Une ville qui vote à gauche à tous les scrutins…

Depuis 1977, à Besançon, la droite n'a gagné qu'un premier tour local lors des municipales de 1983, avant de perdre de peu le second... La ville vote à gauche à tous les scrutins : législatives, présidentielles, régionales, départementales, européennes... La droite a aussi gagné le premier tour de la présidentielle et des législatives de 2007, mais perdu le second...

13 décembre 2015 au Kursaal. Marie-Guite Dufay gagne le second tour des régionales avec 34,7% et obtient 52,4% à Besançon... (photo d'archives DB)

Le 21 avril 2002 résonne toujours comme un coup de tonnerre. Le socialiste Lionel Jospin est éliminé au soir du premier tour de l'élection présidentielle. A Besançon, la sanction est plus sévère encore qu'au niveau national. Certes, Jospin fait 17,6% dans la ville, soit un peu plus que ses 16,2% nationaux. Mais si l'on additionne l'ensemble des voix des autres candidats de gauche, de la modérée Christiane Taubira à l'extrême-gauche en passant par Chévènement, le communiste Hue (aujourd'hui macron-compatible) et le vert Mamère, on arrive à 33% rien que sur Besançon, au lieu de 26,7 en France.

On avait surtout vu la qualification de Le Pen. On avait moins commenté le fait que les autres candidats de gauche firent ensemble quasiment le double de celui du PS.

Avec le recul, on comprend que les électeurs de gauche ont donné plus qu'un avertissement à un parti qui s'accommodait un peu trop des règles de la concurrence libre et non faussée mettant à mal l'état social bâti à la Libération. Et comme Besançon est une ville de gauche, ses habitants ont participé un peu plus que dans le pays à la leçon, même si on en connaît beaucoup qui se mordirent les doigts d'avoir voté la sanction. Quand il « fallut » voter Chirac au second tour, il obtint 4 points de plus à Besançon que dans le pays.

2002 : Paulette Guinchard sauve son siège de députée après le séisme

Sonnés, les socialistes ont vite compris le danger que recélait cette défiance. On ne les avait jamais autant vus en réunion publique qu'en ces quelques semaines qui suivirent le séisme. Ils participent aux manifestations monstres qui témoignent dans tout le pays du refus de l'extrême-droite. En fait, plus que de remettre en cause la pente libérale qu'ils avaient empruntée depuis quelques années, il s'agissait de limiter les dégâts aux législatives. Si celles-ci furent perdues, Fousseret élu maire l'année précédente, dût céder son mandat de député au président RPR du Conseil général, feu Claude Girard. Paulette Guinchard, qui était entrée au gouvernement pour créer l'APA, réussit quant à elle à sauver son siège. Comme si elle était réhabilitée pour avoir porté une avancée sociale...

Cette mobilisation de l'appareil du PS porta ses fruits dans les urnes de Besançon intra-muros : il récolta 38,4% au premier tour des législatives, reprenant la main sur les autres formations de gauche qui se contentèrent de 10,3%, et conserva au second tour une majorité de 53% sur la ville. Celle-ci fut confortée lors des élections régionales de 2004, les Verts venant à leur côté pour frôler 40% au premier tour (moins de 4% pour l'alliance PCF-MRC et 4,4% pour l'extrême-gauche) et transformer l'essai avec plus de 54% au second tour.

2004 : le PS en tête aux Européennes avec 14,4% des inscrits...

Aux européennes qui suivaient juste après, le PS fit 35% et les Verts 11% sur la ville alors que PCF et extrême-gauche dépassaient à peine 3% chacun. On se lamenta du manque de civisme des électeurs en constatant une abstention record de 56,6% sur la ville (57,2% dans le pays) mais on se réjouit bien plus bruyamment de la première place du PS, avec 14,4% des inscrits...

C'était ne pas imaginer une seule seconde ce qui allait arriver un an plus tard avec la victoire du non au référendum sur le traité constitutionnel européen. L'abstention tomba à 30,6% (33% à Besançon) et le PS, qui sous la houlette de François Hollande alors premier secrétaire avait choisi à une majorité interne de 58%, sans doute amplifiée par la fraude, de rouler pour le oui, entama le début de sa longue descente aux enfers. Certes, les apparences furent sauves à Besançon où le oui l'emporta avec 52,5%, résultat moins glorieux que les 60,3% en faveur du traité de Maastricht treize ans plus tôt.

Conserver au PS l'apparence d'un parti de gauche, c'est la tâche qui revenait à Ségolène Royal après qu'elle eut remporté à l'américaine – show et sourire dents blanches – la primaire du PS de 2006. Mais c'est Nicolas Sarkozy qui, préemptant Jean Jaurès et Guy Moquet, mordit sur une partie de l'électorat de gauche après avoir, comme ministre de l'intérieur, mordu sur celui du FN, et remporta l'élection présidentielle de 2007. C'est l'unique premier tour où Besançon vota à une très courte majorité absolue pour des candidats de droite, mais Sarkozy ne fit pas plus de 47% au second tour. Une fois de plus, le PS local pouvait souffler, et même s'il perdait les deux circonscriptions législatives, Besançon donnait 54% aux candidates PS intra-muros.

2008 : victoire aux municipales dès le premier tour

C'est ce qui comptait à un an des municipales de 2008. Sûr de lui, Fousseret concocta une liste avec des communistes, des écologistes et quelques personnalités de droite libérale, dont l'ancienne tête de liste DL de 2001 Nicole Weinman, ravies de pouvoir exercer un brin de pouvoir tout en réglant quelques comptes avec l'appareil RPR. Fousseret l'emporte dès le premier tour avec près de 57%. Il est fort, il plane, devient autoritaire aux dires de certains. Conséquence : deux élus socialistes constitueront des listes dissidentes six ans plus tard. Une adjointe de la Gauche alternative rejoindra la liste PG-Front de gauche... Nous y reviendrons.

Cette année 2008, c'est aussi celle du congrès de Reims du PS qui voit les motions sociales-libérales l'emporter, ce qui conduit Jean-Luc Mélenchon à le quitter pour fonder le PG. Les contestations émaillant l'élection, de justesse, de Martine Aubry comme première secrétaire face à Ségolène Royal, donnent une image déplorable du parti qui détient la majorité des grandes villes, les deux tiers des départements, quasiment toutes les régions, ce qui lui vaudra en 2011 la majorité au Sénat. En attendant, il prend une claque aux européennes de 2009, talonné de 0,2 point par les Verts au plan national, mais devancé à Besançon : 21% pour EELV, 18,6% pour le PS. Cela donne des ailes aux écolos qui font liste à part aux régionales de 2010 et obtiennent 9,4% contre 30% au PS. Les deux alliés font mieux à Besançon : respectivement 13 et 36%, ce qui les place en intéressante posture pour fusionner au second tour qu'ils emporteront avec plus de 47%, obtenant même 58,3% à Besançon. Ce partenariat gagnant renforce EELV dans la perspective des municipales de 2014, mais aussi d'un accord national PS-EELV qui réservera une circonscription du Doubs à un écolo pour les législatives de 2012 : Eric Alauzet.

2014 : dissidences en série à gauche

Ces municipales sont précédées de la victoire de Hollande à la présidentielle. Il fera 33% au premier tour à Besançon, son challenger Mélenchon obtenant près de 8000 voix (15,5%) qui seront divisées par deux au premier tour des législatives. Elus députés, les candidats de l'union PS-EELV, Barbara Romagnan et Eric Alauzet, triomphent sur la ville avec 43,6% au premier tour et 58,3% au second.

Les larges victoires sont rarement annonciatrices de lendemains qui chantent et la gauche part en ordre dispersé aux municipales de 2014. Deux listes dissidentes, conduites par des membres de la majorité sortante, Franck Monneur et Lazhar Hakkar, obtiennent 9,4%. L'adjointe sortante Marie-Odile Crabbe-Diawara est pressentie pour conduite une liste d'union de la gauche radicale (PG-AREV-FG) qui sera finalement menée par Emmanuel Girod, obtiendra 7% et se déchirera le soir du premier tour sur l'attitude à adopter pour le second. Monneur, qui a depuis adhéré au MRC, laisse entendre qu'il a discuté avec Grosperrin, ce qui coupe toute discussion d'une éventuelle fusion avec la liste Fousseret qui réunit, classiquement, PS, PCF et EELV. Les anciens soutiens de Mélenchon, PG et PCF, polémiquent sur la meilleure façon d'être efficace : « dedans, pour peser », disent les communistes. « A quel prix », demandent les pégistes ?

La liste Fousseret, en tête du premier tour avec 2 points d'avance sur la droite unie finit par l'emporter douloureusement avec 1129 voix d'avance et une majorité relative de 47,4% au second tour. Au passage, on a vu l'électorat du FN fondre d'un quart des ses voix entre les deux tours...

Les européennes qui suivent de peu voient l'extrême-droite en tête dans le pays qui enregistre près de 58% d'abstentions, à peine plus à Besançon où la droite (20,6%) est devant le PS (19,6%) et le FN (17,1%) tandis que les centristes (9%) sont devant un Front de gauche aux forces centrifuges (8,4%).

Quelques mois plus tard, le conseil départemental du Doubs repasse à droite après 11 ans de gestion socialiste. L'union LR-UDI-MoDem emporte quatre des six cantons bisontins que détenait un PS groggy qui ne gagne que lorsqu'il affronte le FN. Ces duels sans risque avec l'extrême-droite font monter son score à 56% sur la ville au second tour. Face à la droite, il manque aux quatre sortants PS un bon report des autres voix de gauche...

2015 : la remontée des régionales et la majorité absolue bisontine

Certains médias friands de catastrophes se frottent les mains en annonçant que des régions vont tomber à l'extrême-droite aux élections de décembre 2015. Une fois encore, ils se trompent, mais de peu. Le FN est en tête du premier tour dans la nouvelle grande région Bourgogne-Franche-Comté, mais pas à Besançon où le PS et ses alliés PRG et UDE sont largement en tête (34,6%) devant le FN (21,4%) et l'union LR-UDI (20,6%). Les Verts et les communistes ne se sont pas entendus pour faire liste commune, ni ensemble ni avec le PG qui fera l'impasse sur le scrutin : ils sont éliminés, avec chacun autour de 6% à Besançon. En voix, les résultats sont faibles en raison d'une abstention à 54% (49,4% sur la région) qui chutera au second tour à 43% (38,8% sur la région) : c'est bel et bien l'électorat de gauche qui fera barrage à l'extrême droite et la socialiste Marie-Guite Dufay, troisième du premier tour, double quasiment ses voix et l'emporte avec 34,7% dans une triangulaire serrée, Besançon se distinguant une fois encore en lui accordant 52,4%.

Quinze ans après le séisme de la présidentielle de 2002, l'extrême-droite revient au second tour au printemps 2017. Le choc est d'autant plus rude que celui qui doit l'empêcher de gagner est un digne représentant de toutes les politiques qui l'ont fait prospérer. Cruel dilemme pour de nombreux électeurs de gauche anti-libérale, majoritaires dans leur propre camp comme on l'a notamment vu lors du référendum de 2005. C'est ce qui explique sans doute une part des abstentions, en hausse sensible d'un tour à l'autre, et des votes blancs et nuls, multipliés par cinq entre les deux tours. Et cela, qu'on l'aprécie au niveau du pays comme de Besançon.

2020 : Alauzet, meilleure chance de la droite ?

Macron fut en tête du premier tour à Besançon (26,4%) où il n'a devancé Mélenchon (25,5%) que de 443 voix, ce dernier étant loin devant Fillon (18,5%) et très loin devant Le Pen (13,8%) et Hamon (8,7%).

Au premier tour des législatives, LFI et le PCF, une fois encore divisés ssur la tactique, la stratégie et les candidatures bien qu'ayant soutenu Mélenchon, ne font que la moitié de ses voix (plus de 6000 mais quand même 23,6% des exprimés, mais pas si loin d'Alauzet, Charvier (LREM) et Croizier (MoDem) qui totalisent 27%, davantage que Romagnan, au premier tour (2587 voix) comme au second (5537). Celle-ci, seule candidate de gauche présente lors d'un second tour dans toute la Franche-Comté, a obtenu, malgré sa défaite, 51% sur Besançon intra-muros...

Peut-on tirer de cette litanie de chiffres la conclusion que Besançon reste une ville qu'il sera bien difficile d'enlever à la gauche ? A moins que la gauche ne se l'enlève toute seule. A moins qu'un impétrant LREM arrive en brandissant son héritage de gauche... Et si la meilleure chance de la droite de gagner en 2020, c'était Eric Alauzet !

 

 

 

 

 

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