Vers la communauté urbaine entre enthousiasme et acceptation résignée

Etape nécessaire vers la Communauté urbaine, Le transfert de compétences, dont la voirie, de la commune à l'agglo, a obtenu un large consensus dans les votes du conseil municipal de Besançon, malgré un coup de sang des élus LR (photo). La gauche municipale EELV-PCF s'est démarquée des opérations d'urbanisme qui « stérilisent les sols à vocation agronomique », des Vaîtes aux Planches-Relançons...

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Les propos liminaires du maire et des groupes politiques, c'est fini. Jean-Louis Fousseret l'avait annoncé lors du dernier conseil municipal avant les vacances. Il a tenu parole en ouvrant le conseil de ce jeudi 20 septembre, se privant en même temps d'une tribune où il donnait jusque là le ton des débats. Ne pouvant du coup lui répondre, commenter l'actualité, généralement bisontine, souvent mise en perspective nationale, les élus LR ont manifesté leur mécontentement en demandant, et obtenant, une suspension de séance dès l'ouverture de la séance.

C'était cependant reculer pour mieux sauter. Le rapport numéro 5, consacré à l'extension des compétences et la modification des statuts de la Communauté d'agglomération du Grand Besançon, en a rapidement été l'occasion. Déjà approuvé par la CAGB en juin, le projet consiste à transférer à l'agglo une dizaine de compétences jusque là du ressort des communes : celles liées à l'énergie ont des « impacts limités », précise le rapport soumis au vote. Celles relatives aux cimetières, lycées et collèges, logement et habitat, abattoirs « n'induisent pas d'impacts significatifs ».

« Une contractualisation financière forcée qui a laissé un goût amer »

En revanche, le transfert des voiries communales a contrarié nombre d'élus de villages craignant d'être dépossédés d'une prérogative de proximité essentielle. C'est, souligne le rapport, la compétence « pour laquelle les modes d'exercice, la gouvernance et les impacts financiers nécessitent le plus d'attention ». Surtout, ce transfert est la première et nécessaire étape avant le passage en communauté urbaine.

L'ayant voté à l'agglo, les élus LR l'ont aussi voté à Besançon, mais Jacques Grosperrin a pour ainsi dire expliqué que c'était  à contre-cœur, du moins « sous la contrainte » : « il y a eu à la CAGB, une acceptation résignée qui ne laissait que peu de place aux interrogations ». Pas étonnant que, venant après « une contractualisation financière forcée qui a laissé un goût amer à chacun », le transfert ne garantit selon lui aucune neutralité fiscale. C'est pourquoi il demande « solennellement » à Fousseret de s'engager à ne pas augmenter les impôts.

Le sénateur dénonce en outre le manque de « transparence dans les décisions », constitué selon lui par « une opération de marketing territorial de près de 200.000 euros non signalée en conseil d'agglomération » et donc « non discutée ». Moyennant quoi, un vote favorable peut s'accompagner de « remarques » qui sont en réalité « des réserves ». Logique puisque le « rapport ville- intercommunalité reste très imparfait ».

« Depuis la perte du statut de capitale régionale,
la concurrence s'est accrue avec Dijon »

Son collègue de groupe Pascal Bonnet ne dit pas autre chose en parlant de passage à la communauté urbaine « à marche forcée ». Une expression reprise par le communiste Christophe Lime qui ajoute : « depuis la perte du statut de capitale régionale, la concurrence s'est accrue avec Dijon dont le passage en métropole nous pousse à passer en communauté urbaine. Mais franchement, serons nous véritablement une métropole et une communauté urbaine ? Et quelle utilité y aura-t-il demain à être maire de village dans une communauté urbaine ? »

« Transférer la voirie n'est pas s'éloigner des citoyens », assure Nicolas Bodin (PS). « On fait attention », répond Fousseret à Lime. Laurent Croizier, l'élu MoDem que le maire a parfois du mal à supporter, apporte de l'eau à son moulin avec enthousiasme : « la communauté urbaine, c'est créer les conditions pour que les élus de demain aient une place à côté de Dijon, c'est garantir le budget voirie de la ville, garantir le maintien de la qualité de la vie... » Le président du groupe LREM Pascal Curie ajoute : « nous avons essayé à l'agglo de travailler le projet de territoire avant : il a été voté à 100%. Chaque élu le connait... »

Fousseret conclut en haussant le ton à l'intention de Grosperrin : « il ne faut pas laisser imaginer que ce qui se passe à l'agglo n'est pas transparent. Quand vous dites que la population n'a pas été associée, je rêve. Il y a eu deux réunions publiques avec le conseil municipal, MM Croisier et Gonon, mais pas vous... La communauté urbaine, c'est rester parmi les villes qui comptent... Le maire de Limoges m'a demandé comment on a fait... Notre ville avance : il y avait 5 minutes ce matin sur BFMTV sur le musée, un reportage dans Paris-Match... »

Vote : unanimité moins deux abstentions des élus RN (ex FN).

« Si on vous suit, il faut armer les travailleurs sociaux... »

Après cette passe d'armes entre Fousseret et le groupe LR, on se demandait sur quel sujet se manifesterait la division de la majorité municipale. Mais il fallut d'abord entendre un nouveau et sempiternel débat sur l'armement des policiers municipaux qui ne permit pas aux élus l'ayant lancé à partir du rapport des députés LREM Fauvergue et Thourot de mettre en difficulté la majorité municipale au complet.

Mougin (RN) prit exemple sur une spectatrice en colère ayant interpellé très vivement le conseil sur l'arrêté anti-mendicité avant de se faire évacuer par deux policiers municipaux : « Aujourd'hui on a le cas concret de cette dame hystérique, et si demain un homme hystérique vient avec un pistolet ? Les policiers municipaux attendraient-ils qu'il flingue tout le monde ? » Croizier argua que l'armement était destiné à « protéger les policiers ». 

Jean-Louis Fousseret haussa les épaules : « si on vous suit, il faut armer les travailleurs sociaux... Si la décision du gouvernement ne me convient pas, on verra, j'ai mon avis... C'est Nicolas Sarkozy qui a supprimé 60.000 policiers nationaux, soit 50 en moins à Besançon... »

« Envisager un urbanisme du 21e siècle compatible avec la biodiversité »

C'est à la fin du conseil, sur l'urbanisme des Planches-Relançons que la fissure de la majorité se révéla béante. La phase actuelle doit se terminer par la construction d'une quarantaine de logements afin de combler les dents creuses de la première phase d'un lotissement. L'opération est présentée comme « constituant un potentiel et une forme de laboratoire expérimental visant à développer la mixité social, la diversité de l'habitat notamment par des formes urbaines innovantes et contemporaines... »

L'ennui, c'est que le secteur promis à urbanisation est situé entre la Combe Sarragosse, Palente et la forêt de Chailluz. En plein espace de prairies encore pâturées, de haies, de chemins creux. Bref, un bout de campagne... C'est Anne Vignot (EELV) qui lance l'attaque, mettant d'emblée en avant l'enjeu de la biodiversité à préserver : « il faut envisager un urbanisme du 21e siècle compatible, se poser la question des sols, du développement de l'agriculture urbaine. Il faut que les prairies continuent à vivre, alors que le projet des Planches-Relançons, c'est des petites maisons se développant à la lisière de la forêt... »

« Il y a la question des sols agricoles, notre forêt est en crise sanitaire... »

Jean-Louis Fousseret tente de défendre le projet : « C'est un vrai débat... Oui à la biodiversité, mais il faut préserver aussi la qualité de la vie. Ce que tu veux dire entraine de construire les maisons à la périphérie, donc encore plus de voitures...  Si on veut des familles, il faut un habitat diversifié, qu'on puisse vivre dans petites maisons. Je ne suis pas du tout d'accord avec l'analyse [d'Anne Vignot], mais on ne va pas lancer le débat là dessus... »

L'écologiste ne lâche pas : « Nous perdons le vivant, c'est un constat scientifique. Il faut envisager une autre dynamique en matière d'urbanisme. Il y a la question des sols agricoles, notre forêt est en crise sanitaire... » Fousseret coupe : « le débat forêt, c'est pas le débat, il est est sur les formes d'habitat sur Besançon. L'habitat collectif consomme autant espace que l'habitat individuel. Je n'ai jamais dit que la biodiversité n'est pas importante, mais je ne veux pas que les familles partent à la périphérie... »

Michel Omouri (LR), si souvent prompt à ferrailler avec le maire, lui lance : « je suis d'accord avec vous ». Jacques Grosperrin ajoute un brin taquin : « c'est un débat de municipalité... » « Non », dit Fousseret. « Alors disons de majorité », répond Grosperrin.

« Je veux bien préserver les Vallières, mais à un moment il faut construire. »

En fait, ils n'ont rien à redire aux arguments écolo qui montrent à l'évidence les contradictions que l'agglo peine à résoudre, notamment faute d'avoir développé le transport collectif aussi vite que la croissance démographique. L'adjoint à l'urbanisme Nicolas Bodin (PS) intervient : « j'essaie de défendre les mêmes idées à la ville, à l'agglo et au Scotschéma de cohérence territoriale. On est confronté à la concurrence déloyale de certaines communautés de communes, comme Jura-Nord, qui génère de très nombreux déplacements de voitures matin et soir... Notre objectif est de créer 500 logements par an pour maintenir population, par rénovation comme à Viotte, ou par extension. Je veux bien préserver les Vallières, mais à un moment il faut construire. Vous souhaitez densifier sur la ville, mais dites moi où... »

Françoise Presse (EELV) explique le changement de pied, non seulement de son groupe, mais aussi du PCF qui n'interviendra pas sur le sujet : « notre positionnement depuis le mandat précédent était contre l'étalement urbain. Nous sommes d"'accord, l'habitat social est vertueux. Mais les sols ont une valeur agronomique. On a déjà stérilisé aux Vaites des terrains à forte valeur agronomique. Aux Planches-Relançons, la valeur agronomique est moyenne... Nous ne voterons pas la phase 1, nous voterons contre les phases 2 et 3... Il y a des annonces nationales pour ne plus aller sur l'étalement urbain. On peut modifier nos politiques compte tenu du réchauffement... »

Pascal Bonnet (LR) estime ce débat « majeur » et dit son accord avec Bodin : « allons dans la logique du Scot... Mais c'est un débat interne à votre majorité qui devrait se régler entre vous... »

N'est-ce pas aussi un débat sur la transition écologiste ?

Résultat du vote : absentions des élus EELV, PCF, LR, UDI, MoDem

 

 

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