Il ne faut pas se fier aux résultats fournis par le ministère de l'Intérieur et les préfectures. Non pas que des fraudes soient soupçonnées, mais des manipulations d'étiquettes faussent l'interprétation, notamment la constitution de coalitions et d'alliances. L'exemple du Jura est flagrant.
En de nombreux endroits, une Union de la droite et du centre a été constituée, réunissant UMP, UDI, MoDem et certains divers-droite. Il aurait été simple de les appeler tous UDC et de les compter. Ce que nous avons fait pour arriver à 38.894 voix, soit 38,78% des suffrages exprimés. En tout cas nettement plus que les 30,35% attribués à une curieuse Union de la droite tout court à laquelle on a omis d'ajouter le binôme victorieux du premier tour à Champagnole où figure Clément Pernot, très sérieux prétendant à la présidence, classé parmi les divers-droite aux côtés de Jean-Louis Millet pour qui le FN a appelé à voter, et qui avait contre lui, à Saint-Claude, des représentant de l'UDC...
Vous suivez ?
Quant à Majorité citoyenne, dont les candidats ont obtenu une moyenne de 15,9% dans huit cantons, elle peut légitimement se sentir lésée en n'apparaissant pas dans les statistiques officielles. Ses candidats sont dispatchés dans deux groupes. Cinq sont noyés parmi les divers-gauche où figurent l'essentiel des représentants de la majorité sortante dont Majorité citoyenne s'est nettement démarquée. Trois ont été placés sous la rubrique Front de gauche, en compagnie de leur « cousins » de la démarche citoyenne du canton d'Authumes, et obtiennent un piteux 2,55%, juste derrière le PS et ses 2,79%. Réunis par nos soins, cette alliance à gauche du PS a réalisé en fait 7,69% de tous les exprimés du Jura en étant présente dans 9 cantons sur 17...
L'audace intellectuelle consistant à classer parmi les divers-gauche cinq binômes Majorité citoyenne, dont ceux qui dépassent 20%, permet à l'ensemble divers-gauche- PS et Union de la gauche de dépasser d'un cheveu l'Union de la droite (créditée on l'a vu de 30,35%) avec 30,44% des exprimés. En réalité, la majorité sortante n'a obtenu que 25,86% quand la droite a fait 38,78%. Dans un cas, on voit un coude à coude, dans l'autre on constate 13 points d'écart.
En fait, il était hors de question pour le ministère de l'Intérieur d'admettre une catégorie correspondant à l'alliance entre le Front de gauche et les écologistes qui s'est dessinée dans une quarantaine de départements, dans la foulée de l'élection municipale de Grenoble. Tout se passe comme si les communiquants socialistes voulaient à tout prix éviter que n'apparaissent dans les chiffres, donc dans les esprits, à la fois une droite républicaine nettement plus forte que le FN et une opposition surfant entre 10% et 15% sur leur gauche.
En Franche-Comté, la droite républicaine frôle 35% des voix, nettement devant le FN (28,6%) et les majorités PS-DVG sortantes (28,25%). Ecologistes plus ou moins proches du PS selon les territoires, et gauches plus ou moins radicales font ensemble 5,3%. Mais ce faible résultat est en trompe l'oeil car ces forces n'ont pas présenté de candidats partout, parfois pour éviter à la gauche une élimination dès le premier tour.
Il y a enfin une réalité dont les médias spectaculaires ne parlent qu'en creux. Le ministère de l'Intérieur n'y est, pour le coup, pas pour grand chose car il donne les chiffres de l'abstention et des votes blancs et nuls dans le détail. Évoquer un FN à 25,24% au niveau national sans préciser dans la foulée que cela correspond à 12,04% des inscrits, c'est encore une fois jouer à se faire peur et oublier de dire que le FN ne représente pas un Français sur quatre, mais un sur huit...
Dans la région, avec 122.997 voix, le FN a fait 15.000 voix de plus qu'aux européennes de l'an dernier, mais reste à 19.000 voix de moins qu'à la présidentielle de 2012, quasiment au niveau de Jean-Marie Le Pen au second tour de 2002. Dimanche dernier, 14,9% des Franc-Comtois inscrits ont voté FN, 2,5 points de moins que son record de la dernière présidentielle (voir ici et cliquer sur la photo).
Le jour où les partis dits de gouvernement gouverneront pour les 21,3 millions d'abstentionnistes (dont 375.738 Francs-Comtois), et le million d'électeurs blancs ou nuls, ces derniers auront peut-être autre chose à exprimer.
