Sécurité globale : « On nous prépare un état totalitaire »

Alors que des rassemblements de protestation contre une proposition de loi critiquée par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU se tenaient dans plusieurs villes à l'instigation de syndicats de journalistes et d'associations, à Besançon une centaine de personnes se sont réunies mardi 17 novembre à l'appel des gilets jaunes. Reportage et réactions, dont celle d'Emma Audrey, journaliste à Radio BIP Média 25, qui témoigne des questions pratiques que pose le texte aux rédactions, dont l'obligation de flouter les images de policiers.

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« Où ça va s'arrêter ? » Jean-Marc est désabusé, « sans illusion ». Conseiller dans l'économie sociale et solidaire, il est quand même venu, comme une centaine de personnes, ce mardi soir 17 novembre sur le parvis de la préfecture du Doubs, à Besançon, pour faire part de son « désaccord » avec la proposition de loi Sécurité globale dont l'examen commençait ce même jour à l'Assemblée nationale. Comme beaucoup, il n'est pas d'accord avec le recours à la surveillance par drone qui porte atteinte, notamment selon la Défenseure des droits Claire Hédon, à la vie privée.

Il vise aussi l'article 24 qui prévoit d'interdire la publication, par la presse et les réseaux sociaux, de gendarmes ou policiers reconnaissables « dans le but qu'il soit porté atteinte à [leur] intégrité physique ou psychique ». Une disposition que Jean-Marc voit comme une « interdiction de filmer » : « ils ne veulent pas de preuves ». Jean-Marc n'est pas anti-flic. Il assure « comprendre la discrétion dont ont besoin les policiers » dans leur métier, mais il ne veut pas confondre leur travail sur une manifestation avec d'autres tâches censées être vraiment dangereuses : « ce n'est pas du grand banditisme ou du terrorisme ». 

« Ce texte va dissuader bien des gens de manifester »

Syndicaliste et jeune retraité de l'enseignement, Guy est lui aussi venu « contester les dispositions, notamment l'interdiction de diffusion d'images de la police ». C'est aussi le cas de Géraldine, sans emploi, qui espère trouver un financement pour son projet de thèse universitaire. Elle est venue avec des amis : « C'est important d'être là pour lutter contre cette loi, de se retrouver, Il ne faut pas s'habituer à rester chez soi et trouver ça normal. Avec le confinement, on risque de se replier sur la sphère privée, mais il ne faut pas oublier qu'il y a aussi une sphère publique… »

Entre temps, Frédéric Vuillaume, gilet jaune et syndicaliste à forte voix, a pris la parole au micro d'une petite sono : « la loi Sécurité globale est liberticide et remet en cause la démocratie. Elle empêche de filmer les forces de l'ordre, au risque d'un an de prison et 45.000 euros d'amende. Cela ne concerne pas que les manifestants, mais aussi la presse. C'est une grave atteinte aux libertés fondamentales comme l'a souligné l'ONU, une atteinte aux droits de l'homme. Il faudrait que les gens comprennent un peu mieux. Le hasard du calendrier fait que le texte est présenté pour les deux ans des gilets jaunes… Il va dissuader bien des gens de manifester car ils auront peur d'être filmés par les forces de l'ordre… »

« Dans l'arsenal républicain, il y a déjà tout ce qu'il faut pour assurer la sécurité »

Ancienne institutrice, Nadine est venue « protester pour la nième fois par rapport des privations des libertés qu'on est tous en train d'accepter au nom de la sécurité. Mais dans l'arsenal républicain, il y a déjà tout ce qu'il faut pour assurer la sécurité. On nous prépare un état totalitaire. Le gouvernement n'a pas besoin de ça pour assurer la sécurité des citoyens. C'est une façon de dire aux gens : "fermez la et restez chez vous" ». 

Que dit-on dans son entourage ? « Ça dépend dans quel cercle je suis. Beaucoup me disent que j'exagère, n'imaginent pas que le gouvernement en veut au peuple, mais c'est pourtant la réalité… » Nadine ne craint-elle pas de participer à un rassemblement de retraités comme l'ex URSS en a connus ? Elle rigole : « ah ah ! Oui, un peu… En tout cas, on est mal barré… » A ceci près que toutes les générations sont représentées. Les plus jeunes ne sont pas les moins chauds pour crier « A bas l'état policier », un slogan qui fit florès en mai 1968 et après l'adoption de la loi anti-casseurs de 1970 qui réprimait non seulement les casseurs, mais aussi tous ceux qui se trouvaient là… A l'époque, François Mitterrand avait vivement dénoncé le texte qui fut abrogé onze ans plus tard après son élection à la présidence de la République….

Surveillé de loin par la police - quatre minibus étaient stationnés au début de la rue Charles-Nodier - le rassemblement bisontin n'était manifestement pas déclaré. Il a été monté à la va-vite par des gilets jaunes qui l'ont annoncé sur les réseaux sociaux. Les associations, les partis et les organisations syndicales, notamment celles de journalistes qui ont appelé à des rassemblements ailleurs en France, n'étaient pas représentés à Besançon, ce qui peut expliquer la faible participation.

Dans le Jura, un rassemblement sur le même thème est annoncé pour vendredi 20 novembre à Saint-Claude. 

  

 

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