« On ne veut pas d’une candidature de témoignage, on veut gagner ». Christophe Lime, membre du Parti communiste français (PCF) sait pourquoi il s’est engagé avec « L’Équipe », qui a lancé sa campagne sur le thème de l’union de la gauche et des écologistes en vue des municipales de mars 2020 à Besançon. Mais pour l’heure, et après discussions avec les autres forces politiques, seuls Europe écologie les verts (EELV), le PCF et l’association A gauche citoyen sont de la partie. « On a reçu une réponse négative de LFI (La France insoumise) qui nous a fait part de sa volonté d’y aller seule. Ils considèrent certains d’entre nous comme infréquentables, et ne pensent pas pouvoir travailler avec nous. On ne désespère pas, on peut travailler avec les citoyens, et même à l’intérieur de LFI, tous ne partagent pas cette analyse. C’est pareil avec le PS, il y a une volonté de leur part de partir tout seuls, qui n’est pas partagée par tous les électeurs. On a de nouveau écrit au PS pour une rencontre en septembre, on a des différences, mais des capacités à converger sur des points fondamentaux », relate Christophe Lime.
« On a des camarades qui ne veulent pas de socialistes, et des socialistes qui ne veulent pas de LFI, nous on veut les deux, et présenter une équipe en capacité de fonctionner sur des bases de gauche », expose Joseph Gosset, membre de A gauche citoyen. C’est une association de militants non encartés qui s’étaient trouvés un peu orphelins au moment de la disparition du Front de gauche en 2016, et aujourd’hui plutôt proche du PCF. « On souhaite l’élargissement maximum. Notre adversaire c’est la droite, et donc LREM. Eric Alauzet soutient la politique de Macron que l’on ne peut accepter, ça reste le président des riches, le serviteur de la bourgeoisie qui casse les services publics et le social. On ne peut pas admettre qu’Alauzet se dise écologiste de gauche, c’est une usurpation de valeurs ». Les mots sont durs pour l’adversaire principal bien désigné. Une marque de rupture pour faire oublier que les deux principaux protagonistes de « l’Équipe » sont actuellement en responsabilité à la mairie en tant qu’adjoints à l’eau et aux espaces verts ? « Malgré quelques couacs, globalement, on ne peut pas reprocher à l’équipe sortante une mauvaise gestion, ce ne serait pas correct », dit-il en évoquant l’ère Fousseret.
Besançon connaît une situation politique quelque peu confuse. Jean-Louis Fousseret avait été élu en 2014 sur une liste d’union PS, EELV et PCF. Il change de bord en cours de mandat pour soutenir la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron, entraînant une situation rocambolesque au sein de la majorité municipale. Christophe Lime finit par la quitter au début de l’année 2019, avec d’autres élus, dont Anne Vignot, EELV. Elle avait déjà déclaré sa candidature en automne au nom de son parti et porte désormais celle de « l’Équipe », auréolée du score des écologistes aux élections européennes. Les projets phares avancés concernent la baisse progressive de la tarification des transports en commun, peut-être jusqu’à la gratuité, une réflexion sur le réseau ferré autour de la ville et sa connexion avec le tram, une tranche du budget géré de manière participative et, bien sûr, une grande attention à la transition écologique.
Des sujets qui divisent
L’un des points sensibles de leur positionnement concerne l’urbanisation des Vaîtes. Pour éviter l’étalement urbain et la destruction d’autres terres agricoles, Christophe Lime et Anne Vignot ne renonceront pas à la construction d’un écoquartier sur cette zone maraîchère historique située au cœur de la ville. Ils souhaitent plutôt améliorer ce vieux projet. C’est un point de blocage pour LFI, qui a de toute façon acté son refus de participer à « l’Équipe ». « Ils disent qu’ils veulent nous avoir, mais ils ont répondu non à toutes les garanties que nous demandions. Ils n’ont jamais même fait semblant d’avancer sur ces points. Chaque fois que l’on a demandé du contenu politique, on n’avait rien », dénonce Claire Arnoux. Outre les Vaîtes, l’épisode de l’arrêté anti-mendicité de la ville de Besançon n’est toujours pas digéré, tout comme leur place au sein de la municipalité maintenant LREM. « Christophe Lime et Anne Vignot sont encore adjoints, ils ont voté le dernier budget. On ne va pas faire de la politique sur des paroles, il faut du concret. Il n’y a pas eu de construction citoyenne, mais un accord d’appareil négocié dans un coin de bureau à trois ». Au printemps prochain, LFI fera campagne avec une liste qui intégrera « une démarche citoyenne ouverte et un fond programmatique radical. »
Le manque de concertation et d’ouverture est aussi une critique adressée par Barbara Romagnan, ancienne députée frondeuse du PS actuellement chez Génération-s de Benoît Hamon. Au mois de juin, elle avait un temps proposé sa candidature comme tête de liste pour fédérer, elle aussi, une liste d’union de la gauche à Besançon. Elle s’est depuis ravisée. « Je reste réservé, pas sur les propositions, mais sur les conditions dans lesquelles elles ont été abordées. Je me retrouve pleinement dans ce qui a été exposé, mais ce n’est pas la même démarche que d’élaborer conjointement les propositions avec les citoyens et les associations. Quand bien même on obtiendrait les mêmes résultats. » Elle n’a guère apprécié non plus la séquence de la conférence de presse du 3 juillet qui intronisait Anne Vignot comme tête de liste. « Ça oblige les autres à se rallier à quelqu’un, ce n’est pas la même chose de le faire tous ensemble et de décider qui sera cette personne. » Elle défend l’idée d’une assemblée tirée au sort au niveau de l’agglomération et regrette le manque de considération pour le rôle essentiel des acteurs associatifs et de la société civile dans l’élaboration du programme et de la liste. Pour le moment, elle reste en retrait, mais « n’ajoutera pas une candidature ».
Le PS pourrait se tester au 1er tour
Et le PS ? Si LFI ne vient pas, il pourrait bien trouver la place qui l’attend dans « l’Équipe », même si c’est encore un peu flou pour le moment. Nicolad Bodin a présenté sa candidature à l’investiture au nom du PS en janvier. Sur « l’Équipe », il émet une vraie réserve sur le principe de gratuité des transports en commun et craint que, des trois piliers du développement durable, environnemental, social et économique, on oublie un peu trop le dernier au profit d’une plus grande ouverture démocratique. Les discussions sont pour l’heure interrompues, mais le dialogue reprendra en septembre et l’issue apparaît prévisible. « Il y a des questions que je me pose, mais j’ai toujours été clair sur l’union de la gauche. Il faut discuter des conditions et se mettre d’accord, que chacun prenne une place. Si on s’entend sur le fond, on fera l’union, soit maintenant, soit le soir du premier tour pour que les électeurs nous départagent. S’il n’y avait pas d’union, je crois que ce serait suicidaire ». Reste à savoir si mener une campagne solitaire serait bien profitable au PS.
« Après notre appel à l’union de la gauche et des écologistes, nous avons trouvé une envolée très rapide, des gens de Besançon et du grand Besançon qui veulent cette union pour mettre l’écologie au cœur des préoccupations. On va inviter à la rentrée, sans doute en octobre, ceux qui ont répondu à notre appel et ouvrir plus largement. », annonce Anne Vignot, qui indique travailler sur ce projet depuis neuf mois. Il y a peu de temps, une heureuse surprise venue du camp d’en face est venue lui donner des ailes. LREM a commandé un sondage qui n’a pas vocation à être rendu public. Les chiffres qui circulent donnent Anne Vignot assez largement en tête, avec 25 ou 24 % des intentions de vote. Si l’on rajoute les 4 % du candidat communiste, voilà une confortable avance pour « l’Équipe » qui survole la course à 29 %. Le deuxième serait la droite avec Jacques Grosperrin, chiffré à 20 %. LREM n’arriverait que troisième, 18 % avec Éric Alauzet (16 % Alexandra Cordier), le RN suivrait à 13 ou 14 %, le PS à 11 ou 10 % et LFI à 10 %. « Cela continue de confirmer que quelque chose s’enracine, que le public nous interpelle sur la responsabilité que l’on a à proposer un projet de société sur le Grand Besançon », analyse Anne Vignot. De quoi rendre moins impérative la nécessité d’une union ?