Libres et égaux en droits

Que les citoyens veuillent se mêler de politique, au juste prétexte que ça les regarde, est une bonne nouvelle. Elle va à l'encontre de la sinistrose, du repli sur soi et de la passivité dans l'adversité. Elle parle d'action plutôt que de bras croisés, d'implication et d'engagement plutôt que d'indifférence.

Que les citoyens veuillent se mêler de politique, au juste prétexte que ça les regarde, est une bonne nouvelle. Elle va à l'encontre de la sinistrose, du repli sur soi et de la passivité dans l'adversité. Elle parle d'action plutôt que de bras croisés ou pire, de tête baissée, d'implication et d'engagement plutôt que d'indifférence. Dans tous les camps ou presque, on a capté ce désir qui puise à la source de l'élan vital qui fait battre le coeur de la société civile, des personnes et des groupes.

Ce désir se construit aussi sur l'échec des décisions qui viennent d'en haut, de loin, d'ailleurs. C'est ce que disent, la main sur le coeur, les élus devant des salles bien remplies qui leur demandent des comptes quand elles ne les chahutent pas un peu. Sur la circulation, les bus, le tram, les trottoirs, les scooters, l'urbanisme...

Vous aurez reconnu Besançon où, depuis qu'il a été réélu il y a 18 mois avec une majorité relative, le maire Jean-Louis Fousseret organise des rendez-vous réguliers, bien calibrés, dans les quartiers, pour parler avec les citoyens. Les entendre ? Sans doute. Les écouter ? On verra. Comprendre ? Certainement.

A Poligny, lors du débat public sur le très controversé center parcs, le maire Dominique Bonnet et le président du Département Clément Pernot ont dit avoir entendu les griefs et en avoir tenu compte pour « améliorer » le projet. Reste qu'à l'instar du conseiller départemental et président de la chambre d'agriculture Dominique Chalumeaux, ils affirment qu'en démocratie, ce sont les élus qui décident. Entendent-ils les citoyens qui font acte de citoyenneté en participant au débat ? Sans doute. Les écoutent-ils quand ils répondent avoir l'oreille de la « majorité silencieuse » avec l'air de songer « cause toujours » ?

Pour constituer des listes de candidats aux élections régionales, c'est un peu pareil. Il y a les organisations politiques et les sympathisants. Les premières entendent garder la main sur les désignations, les seconds aimeraient bien donner leur grain de sel. Et même déléguer à un jury tiré au sort parmi les citoyens engagés le soin d'établir les candidatures, comme le proposent Nouvelle Donne et le Parti de gauche. On ne peut pas dire que cette idée recueille l'enthousiasme de leurs alliés putatifs avec lesquels ils partagent de nombreuses analyses et options.

Certes, les idées font leur chemin lentement. La primaire socialiste d'octobre 2011 a ainsi vu voter beaucoup plus de sympathisants que d'adhérents, trois ans après le calamiteux congrès de Reims. La droite s'y prépare pour dans un an, avec l'angoisse de voir se répéter les couacs... Mais cet engagement se limite à approuver ce que d'autres ont élaboré. Alors que les initiatives dites citoyennes témoignent d'une volonté impérieuse de s'impliquer.

Au fait, c'est quoi être citoyen ? Voter, bien sûr. Mais alors, exclura-t-on de la citoyenneté ceux qui auront boudé les urnes les 6 et 13 décembre ? Beaucoup ne pensent-ils d'ailleurs pas qu'ils sont  exclus de la citoyenneté depuis que le résultat du référendum de 2005 a été renversé par un vote du Parlement moins de trois ans plus tard ? Et que dire de cette réforme territoriale qui n'était pas au programme des mandats présidentiel et législatif de 2012 ? Que dire de cette affirmation de l'ancien fondé de pouvoir des banques luxembourgeoises devenu président de la Commission européenne selon laquelle « il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens » ?

Le vote n'étant plus souverain, la citoyenneté ne consiste-t-elle pas à exercer une ou plusieurs des libertés fondamentales ? Agir dans une association ou un collectif, se syndiquer, se réunir, créer, publier, résister à l'oppression... Cette citoyenneté serait alors multiple, changeante, intermittente, incodifiable...

On comprend que les citoyens au vote bafoué regardent ailleurs, là où l'efficacité de l'action se voit, s'expérimente dans l'engagement direct, l'organisation du proche ou du quotidien, et qui sait, la construction des bases du monde qui naît. Les élus et les candidats qui répondent « proximité » ont senti cette nécessité. Ils ont besoin d'électeurs. Mais les citoyens ont-ils besoin d'eux ?

Dans un champ politique qui relève chaque jour davantage du supermarché de la petite phrase pour journalistes en stage permanent de marketing éditorial, l'abstention est l'arbre qui cache la forêt du risque totalitaire. La bonne nouvelle, c'est qu'il reste des citoyens... Libres et égaux en droits.

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