la transition : « comment créer assez d'emplois avec une économie écologique quand il faut 3% de croissance pour en créer ? » Eric Alauzet reprend son bâton de pédagogue : « Sur 1,5% de croissance, 0,5 ou 0,7 partent dans l'évasion fiscale, il faut donc vivifier le tissu local, simplifier les règles pour contourner la mondialisation ». Il prend exemple sur le soja régional dans l'AOC comté, alternative aux importations.

 

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