Sarkozy à Besançon : « Et ça veut gouverner la France ! »

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Le regard de qui arrivait à pied au parc des expositions de Besançon, Micropolis, vendredi 30 mars vers 17 h, était immanquablement attiré par un solide cordon policier. Entourant une quarantaine de manifestants de gauche radicale et de la mouvance anarcho-autonome, à peu près autant de CRS les ont empêchés d'approcher pendant deux heures de l'entrée du complexe où Nicolas Sarkozy a tenu un discours de campagne devant quelque 3000 personnes dans la salle de concert, et environ 300 dans une salle voisine qui suivaient l'événement sur un écran géant. Selon l'AFP, un manifestant a été interpellé.

Malgré les nombreux policiers et un solide service d'ordre, deux opposants ont réussi à s'introduire dans la salle. A peine le président-candidat avait-il entamé son propos, que les deux gaillards ont entonné l'Internationale, au point, pour ceux qui étaient à proximité, de couvrir un instant la sono. Un instant seulement car ils furent énergiquement emmenés à l'extérieur... 
Le discours fut quant à lui sans surprise, clivant comme de coutume, le candidat n'annonça rien de nouveau, ni ne développa de thématique particulière. Il fut très vite acclamé pour sa «sauvegarde de l'épargne» et assura que «pas une banque n'avait fait faillite» pendant la crise : «j'avais promis que ça ne coûterait pas un sou aux contribuables». Il est vrai que certains observateurs assurent que Dexia n'a été qu'en quasi-faillite... Et d'autres ont cru comprendre que l'affaire avait coûté quelques milliards d'argent public... 
 
Militants : 2007 est loin
 
L'adhésion à l'homme Nicolas Sarkozy est manifeste, mais l'enthousiasme est loin d'être là. On l'applaudit, on scande son nom, mais on l'écoute avec gravité et les visages sont souvent fermés. Le peuple de droite espère mais reste sceptique. Il n'y a pas de magie. 2007 est loin. 
 
A la sortie, on discute en petits groupes sur la façon de combler l'écart dont font mention les sondages. « Si chacun en fait voter trois autres », dit un homme qui assure avoir convaincu un électeur de droite qui ne voulait plus voter, en tout cas pas Sarkozy. Les autres approuvent, mais les mines sont graves.
 
Plusieurs élus locaux sont eux aussi inquiets : « Je reste sur ma faim côté social », dit une militante Gauche moderne, ralliée en 2007, qui ne cache pas désapprouver le discours sur l'assistanat ou l'école. Un autre « attend le programme » pour se faire une idée plus précise. Tel autre élude la question sur la confiance : il soutient le candidat de son camp, point. Un autre encore se souvient de la première prise de parole de Sarkozy devant les militants, en 1975, au siècle dernier. Nostalgie d'une époque révolue ? Réponse dans les urnes. Pour l'heure, retour au quotidien : les centaines de voitures et la vingtaine de cars affrétés de toute la région tentent de se frayer un passage pour rejoindre la rocade embouteillée. Celle là justement pour l'aménagement en 2x2 voies de laquelle un investissement moindre de l'État aura manqué...  
 
Tordre la réalité
 
Dans une salle acquise mais à l'enthousiasme modéré, sauf quand il s'agit de sécurité et d'immigration, Nicolas Sarkozy aura  davantage fait rire aux dépens des socialistes que développé son programme qu'on attend pour la semaine prochaine. Il aura aussi fait montre de son habituel culot en tordant quelque peu la réalité. 
Il revisite ainsi l'épisode de la réforme des retraites : «Quand j'ai dit aux parlementaires "il faut faire la réforme des retraites", les syndicalistes les plus... raisonnables (la salle rit) disaient "oui, mais pas maintenant"... Le PS était contre, il est contre tout... Il y a eu neuf manifestations, je n'ai pas reculé, c'était mon devoir. Mes amis me disaient lâche du lest, fais un petit cadeau, un peu de poussière sous le tapis ne fait pas de mal... Je n'ai pas de leçon à recevoir de ceux qui ont ruiné la compétitivité de la France avec les 35 heures... Je mets au défi quiconque de comprendre ce que veut monsieur Hollande. Il a dit qu'il fallait tenir compte de ceux qui avait commencé à travailler avant 18 ans, je lui ai dit que c'était déjà fait (NDLR : du lest lâché après quelques manifs), il a alors dit : pour ceux qui ont travaillé avant 19 ans...» L'effet est garanti : ridiculiser l'adversaire réjouit les militants et les convaincus.
 
Censuré !
 
Il se place en victime de la censure (des socialistes, à moins que ce ne soit des médias) : « Il a fallu demander l'autorisation de parler : il y a ce dont on a le droit de parler qui intéresse monsieur Hollande, et ce dont on n'a pas le droit de parler qui intéresse les Français, la sécurité, l'immigration... » Succès total, les drapeaux s'agitent et les applaudissements fusent. François Hollande est ensuite accusé, en voulant supprimer le mot race du préambule de la Constitution de 1946, de chercher à rayer un mot  « écrit avec le sang des résistants et des déportés », ce qui serait « comme un blasphème à l'égard de l'histoire de la France ». Il faut oser, mais c'est de bonne guerre, feindre de croire que le projet du candidat socialiste consiste « pour supprimer le racisme à supprimer le mot race ! Autant supprimer aussi les mots zone, pauvres, chômeurs... Et ça veut gouverner la France ! »
La président-candidat pointe aussi « l'idée remarquable de François Hollande de bloquer les prix du pétrole, les Irakiens et les Saoudiens en tremblent... Et ça veut gouverner la France ! » Mais Nicolas Sarkozy n'a pas un mot pour les compagnies pétrolières...
En entendant Nicolas Sarkozy parler du nucléaire, on se demande encore si l'on est sur la même planète que lui. « Fukushima, c'était un tremblement de terre... Pour Fessenheim (qu'Hollande veut fermer), je me suis précipité sur un livre de géographie : la plage est éloignée... Et ça veut diriger la France ! J'ai visité aussi la centrale de Saint-Laurent des eaux qu'il veut aussi fermer (ce n'est pas ce que dit Hollande) mais c'est seulement la Loire ». 
 
Contredit par son ministère !
 
Peu de monde a certes besoin d'un livre de géographie pour savoir que l'Alsace n'est pas au bord de la mer, mais le nouveau zonage sismique du pays montre bel et bien que le sud de la région, où est construite la centrale de Fessenheim, est dans une zone de niveau d'activité sismique moyenne (4 sur 5) comme l'indique le ministère de l'écologie et du développement durable. 
Le président-candidat transforme aussi la proposition de François Hollande d'inscrire la loi de 1905 dans la Constitution : « il veut inscrire la laïcité dans la Constitution, mais c'est dit dans l'article premier... Je ne comprends pas qu'on parle tant de laïcité et si mal la défendre. Quand on veut diriger la France, il faut avoir le courage et la force de dire non à la burqa ! » Les applaudissements sont à leur comble, ils redoublent quand Nicolas Sarkozy hausse le ton pour défendre « les mêmes horaires de piscine, les mêmes médecins pour les hommes et les femmes, les mêmes menus dans les cantines ».
 
« Une France ouverte, diverse... L'immigration une chance qui peut être un problème... »
Sa campagne vire-t-elle à droite toute comme de nombreux observateurs, notamment à l'étranger, dont le peu socialiste New York Times, le prétendent ? Il assure que non, pour nuancer aussitôt : "On me reproche de chasser sur les terres de l'extrême droite, mais l'extrême droite favorise la gauche, ce vote là est une impasse, je conteste les idées du Front national, je défends une France ouverte, diverse..." Les premiers rangs scandent Nicolas président... Il poursuit : "l'immigration est une chance, mais peut être aussi un grand problème... Je n'accepte pas une immigration qui ne viendrait que pour la seule cause de conserver nos prestations sociales... Le regroupement familial est un droit, mais il faut un logement décent, un travail et apprendre le français avant de venir".
Nicolas Sarkozy fait alors une incursion dans le social, un peu comme Charles Pasqua avait des accents d'extrême gauche, mais avec une sorte de gros clin d'oeil à ses auditeurs : "Sur la justice, des responsables politiques disent justice sociale, et même justice sociale pour tous". La salle rigole. "Mais ce qui est injuste, c'est l'assistanat, ce qui est juste, c'est la solidarité !" Le voilà en un tournemain sur les terrains de Bayrou et Mélenchon, mais pas pour longtemps car il reprend son antienne plébiscitaire : "s'il y a des blocages des régions ou des syndicats, je ferai un référendum, ils ne défendent pas ceux qui n'ont pas d'emploi, mais ceux qui ont un statut..." Puis voilà un zeste d'éducation : "le laxisme, ce n'est pas une preuve d'amour, mais de l'abandon... On a fait l'erreur de considérer que l'élève est l'égal du maître... Je soutiendrai une école de l'autorité, de l'exigence, du respect, de la politesse... Et les enseignants auront 26 heures au de 18 d'obligation de service". 
 

 « Aidez moi », comme De Gaulle  après le putsch des généraux !

Il finit sur la politique, la conquête, la campagne : « il nous reste trois semaines, cinq avant le second tour... » Les jeunes hurlent « On va gagner, on va gagner ! » D'un geste, il les modère : « attention, je vais vous dire à quelles conditions. Je suis entré en campagne avec la passion et tout d'un coup je vois les choses qui commencent à changer. Pour certains, c'est plus compliqué quand je suis là. Aidez moi ! » Comme De Gaulle en 1958, puis surtout en 1961 après le putsch militaire d'Alger quand la guerre civile était aux portes du pays...
Puis il fait à nouveau rire des socialistes et de leur primaire qui leur aurait permis de rester entre eux. « Et moi, je suis quand même président, ils avaient fait un petit club, heureux de se regarder le nombril... Vous êtes en train d'écrire la plus extraordinaire histoire politique récente, une majorité silencieuse qui dit : ça suffit ! »
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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