Sarkozy clivant ? « C’est son démon, mais… »

Quel est l'état d'esprit des militants de droite ? Samedi 5 septembre, nous avons interrogé des participants à la réunion de lancement de la campagne des élections régionales de Gilley, dans le Haut-Doubs, en attendant l'arrivée de Nicolas Sarkozy.

gilley

Nicolas Sarkozy n'est pas encore sur la tribune de la grande salle des fêtes de Gilley, ce samedi 5 septembre. Il n'est même pas encore arrivé à la mairie du bourg, à plus d'un kilomètre de là. Mais les militants et sympathisants sont déjà là. Ils arrivent par centaines, en groupes, en famille, entre amis. Visitent le stand du tourneur sur bois ou la buvette, s'installent progressivement pour le banquet, bavardent en souriant, échangent des embrassades. L'heure est à la reconquête, du moins à sa promesse. Est-elle possible avec Sarkozy ? « J'espère qu'il revient, il faut que ça change le plus vite possible de tout ce qui se passe maintenant. Ça fait un moment qu'on fait du surplace, trop de gens profitent du social », dit Daniel Balet, horticulteur à Grandfontaine, près de Besançon. 

Entrepreneur de travaux forestiers, Jean-Michel Baud opine : « il faut laisser travailler les gens qui ont envie de travailler ». Les discours sur la remise en cause des 35 heures ont fait mouche, mais le bûcheron indépendant évoque la pénibilité, voire le danger du métier : « 50 heures par semaine dans le bois, c'est dur. Il faut faire 40 heures pour bien gagner sa vie, mais j'en aurais bientôt assez. J'ai trois collègues qui se sont tués dans le bois à 55 ans... » 

Tous deux font partie de ces électeurs de droite qui s'abstiendraient en cas de second tour de la présidentielle entre Marine Le Pen et un candidat de gauche : « l'extrémisme n'est jamais bon », dit Jean-Michel Baud, « Le Pen au deuxième tour, on y va tout droit, elle ratisse les jeunes. La jeunesse n'a plus de repères. Dans notre profession, il n'y a plus de jeunes. Il y a des métiers où il faut payer les gens, le problème, c'est que ce sont les machines qui font le travail... » La droite sociale n'est pas qu'un slogan.

« La plupart de mes amis éleveurs votent FN par colère et désespérance »

Voilà Fabienne Cardot qui discute avec la conseillère régionale UDI Pascale Jégo qui siège depuis la démission de Jacques Grosperrin qui, visé par le cumul des mandats depuis son élection au Sénat, a dû abandonner son mandat. Toutes deux espèrent bien figurer sur la liste LR-UDI en décembre. « J'incarne les deux côtés de notre belle région », sourit Mme Cardot, en parlant de sa famille belfortaine et de son poste d'adjointe (LR) au maire de Corbigny, dans la Nièvre où l'UDI aura la tête de liste départementale. Sarkozy revient-il ? Elle a des réflexes de communicante : « Là, on est sur les régionales, on se concentre sur les régionales et on veut faire basculer la région ». Comment voit-elle la suite ? « On fait les choses étape par étape ». Craint-elle l'extrême droite ? « Je n'ai pas peur, je suis une élue de terrain, proche des éleveurs... La plupart de mes amis éleveurs votent FN par colère et désespérance, parce que l'UMP et le PS n'ont pas su les écouter et régler leurs problèmes... »

Maria, Muriel et Deutch sont venus de Besançon. Tous trois sont adhérents des Républicains et fans de l'ancien président de la République. « J'ai commencé au RPR, j'adore Nicolas Sarkozy depuis qu'il a commencé... J'ai une photo où je suis avec lui à l'université d'été du mouvement en 2000 », dit Muriel. « C'est impossible de ne pas voter pour lui à la primaire, le personnage de Juppé est totalement différent de Nicolas, ils n'ont rien à voir dans leurs approches, leur contact », dit Maria qui préside l'association Brûlard Ensemble.

Sarkozy clivant ? « C'est son démon, mais... »

Pourquoi ces habitants d'un quartier populaire de Besançon sont-ils de droite ? « C'est ce qui représente un avenir meilleur », dit Muriel. « C'est l'inverse de la gauche qui fait beaucoup de social, de l'assistanat, des choses inutiles », dit Maria. « La droite, c'est le projet, la fermeté, le long terme », dit Deutch. Sarkozy n'est-il pas trop clivant ? « C'est son démon, mais ce n'est pas là qu'il faut voir le problème. Il a un projet qui peut répondre aux besoins des Français ». Que feraient Maria, Muriel et Deutch en cas de second tour entre Le Pen et un candidat de gauche ? « On voterait blanc », répondent-ils dans un bel ensemble. Muriel grimace : « Mais ce serait un jeu dangereux, je n'aimerais pas que Le Pen passe, même si j'ai déjà voté blanc à une cantonale avec un second tour FN-PS... »

Jean, Jean-Luc et Joseph sont venus de la vallée de la Loue et adhèrent aux Républicains. La journée est « l'occasion de se réunir », dit Jean-Luc. « C'est là qu'on voit qu'on est une force, qu'on compte », dit Jean, « gaulliste depuis les années 1960 », comme ses amis. Sont-ils gaullistes, de droite ou libéraux ? « Pour un libéralisme contrôlé, pas pour la jungle », répond Jean-Luc. La jungle n'a-t-elle pas gagné du terrain ? « On ne respecte pas assez les valeurs du travail », dit Jean. Son ami hoche la tête.

« Il nous faut quelqu'un qui mette de l'ordre »

Jean-Claude et sa femme Claude, anciens restaurateurs à Besançon, sont déjà assis dans les tribunes. « On aime l'homme, on a fait la Concorde et le Trocadéro », dit Jean-Claude en parlant de Nicolas Sarkozy. « Il est énergique », dit Claude. « La presse ne l'aime pas », sourit Jean-Claude. Que feront-ils à la primaire de l'an prochain ? « Il nous faut un chef, mais il est tellement énervé, c'est ça qui qui déplait... Mais Napoléon parlait avec sept personnes à la fois ! » Sa compagne opine : « il nous faut quelqu'un qui mette de l'ordre ». Jean-Claude précise : « Quelqu'un qui redresse la France, mais pas Le Pen, elle est contre l'Europe ». Claude commente : « Il y a quand même des gens valables parmi les étrangers ».

Seule dans la foule, Odile, 37 ans, est venue de Villers-le-Lac pour l'événement : « Nicolas Sarkozy venant là, c'est exceptionnel ! Je n'ai pas de parti, j'aime entendre tout le monde. Ce serait un autre politique, je viendrais aussi ». Est-elle de droite ? « Non, je serais du genre à prendre un peu chez chacun ». Votera-t-elle à la primaire ? « Oui, mais je ne voterai sans doute pas Sarkozy... » Issu d'une vieille famille gaulliste, Robert est « venu écouter ». François est venu de Germierfontaine : « Je suis bientôt adhérent, c'est ma conviction. On va dans le mur ! Je suis totalement déçu de la gauche en qui je n'ai jamais cru... Je crois au respect, au travail pour gagner sa vie : je ne suis pas contre le RSA, mais à un moment, il faut arrêter... » Que pense-t-il du libéralisme économique ? « Tant qu'on ira dans cette direction, on ne fera rien. Il faut remettre les gens au travail, point à la ligne ». Que ferait-il en cas de second tour en Le Pen et un candidat de gauche ? « Le Pen... Le Pen ou blanc, mais jamais la gauche ! »

« L'effort, le travail, le mérite et le parler vrai... »

Patrice est un « citoyen curieux », mais aussi un électeur de droite qui cherche son champion. Votera-t-il Sarkozy à la primaire de son camp ? « Je ne sais pas encore, j'ai vu François Fillon qui m'a fait une forte impression... » Ouvrier de l'industrie en Suisse, Germain, ancien de l'UMP, a adhéré aux Républicains « dès le début ». Il attend que Nicolas Sarkozy « parte à la conquête de 2017 et qu'il gagne ! Il est le seul à avoir le leadership suffisant ». Que peut-il apporter après son échec de 2012 ? « Le contexte est différent et il a gagné en expérience. Il est le seul à rassembler la famille politique au-delà du clivage droite-gauche ». N'aura-t-il pas des difficultés à retrouver ses électeurs de gauche de 2007 ? « Il peut le reconquérir... Dans ma boîte, on vient de passer de 41 heures à 43... Je suis de droite parce que je crois à l'effort, au travail, au mérite et au parler vrai : c'est pour ça que j'aime beaucoup Nicolas Sarkozy ».

Au tout début de notre reportage, nous avions croisé Stywell, 20 ans et habitant de Gilley au look légèrement décalé. « Je ne suis pas militant et je viens par curiosité, voir le milieu politique. Je ne savais pas qu'il était là, je viens de l'apprendre chez le coiffeur... Je suis plutôt de droite, la gauche ne m'a pas convaincu. Je viens pour Nicolas Sarkozy, j'ai envie de découvrir le personnage en vrai. Il est intéressant à la télé, je veux voir s'il est aussi proche de ses électeurs ou si c'est des paillettes... » Pense-t-il voter à la primaire de fin 2016 ? « Je ne sais pas, ça se joue entre Alain et Nicolas... Juppé cherche le vote des jeunes, mais Sarkozy est un bon orateur... »

Une bonne heure plus tard, nous le revoyons à l'extérieur, avec deux autres jeunes gens, la mine contrite. « On vient de se faire virer... On était dans les tribunes et soudain on a été entourés par cinq ou six costauds qui nous ont demandé de partir... C'est pas très cool... On est en république... » Contacté, le secrétaire départemental du parti, n'a pas encore retourné notre appel pour nous donner sa version de cet incident.

 

 

 

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !