Toujours vivant, le conseil général du Doubs s’autocongratule

Presque tous les rapports budgétaires ont été votés par la majorité et l'opposition mais cette dernière s'est comme prévu abstenue sur le budget global. L'esprit aux élections de mars, les deux camps ont profité du débat pour louer la politique de l'eau du département, une collectivité un temps menacée de disparition.

annick-jacquemet

L'histoire retiendra l'abstention sur le budget 2015 de la droite réunie depuis quatre ans dans le groupe Territoire Comtois 25 après s'être divisée entre Doubs-Avenir et Démocratie et Proximité, s'être partagée alors sur les modalités de son opposition. Ce temps est-il révolu ? Pas sûr. Les divisions de l'élection sénatoriale de septembre ne peuvent pas s'effacer d'un coup de chiffon. Christine Bouquin, maire de Charquemont et élue du canton de Maîche, présidente de l'association des maires du Doubs, faisait équipe avec Jacques Grosperrin que soutenait la machine UMP. Annick Jacquemet, première adjointe à Saint-Vit et conseillère générale du canton de Boussières, était derrière Jean-François Longeot à qui il n'a manqué que quelques voix pour passer devant celui dont il fut le suppléant à l'Assemblée nationale. Un quasi jeu égal, sans appareil, mais avec ses réseaux et sa disponibilité, son travail d'élu de terrain et de défenseur du monde rural, sa sympathie bourrue et son ouverture d'esprit.

Consensus sur la politique de l'eau
Après que Christian Bouday eut présenté la politique de l'eau, Claude Jeannerot enchaîna : « Après 50 ans de pratiques inappropriées, ce n'est pas en 6 mois qu'on va régler les problèmes. Mais on est dans l'action. Jean-Pierre Gutner (DVD, Levier) lui enjoint le pas : « Certains trouvent qu'on fait trop de place aux associations environnementalistes... La conférence Loue a bien fait d'éviter le focus sur des boucs émissaires. La presse a dit qu'il ne s'est rien passé ? Il faut expliquer ! La différence nitrate et phosphates, le CIGC qui limite la production à 4600 litres de lait par hectare et booste la chambre d'agriculture ».
Lire la suite ici.

Les deux hommes sont aujourd'hui sénateurs et ne briguent pas la succession de Claude Jeannerot. L'extinction progressive du cumul des mandats est passée par là. Leurs colistières d'hier sont les deux prétendantes de l'après scrutin de mars. En cas de victoire de la droite, ce qui va de soit. Ça a l'air réglé quand on regarde les derniers résultats électoraux, la perte par le PS de Montbéliard et Valentigney, d'un de ses deux sièges de sénateur, ses pertes en voix là où il a quand même gagné à Besançon, Baume-les-Dames ou Audincourt... L'extrême droite gagnera-t-elle quelques sièges? A quel niveau sera l'abstention ? Combien y aura-t-il de triangulaires au second tour ? Les électeurs s'y retrouveront-ils dans ces nouveaux territoires parfois appelés à voter pour un actuel élu du canton d'à côté ?

« Ça se jouera à un ou deux cantons »

Toutes ces questions font que finalement rien n'est sûr. Pas même la victoire annoncée de la droite. Christine Bouquin fera liste commune avec Serge Cagnon, actuel conseiller général de Saint-Hippolyte, dans un territoire allant jusqu'aux portes de Montbéliard en intégrant des communes de l'actuel canton d'Hérimoncourt, tenu par le premier vice-président Jean-Marie Bart (PS). Bouquin et Cagnon ont de bonnes chances de l'emporter, mais ailleurs ? Christine Bouquin, qui annonce une campagne départementale plutôt que nationale, ne veut pas vendre la peau de l'ours : « ça se jouera à un ou deux cantons ». Avec 19 cantons envoyant siéger 38 élus, dont 2 ou 4 FN, le rapport de forces droite-gauche sera serré. On ne peut pas non plus exclure une égalité, l'élection du plus âgé, un accord de gestion entre modérés de droite et de gauche voulant éviter de dépendre de l'extrême droite.

Annick Jacquemet (UMP) : « Je ne cautionne pas tout ce qui se passe à l'UMP, par exemple Bygmalion »
Possible candidate à la présidence d'une droite qui remporterait la majorité en mars prochain, Annick Jacquemet est vétérinaire libérale dans un cabinet avec cinq collègues.
Elle voit au moins se présenter deux difficultés pour la campagne électorale : « la confusion sur le périmètre [des futurs cantons] » et, comme il faudra constituer des duos mixtes de candidats par canton, avec leurs suppléants, mixtes aussi, la parité.
Pourquoi donc ?
« les équipes ont du mal à se mettre en place car elles ont du mal à trouver des femmes ».
Ne sont-elles déjà pas pour beaucoup dans des conseils municipaux ?
« C'est différent : dans un conseil municipal, on est dans une équipe, une liste. Alors que là, on est candidat sur son nom, c'est une démarche individuelle... »
Êtes-vous membre de l'UMP ?
« Je suis adhérente, mais loin de cautionner tout ce qui s'y passe, par exemple Bygmalion ».
Pour qui avez vous voté à l'élection du président ?
« Je ne le dis pas... »
Vraiment ?
« Je n'ai pas pu me connecter, mon mot de passe ne passait pas... »
Pour qui auriez-vous voté ?
« Ce qui m'importe, c'est la sincérité et l'honnêteté... »

Le Front de gauche ou les écologistes pourraient-ils faire autre chose que de la figuration ? En fait, tout dépendra du degré de désamour des électeurs de gauche envers les socialistes qui ont jusque là entraîné avec eux l'autre gauche dans la spirale. Il est grand dans le pays. Les dernières annonces hollandaises sur les immigrations qui ont fait la France ou les 5 milliards pour les quartiers auront-elles un impact sur les élections départementales ? Quoi qu'il en soit, les actuelles majorité et opposition du Conseil général ont montré que leurs désaccords pouvaient être surmontés sur de nombreux points. On ne sait jamais.

Plasticité politique et idéologique

Ils ont même renoncé à se quereller sur ce qui les aurait fait autrefois prendre des postures, par exemple sur les transferts de compétences sans moyens, le classique coup que fait l'Etat aux collectivités locales. Là, ils ont fait montre d'une unité touchante dans la défense des départements, un temps menacés. Que Claude Jeannerot les ait défendus, la droite, les ruraux, les défenseurs de la proximité lui en savent gré. Qu'il ait mis le monde agricole dans sa poche, ou feint de le laisser croire car on peut aussi penser que l'inverse est vrai, aura montré sa plasticité politique et idéologique. Ses références, le plus souvent implicites, aux valeurs chrétiennes ont joué. C'est clair, entre chrétiens-démocrates de droite et démocrates-chrétiens de gauche, le courant passe... C'est d'ailleurs un des éléments de la division de la droite départementale il y a quelques années.

On s'est donc échangé des amabilités au moment des explications de vote. « Nous avons quasiment voté tous les rapports comme vous le faisiez quand vous étiez à notre place », a souligné Annick Jacquemet en notant « l'ambiance respectueuse » des débats. Passant rapidement sur son abstention à venir, elle ajouta avec malice : « nous voterons peut-être le budget l'année prochaine ». « Nous avons heureusement des différences », répondit avec moins d'emphase que d'habitude Paul Coizet (PS), un peu ému en annonçant ne pas se représenter, mais philosophe : « le monde continuera à tourner, même sans nous... »

Le budget du Doubs examiné sur fond d'incertitude des compétences départementales : lire ici la première partie du débat budgétaire... et les chiffres.

« J'ai ressenti un esprit ! »

Béatrix Loizon, qui a vite pris ses marques en succédant à Jean-François Longeot dont elle était la suppléante, fit fondre l'assemblée par sa candeur : « j'ai ressenti un esprit, un esprit de maison, du département, et ça me plait bien ». Pierre Hélias (PS), qui ne sera plus là en avril, laissa planer un espoir : « ici, c'est un espace républicain, vous pourriez voter le budget... Nous sommes encore dans un espace républicain : il faut le protéger ». Faisait-il référence à la protection du département un temps menacé par les énarques parisiens ou celle de la république menacée par l'extrême-droite qui frappe à sa porte à Montbéliard ?

C'est en tout cas par des épitaphes que se conclut la session budgétaire. Louant « la sagesse de cette assemblée », Claude Jeannerot avoua comme s'il parlait d'un passé révolu : « j'ai été fier de présider cette collectivité. Il n'est pas impossible que cet espace républicain change de nature en avril. Ses élus ont fait preuve de sens des responsabilités au service de l'intérêt général... Nous sommes tous attachés au département du Doubs... Le 8 avril dernier, j'ai mesuré à quel point les fonctionnaires territoriaux, des personnels compétents et engagés, ont été choqués après l'annonce de la suppression des départements. Ils sont indispensables à la cohésion sociale. Et je ne défends pas les conseillers départementaux, mais le service public ».

Une fois n'est pas coutume, le président ne fut pas le dernier à parler et laissa Marc Pétrement faire quasiment pleurer ses collègues : « Après 32 ans ici, j'ai beaucoup d'émotion, mais pas de nostalgie et je suis fier de mes valeurs... J'ai une grande inquiétude face à la montée de la précarité et des souffrances... L'ambition n'a de sens que si elle apporte des solutions de justice et de solidarité ».

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