Stéphane Le Foll, un ministre en campagne dans le Doubs

Le ministre de l'Agriculture est venu soutenir les candidats socialistes et écologistes à Besançon et tenir meeting à Audincourt, alors que les syndicats de PSA étaient reçus à Matignon... Pendant ce temps, la droite tenait une conférence de presse pour dire « Nous sommes prêts ».

Stéphane Le Foll et Claude Jeannerot descendent la rue Battant... Le quartier vote à gauche à plus de 70%, mais il n'y a pas foule.

Le Doubs repassera-t-il à droite, onze ans après la victoire historique des socialistes ? Pontarlier et Rougemont avaient alors basculé à gauche, ce qui témoignait notamment de l'implantation et du travail d'élus locaux qui avaient échappé à certains observateurs ne jurant que par les orientations politiques nationales des électeurs. On avait voté dans le Haut-Doubs pour un homme, Christian Bouday, qui avait su reconquérir la vallée du Drugeon saccagée, mais aussi profité d'une division fatale à la droite. Entre Doubs et Ognon, on avait voté pour une femme présente et engagée au quotidien, Danielle Nevers, que de nombreux électeurs centristes et modérés avaient préférée à d'autres... 

Ces élections de 2004 portant Claude Jeannerot à la présidence du Conseil général avaient été confirmées en 2008 et 2011, autant par un contexte national favorable à l'opposition de gauche que par les divisions dans la droite locale. Le contexte national a changé et pourrait conduire à un rejet des socialistes. Sauf que voilà, les cantonales ont toujours donné une prime à la personnalité, à l'implantation, à l'accessibilité des candidats. A leur travail aussi, ce qui a valu à des territoires considérés comme conservateurs d'avoir des élus de gauche : Joseph Parrenin un temps à Maîche, Gilles Robert au Russey, Léon Bessot sur le canton de Vercel... C'est ce qui vaut à Levier d'avoir aujourd'hui un maire socialiste alors que la commune vote rarement à moins de 65% pour la droite aux scrutins nationaux.

L'équation démocrate-chrétienne

C'est pour ces raisons qu'on ne peut pas considérer la victoire de la droite comme acquise d'avance. C'est pour ces raisons que Claude Jeannerot martèle depuis des semaines que les enjeux sont locaux. C'est d'ailleurs ce dont sont convaincus quelques élus de droite, comme Jean-François Longeot qui sait ce que l'implantation et les réseaux signifient. Il soutient d'ailleurs le socialiste Yves-Michel Dahoui, qui a pris l'ancien canton de Besançon-sud à la droite en 2001 : il avait aussi pris soin d'entreprendre un porte-à-porte quasi intégral.

L'écologiste Eric Alauzet avait visité les 99 communes de sa circonscription avant d'être élu, de peu, député d'une circonscription réputée de droite bien qu'ayant été terre d'élection de Paulette Guinchard qui avait fait ses armes à la JAC, la jeunesse agricole chrétienne. Un vrai sésame en terre démocrate-chrétienne. Mais une terre tolérante qui a élu à la fin du XIXe siècle le radical libre penseur Charles Beauquier, huit fois député ! On a même vu des maires agnostiques à Maîche, un premier magistrat protestant au Russey, des bourgs emblématiques du Haut-Doubs catholique... 

« Le micro-crédit en amont, c'est mieux que l'aide sociale »

« Nous sommes prêts ! », clamait jeudi matin Christine Bouquin, la porte-parole de l'Union de la droite et du centre en ouvrant une conférence de presse où, avec ses amis, elle a essayé de marquer les différences avec les socialistes. Elle critique la dette, passée « de 43 euros par habitant en 2004 à 526 en 2014 ». Cela n'empêche pas l'encours de la dette de représenter six mois de budget. Elle critique la baisse du niveau des investissements : « 34% en 2004 et seulement 16% en 2014 ». Entre temps, les compétences ont été accrues, et par conséquent, le fonctionnement a pris une part fatalement plus importante des dépenses. Et si les investissements ont diminué ces dernières années, c'est en raison de la rigueur imposée par l'Etat aux collectivités territoriales...

Elle martèle : « nous sommes en tête dans onze cantons au premier tour parce que nous avons fait l'union ». Elle met en avant la jeunesse des candidats : « la moyenne d'âge est de 50 ans ». Elle met une bonne part du vote FN sur le dos du « fort mécontentement pour la politique nationale » et sur un « découpage incompris, les gens ne se reconnaissant plus dans le territoire ». Puis elle laisse parler les autres candidats. Jacqueline Cuenot-Stalder, candidate à Morteau où elle est adjointe au maire, défend la mise en place du micro-crédit : « en amont, c'est mieux que l'aide sociale ».

« Il manque 10 millions par an pour les routes »

Que se passerait-il en cas d'égalité droite-gauche avec un FN à un ou trois siège ?
Que fera la droite en cas d'égalité droite-gauche à 9-9 ou 8-8 et un ou trois cantons au FN ? Claude Jeannerot dit qu'il s'entendrait avec la droite pour éviter l'arbitrage du FN. Philippe Gonon défend une position proche. Christine Bouquin refuse l'hypothèse : « ça n'arrivera pas ». Elle est peu à l'aise sur le sujet. On l'a vue à France 3, distinguer entre sa position « en tant que Christine Bouquin », opposée au FN, et sa position de porte parole d'un attelage UMP-UDI-MoDem-DVD où la question ne fait pas consensus...

Alain Marguet, sortant de Montbenoît, candidat sur le nouveau canton d'Ornans, trouve que « le compte n'y est pas » sur les routes que « le président Jeannerot a abandonnées : il manque 10 millions par an ». Il a tout un programme de « grands travaux : finir la route des microtechniques entre Fuans et Villers-le-Lac, aménager Mathay-Chaux-Neuve, finir la RN57 entre Nods et Jougne, reprendre le marquage horizontal ».

Dans le même temps, Philippe Gonon explique qu'il y aura « 24 millions d'euros d'aides d'Etat en moins d'ici 2017, des besoins sociaux en hausse : + 15% sur le RSA l'an dernier, + 10% cette année ». Comment faire tout alors qu'il promet une « pause fiscale à compétences égales » ? Réponse : « nous allons nous attaquer aux dépenses de fonctionnement ». Comment ? En commençant par « un audit, une évaluation, un meilleur contrôle des subventions, le recentrage sur les compétences obligatoires ». Vraiment ? « On fera un budget pluriannuel, et on va changer un peu l'équilibre des blocs de compétences sur la durée du mandat », complète Christine Bouquin.

Autrement dit, un peu moins de social et de subventions, un peu plus de moyens pour les routes.

Soutiens face au FN à géométrie variable

La droite est-elle aussi sûre de sa victoire qu'elle se dit prête à gouverner ? « Si les socialistes Dahoui et Fuster repassent à Besançon, ce sera dur », admet un candidat. Sa victoire passe par exemple par un renversement de la vapeur à Baume-les-Dames où le « défenseur de la ruralité » Charles Piquard est distancé de 573 voix par le FN. Et s'il a dix voix de plus que les candidats PS, ceux-ci sont non seulement bien implantés, mais ils ont des réserves de voix parmi les 915 électeurs communistes du premier tour.

Il y a enfin la question du FN. Elle embarrasse la droite, mais pas le président de l'agglo de Montbéliard, Marcel Bonnot (UMP) : il appelle à voter PS contre le FN à Audincourt où le candidat UDI, Didier Klein, éliminé du premier tour, a fait de même, ainsi qu'à Béthoncourt et Valentigney. Trois victoires de la gauche dans ces cantons, dans la foulée de la législative de février, pourraient lui permettre de conserver sa majorité si elle fait carton plein à Besançon où ses candidats mettent le paquet. En retour, le PS soutient les candidats UMP-UDI à Montbéliard, Maîche et Pontarlier où la gauche a été éliminée.

« Je viens où on me demande... »

C'est dans ce contexte de résultat très incertain qu'est venu Stéphane Le Foll. A la permanence bisontine de Claude Jeannerot, rue Battant, il développe les éléments de langage qui doivent espèrent les socialistes, permettre de limiter les dégâts : « il faut rassembler, la division a été difficile au premier tour, il y a suffisamment de choses qui nous rassemblent à gauche, face aux programmes de la droite et de l'extrême droite ». Pas un mot sur les responsabilités du gouvernement dans cette division. Il poursuit : « il y a des bilans, il faut que l'action de la gauche dans le Doubs continue, pour les collèges, l'action sociale sans laquelle on ne peut pas remettre les gens vers l'emploi... » On le sent en pilotage automatique : « Je viens où on me demande... »

Le FN ? Sa réponse est nationale, convoque l'éthique : « Regardez ce que font les élus FN. A Béziers où ils débaptisent la rue du 19 mars 1962 pour lui donner le nom d'un putschiste. Ils veulent diviser ou rassembler ? C'est vrai qu'il y a des difficultés, mais on va s'en tirer, il faut incarner les valeurs, certains rejettent la solidarité... »

Nous l'interrogeons sur la colère des agriculteurs bio qui ont manifesté récemment pour recevoir le solde de l'aide 2014 au maintien de la bio... « Je me suis fait siffler au congrès de la FNSEA », se défend-il, « quand je suis arrivé, il y avait 90 millions pour l'agrobio, j'ai mis 104 millions, mais on a dû réajuster l'enveloppe : il y aura 160 millions en 2015, 2016 et 2017. On est passé devant l'Allemagne pour les surfaces ». N'empêche, les écologistes ont aussi manifesté parce que les pesticides ne baissent pas. Le Foll répond : « Ils augmentaient de 12% quand je suis arrivé. Si on ne change pas de modèle productif, on ne baissera pas les phytosanitaires... »

« Les critiques sont mal entendues »

L'échange donne des ailes à Pierre Chupin, candidat vert éliminé du premier tour, venu soutenir les socialistes. Il interpelle son ministre, doutant qu'il ait les moyens de ses objectifs. Candidat écolo toujours en lice, Claude Mercier insiste sur ce qui pourrait aider la gauche : « le bilan est peut-être bon, mais il faut écouter ce que disent les gens car ils ont l'impression que leurs critiques sont mal entendues. Mais aujourd'hui, on est ensemble pour défendre la solidarité ». 

Claude Jeannerot n'a pas perdu espoir : « la droite dit qu'elle est sûre d'avoir neuf cantons, mais plus ils le disent, plus ils démobilisent leur électorat. Rien n'est perdu, rien n'est gagné... »

Après quoi, le groupe d'élus sortants, de candidats et de militants sort pour parcourir la Grande rue où quelques mains sont serrées. Ancien député, élu en 1981, l'historien Joseph Pinard est dans le groupe. Il croise sur le petit fils du soldat Lucien Bersot, fusillé en 1915 pour avoir refusé de porter un pantalon ensanglanté... Il fait les présentations. Nouvelle poignée de main. Tout le monde repart et s'engouffre dans une brasserie de la place Granvelle avant un meeting à Audincourt. Les jeux sont sans doute faits, mais il reste encore un jour de campagne...

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