Standard & Poor’s va noter la région Franche-Comté

Le sujet n'a fait l'objet d'aucun débat public lors de la session budgétaire des 13 et 14 décembre. Le Conseil régional de Franche-Comté a choisi en octobre de se faire noter par une agence de notation financière qui devrait rendre sa copie à la fin du premier trimestre 2013.

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Le sujet n'a fait l'objet d'aucun débat en séance publique lors de la session budgétaire des 13 et 14 décembre. Le Conseil régional de Franche-Comté,  troisième région française la moins endettée, a choisi en octobre de se faire noter par une agence de notation financière qui devrait rendre sa copie à la fin du premier trimestre 2013. Après analyse des candidatures de Fitch et Standard & Poor's, c'est cette dernière qui a été choisie. La notation est une obligation pour qui veut pouvoir émettre des emprunts obligataires, les emprunts bancaires étant de plus en plus difficiles à obtenir. 

Le conseil général du Doubs :  « on serait bien noté, mais c'est plus complexe »
« Nous avons la chance d'avoir des contrats bancaires d'avance, bouclés pour l'ensemble de nos besoins 2012 et la moitié de nos besoins 2013 à des conditions positives », explique Gildas Barriol, le directeur général des services du Conseil général du Doubs qui n'envisage pas, pour l'instant, de recourir à l'emprunt obligataire.
« On fera le point en février ou mars pour voir où on en est, mais on devrait plutôt rester sur les prêts bancaires. Je vous ferais aussi remarquer que l'emprunt obligataire oblige à la notation. Ce n'est pas une inquiétude pour nous, on serait bien noté, mais on s'engagerait longtemps... Le remboursement se fait in fine, et cela demande un mode de gestion plus complexe. C'est difficile d'avoir des emprunts bancaires et obligataires en même temps... D'un autre côté, si on a des difficultés pour accéder au crédit bancaire...»

« Il y a déjà deux ans, je me demandais pourquoi nous n'y allions pas, comme par exemple la région Auvergne qui a financé des actions pour l'emploi avec de l'argent des citoyens », explique la présidente du conseil régional, Marie-Guite Dufay, qui défend une démarche de « communication plus que technique ».  « L'expérience auvergnate est positive, ils voulaient lever 80 millions, ils en ont eu 160 », note Marc Borneck, le président du groupe écologiste du conseil régional.

L'agence de Nicole Notat

Marie-Guite Dufay met aussi en avant le recours à une autre notation, sociale et environnementale, par Vigéo, l'agence présidée par Nicole Notat, l'ancienne numéro un de la CFDT (voir l'exemple de l'Ile-de-France ici). Cependant, rien ne permet de le deviner quand on lit la partie du rapport de synthèse du budget 2013 consacrée à la dette où tout cela est présenté. Il est seulement question de « notation extra-financière » destinée à évaluer les « performances » de la collectivité au vu des critères de « développement durable ». Il est vrai que la litote est une spécialité de la littérature administrative...
Quoi qu'il en soit, l'émission d'obligations est présentée comme une éventualité qui pourrait survenir à la fin de l'année. « Je ne suis pas sûre qu'on ira, mais je pense qu'on va y aller », ajoute Marie-Guite Dufay. Elle compte, dans ce cas, mutualiser l'affaire en montant un emprunt obligataire avec des collectivités plus petites, villes ou intercommunalités : « Dole est intéressée... La démarche a été initiée avec l'association des maires de France ».

PSA, numéro 3 pour Vigéo
Vigéo publie un classement des entreprises côtées en bourse selon le critère de la responsabilité sociale et environnementale. Voici les sept premières sociétés françaises de ce classement : 1) L'Oréal, 2) Danone, 3) PSA, 4) GDF-Suez, 5) Aire-France-KLM, 6) France Télécom, 7) Alcatel-Lucent...

La droite voterait sans doute pour

Dans l'opposition de droite, Sylvie Vermeillet, par ailleurs présidente de l'association des maires du Jura, ne voit pas d'inconvénient à recourir aux emprunts obligataires : « C'est une bonne chose d'y réfléchir. Je ne voterai pas contre, sans doute pour... » Elle note que les retours d'expérience ne sont pas forcément très positifs . Un rapport sénatorial publié en juin ne paraît pas très chaud et émet une bonne vingtaine de recommandations, dont celle de réglementer la profession des agences de notations. L'une dit notamment qu'il convient d' « accroître la confiance dans la présentation des budgets par les autorités publiques de manière à rendre moins utile la consultation des notes des agences par les investisseurs ».  Même la fédération des banques, dans sa contribution écrite au rapport, évoque « la multiplication d'erreurs de calcul ou d'interprétation erronées ayant entraîné une dégradation importante de la qualité d'analyse » des agences dont la marge opérationnelle, précise plus loin le rapporteur,  « est comprise entre 39,5% et 45%  »...

L'opposition de la CGT

La seule véritable opposition à la mesure s'est exprimée au Conseil économique, social et environnemental. Le CESE a émis à une large majorité un avis favorable au budget 2013, mais les six représentants de la CGT, qui s'abstiennent habituellement, ont voté contre, justement en raison de ce recours aux agences de notation. « Comment le conseil régional peut-il engager financièrement la collectivité et la population sur les marchés des capitaux sans aucune concertation ni consultation en amont d'une telle orientation politique », a ainsi déclaré Jacques Bauquier. Il rappelait que Groupama, très récemment, et la communauté urbaine de Lille, en 2010, ont décidé de se passer d'agence de notation. Et que le Parlement européen s'apprête à voter en janvier un texte prévoyant d' « interdire la référence aux notations dans les réglementations financières d'ici 2020 ».

Marie-Guite Dufay n'ignore pas la réputation sulfureuse des agences. « On fait comment quand on a des investissements et qu'on n'a plus accès au crédit ? Moi aussi, je fais miennes ces méfiances et ces réticences. Mais si les collectivités locales n'investissent plus, cela ne s'appelle plus de la récession... » Sylvie Vermeillet rejoint la CGT, non sur le fond, mais sur l'absence de débat :  « On ne nous demande pas notre avis... J'ai posé des questions en commission des finances, on nous a seulement dit que c'était à l'étude... » Curieusement, elle semble faire confiance aux annonces de François Hollande devant le congrès de l'association des maires : « financer les collectivités locales grâce aux excédents de trésorerie des... collectivités locales ». Ce qui pourrait bien rendre « moins nécessaires les emprunts obligataires ». 

Les banques restreignent le crédit...

N'empêche, elle est bien d'accord : « Il y a six mois, il a fallu quatre banques pour abonder de 10 millions un fonds de capital risque... Et puis, j'ai sondé les maires du Jura, il y a bien un problème d'accès au crédit. Les banques disent que non, mais les maires dénoncent des commissions trop élevées ».

L'emprunt obligataire aurait des taux moindres que ceux des emprunts bancaires. C'est ce qu'indique le rapport budgétaire du conseil régional. Il faut cependant compter avec des coûts spécifiques : celui de l'arrangeur, en général une banque, d'un conseil juridique, de la notation elle-même. Car les notés paient ceux qui les notent ! Une petite trentaine de collectivités françaises ont recours aux agences de notation, relevait en janvier la Gazette des communes qui notait un regain d'intérêt pour la notation depuis 2011. Elle soulignait aussi que « la perspective des notes françaises a subi un affaiblissement avec la suppression de la taxe professionnelle et faisait dire à un analyste de Moody's que ce type de réforme est plutôt négative en terme de crédit ». Eh oui, elle ôte une partie de liberté fiscale aux collectivités...


 

 

 

 

 

 

 


 

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