Budget du conseil régional, année zéro

Le budget 2016 du conseil régional Bourgogne-Franche-Comté est proche d'un copié-collé des budgets 2015 des deux anciennes régions. S'élevant à 1,3 milliard d'euros, il a été adopté par les seules voix du PS et de ses alliés PRG et divers-gauche. Droite et extrême-droite ont voté contre.

Session budgétaire au conseil régional Bourgogne-Franche Comté

Une session budgétaire réduite à une journée, et voilà le débat sur les politiques régionales réduit à sa plus simple expression. A vrai dire, sa difficile construction technique aura surtout consisté à faire un seul document à partir de deux, ce que les spécialistes appelle de la consolidation. Une « nécessité » selon Michel Neugnot (PS, Côte d'Or), premier vice-président en charge des finances, mais aussi un véritable casse-tête. « On partait de deux méthodes comptables, avec deux payeurs généraux qui n'avaient pas forcément les mêmes pratiques dans le choix des affectations budgétaires », explique-t-il candidement.

Après consultation préalable des présidents des trois groupes par la présidente, on n'a donc pas eu droit au fastidieux mais nécessaire traditionnel débat sur le détail de chacun des différents chapitres, suivi d'un vote sur chacun d'entre eux. On a au contraire assisté à un débat global, rentrant dans les grandes lignes de chaque grand chapitre, avec surtout un vote global.

Marie-Guite Dufay, à l'ouverture de la session budgétaire.

Du coup, ce budget 2016 est un quasi copié-collé de l'addition des budgets des deux ex conseils régionaux. En recettes, les diverses dotations d'État pour 2015 sont reconduites au même niveau : 314,6 millions. Pour éviter les répétitions, le document indique parfois qu'elles ont été « gelées ». 

Côté recettes fiscales, les régions ne peuvent agir que sur le montant d'une seule ressource : les cartes grises. L'exécutif régional a choisi de mettre l'ensemble de la nouvelle région au tarif de 51 euros par cheval jusque pratiqué en Bourgogne alors qu'il était de 36 euros en Franche-Comté. Ce faisant, la recette attendue fait un bond de 17 millions pour atteindre 96,4 millions. Ce point a donné lieu à l'unique controverse sur les recettes.

Espérant mettre à mal la cohésion de la courte majorité du PS et de ses alliés, la droite a proposé un alignement progressif sur le tarif bourguignon, mais son amendement n'a recueilli que 49 voix contre 51. Michel Neugnot pense atténuer l'effet de l'importante hausse en annonçant pour 2017 « une aide à l'acquisition du premier véhicule pour les jeunes »...

En 2017, les régions toucheront 50% de la CVAE au lieu de 25% pour assumer la compétence transports

Les régions n'ont aucune prise sur le montant des autres recettes fiscales, fixées par l'État ou l'Europe. Il en va ainsi de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE, remplaçant l'ancienne taxe professionnelle) dont elles touchent 25%le reste va aux départements, communes et intercommunalités. Cette ressource est évaluée à 136,6 millions, en hausse de 0,9%. L'année prochaine, les régions toucheront 50% de la CVAE en raison d'une ponction sur la part attribuée aux départements, essentiellement pour accompagner le transfert de la compétence transports scolaires et interurbains.

Calculé à partir de l'écart de croissance de la région et du pays, le fonds de péréquation de la CVAE devrait être en augmentation par rapport à l'an dernier et atteindre 9,5 millions. Les régions ne peuvent pas non plus agir sur l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) qui devrait rapporter 44,2 millions à la Bourgogne-Franche-Comté. Il y a enfin 70,7 millions provenant de deux dispositifs instaurés après la suppression de la taxe professionnelle afin de préserver les recettes des collectivités : DCRTPdotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle et FNGIRfonds national de garantie individuelle des ressources.

François Sauvadet (LR-UDI) et Michel Neugnot, premier vice-président.

Parmi les recettes sur lesquelles les régions ne peuvent agir, figurent la taxe intérieure de consommation de produits pétroliers (156 millions), agrémentée d'une modulation (32 millions) et d'une part Grenelle (32,5 millions), des ressources reposant sur la taxe d'apprentissage et la formation professionnelle (124 millions), le fonds de compensation sur la TVA (18,4 millions) et les fonds européens (39,1 millions). Les autres recettes et participations atteignent 53,9 millions, l'emprunt se monte à 174,8 millions.

Alain Joyandet : « la triple peine pour les Francs-Comtois »

L'affaire des cartes grises aura débouché sur le principal débat budgétaire. Il n'est pas sorcier de voir que les 17 millions supplémentaires compensent presque les 21 millions de dotations en moins. Le problème, c'est que l'affaire alimente un soupçon, sinon une accusation, de différence de traitement entre Francs-Comtois et Bourguignons. « C'est la triple peine pour les Francs-Comtois, du point de vue de la dette, de l'emprunt et des impôts », dénonce Alain Joyandet (LR), le président de la commission des finances. La Bourgogne était en effet davantage endettée, remboursait plus d'emprunt et payait plus d'impôts... Eric Houley (PS, Haute-Saône) conteste cette vision des choses : « La politique de la ville se fait plutôt au profit de la Franche-Comté ».

« Si vous ne voulez pas une fusion-absorption mais une fusion-association, vous devez être dans l'équité fiscale. Si vous aviez dit que vous prendriez sur les cartes grises, vous auriez perdu », ajoute Joyandet à l'adresse de Marie-Guite Dufay. Mais la présidente défend son budget : « Je ne veux pas baisser les services rendus à la population, la formation pour les demandeurs d'emploi ou les transports, la contractualisation avec les territoires ou les lycées... Il y avait un endettement supérieur en Bourgogne, c'est pour ça que les investissements seront supérieurs en Franche-Comté, notamment avec le plan lycées... » Elle assure qu'un alignement des cartes grises sur le tarif franc-comtois amputerait le budget de fonctionnement de 2%, ce qui impacterait l'emploi : « Pour le personnel, cela signifierait l'arrêt des CDD comme dans les régions dirigées par la droite. Mais quand je vois comment les gens travaillent, il nous faudrait embaucher ! Il n'y aura pas d'économie sur les chauffeurs, les bâtiments ou le personnel ».

Sylvie Laroche au FN : « Les réfugiés
sont chassés par des extrémistes
qui parfois vous ressemblent »

Lors de l'examen par politique, François Sauvadet (LR-UDI) estime que « 5,2 millions sur trois ans et huit département pour les agriculteurs, c'est une mesurette. votre plan de relance du bâtiment de 20 millions n'a rien d'un plan de relance ». Jean-Philippe Lefebvre (LR-UDI, Jura) souligne « le lourd silence sur l'aéroport de Dole-Tavaux ». Patrick Genre (LR-UDI, Doubs) considère que le budget n'a « aucune ligne conductrice ». Hélène Pélissard (LR-UDI, Jura) craint une diminution des aides à l'isolation des bâtiments du plan Efilogie. « Il n'y a pas d'arrêt du dispositif », lui répond la vice-présidente à l'environnement Frédérique Colas (PS, Yonne) en annonçant la création du « service public de l'efficacité énergétique » dans le budget 2017.

Julien Odoul (FN, Yonne) ressasse l'obsession de l'extrême droite sur les 1000 euros versés aux communes pour chaque place d'accueil de réfugié : « ce ne sont pas des réfugiés mais des clandestins ». Au même instant, les vingt quatre élus FN se collent un badge au revers : « adoptez un migrant UMPS ». Les photographes se ruent sur immortaliser l'instant... Sylvie Laroche (PS, Jura) dit son dégoût : « la solidarité, c'est ici et là-bas. Les réfugiés sont chassés par des extrémistes qui parfois vous ressemblent ». Sophie Fonquernie (PS, Doubs) est également en colère : « On a tous du sang d'immigration ». Plus tard, Sophie Montel, la présidente du groupe FN, dénonce « un budget guidé par l'idéologie nocive du vivre ensemble », d'une « fusion-arnaque » qui ne débouche pas sur les économies annoncées.

 « L'apport du FN est dérisoire »

Le FN, comme il nous y avait habitué avec seulement quatre élus en Franche-Comté, fait tout pour donner l'impression qu'il ne travaille pas les dossiers. Le président du groupe PS, Jérôme Durain (Saône-et-Loire) l'a compris : « l'apport du FN est dérisoire, les mêmes éléments obsessionnels reviennent à chaque prise de parole, vous ressassez votre livre brun... » Des protestations émanent des rangs de l'extrême droite. Le sénateur poursuit : « les électeurs commencent à comprendre que votre présence dans cette assemblée est une imposture, sinon vous parleriez moins de migrants et plus d'emploi ou de transport... Votre silence est total sur le budget ».

Il compare avec la « droite républicaine avec qui nous avons un débat ». Va-t-on « assez vite ou pas assez vite ? Les agriculteurs trouvent qu'on va dans le bons sens. Notre calendrier ne vous convient pas ? On avance ! Vous opposez Bourgogne et Franche-Comté ? C'est le meilleur argument en faveur d'une transition, pour qu'on prenne le temps... » François Sauvadet parle pour sa part de « temps perdu ». Ironise sur la politique qui « se définit dans les cafés-débats qui s'apparentent aux cafés du commerce ». Il n'est pas content de l'examen en une journée du budget et espère « un budget 2017 plus construit ».

Marie-Guite Dufay reste campée sur sa ligne : Nos trois grandes priorités - demandeurs d'emplois, transports, lycées - se reflètent dans le budget. Elle promet que celui consacré l'exercice 2017 aura lieu sur deux jours et demi à l'automne.

 

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