La semaine de quatre jours de classe est la pire des solutions pour les scientifiques. Sa victoire lors du vote du 10 décembre entraînerait la suppression du périscolaire le mercredi. Le vent sociétal et consumériste ira-t-il dans dans ce sens ou le débat apportera-t-il la lumière ? Les journées trop chargées sont vivement critiquées par des syndicats d'enseignants et les fédérations de parents qui s'estiment contournés...
Les Bisontins ont-ils réellement dans leurs mains l'avenir de la configuration des horaires des 9000 enfants fréquentant les 67 écoles primaires publiques de la ville ? Certes, le conseil municipal a voté une délibération décidant d'une consultation électorale sur les rythmes scolaires. On devrait même écrire qu'il en a voté deux. La première, le 12 octobre, prévoyait deux bulletins, un pour la semaine de quatre jours les lundi, mardi, jeudi et vendredi, un autre pour la semaine de quatre jours et demi avec le choix d'une option à cocher entre le mercredi et le samedi...
Puis le 6 novembre, il corrigeait sa copie et proposait trois bulletins : 1) quatre jours de classe 2) quatre jours et demi dont le mercredi matin, 3) quatre jours et demi dont le samedi matin, le mercredi étant libre. L'adjoint à l'éducation Yves-Michel Dahoui expliquait avoir été convaincu par les délégués des parents qui soulevaient une difficulté induite par la première délibération : on pouvait être favorable à quatre jours et demi dont le samedi, mais préférer en second choix quatre jours à quatre jours dont le mercredi...
Ceci étant, la seconde délibération donne un sacré coup de pouce à la semaine de quatre jours que la moitié des communes de l'agglo, comme 32% des communes de France ont appliqué à dernière rentrée, 80% s'apprêtant à le faire à la prochaine. Dahoui explique que si cette option l'emporte, les animations périscolaires du mercredi seront supprimées... « C'est gros comme une maison que la commune a un intérêt financier à ce que les quatre jours passent », réagit Catherine Jamati, professeure d'école à Planoise et secrétaire académique de SUD-Éducation.
L'adjoint ne défendra pas sa préférence
Pourtant, l'adjoint a une position personnelle différente, il préfère quatre jours et demi avec repos le mercredi et classe le samedi matin. Il ne la défendra cependant pas, notamment lors du débat du 27 novembre, au nom de « l'impartialité » de la collectivité - « on peut avoir des conceptions différentes de l'intérêt de l'enfant » - et de son « obligation d'éclairage du choix des électeurs qui passe par « des conditions d'information suffisante, un effort de communication ».
Les Bisontins ont-ils réellement dans leurs mains la réponse à la question quand on sait que la décision finale reviendra au directeur académique des services de l'Education nationale ? Tiendra-t-il compte du résultat si les trois options sont dans un mouchoir de poche, si la participation est faible ? « Quelle qu'elle soit, elle sera légitime », répond Yves-Michel Dahoui. Le maire Jean-Louis Fousseret a annoncé qu'il défendra le verdict, quel qu'il soit, auprès du rectorat. Peut-il dire le contraire en soutenant cette consultation ? Pouvait-il dire avant le référendum de 2001 sur l'implantation de la gare TGV qu'il ne défendrait pas très fort son résultat auprès de la SNCF ?
« Les enseignants ne veulent pas sacrifier trois semaines de vacances »
Reste enfin que la question posée et les trois réponses proposées sont loin de faire l'unanimité des premiers intéressés, du moins les plus impliqués, ceux qui militent dans les fédérations de parents d'élèves ou les syndicats d'enseignants. D'abord, ces trois bulletins ne représentent pas l'ensemble des possibilités envisagées par le ministère.
Karine Laurent, secrétaire départementale du Snuipp-FSU, le principal syndicat d'enseignants du primaire, souligne ainsi que « la semaine de huit demi-journées dont cinq matinées, qui existe à Saint-Vit ou Avanne-Aveney, n'est pas une possibilité ouverte par la mairie de Besançon ». Pas retenue non plus « la réduction des congés d'été pour réduire la charge de travail de la semaine ».
Ancien instituteur, adepte de la pédagogie Freinet, François assure qu'on n'a jamais souhaité prendre à rebours « les enseignants qui ne veulent pas sacrifier trois semaines de vacances ». Il est sévère avec la façon dont le pays traite globalement la question : « Les gosses sont-ils au coeur des préoccupations ? Depuis plus de 30 ans, il y a une quasi unanimité des chronobiologistes : les rythmes scolaires ne vont pas ». Pour lui, faire trancher la question par les électeurs bisontins n'est pas judicieux : « les gens sont-ils assez informés ? Je crains qu'ils votent selon leurs intérêts d'adultes... »
L'intérêt des communes et le lobby touristique
Du coup, le « débat de société » souhaité par Yves-Michel Dahoui sera fatalement incomplet. Car une autre problématique n'est pas non plus traitée par la consultation du 10 décembre. « Qu'il y ait trois bulletins au lieu de deux ne change pas grand chose. Ce n'est pas la bonne question qui est posée. Faut-il par exemple que de 3 à 11 ans, les enfants aient les mêmes contraintes de présence à l'école ? », note Karine Laurent. La PEEP, seconde fédération de parents d'élèves, pose à peu près la même question en s' « interrogeant sur le bien fondé de la similitude des rythmes scolaires pour des enfants de 3 et 9 ans par exemple ».
En fait, d'autres intérêts planent sur la consultation. Le premier est porté, on l'a dit plus haut, par les communes qui sont nombreuses à ne pas cacher qu'elles feraient des économies en adoptant la semaine de quatre jours : moins de chauffage, moins de transport, moins de périscolaire pour autant qu'elles aient eu les moyens d'en mettre en place.
Le second est celui d'un secteur économique : « on n'a toujours pas réfléchi à l'année scolaire dans sa globalité, le lobby tourisme passe devant, on est habitué », soupire Karine Laurent : « ils ont encore avancé d'une semaine les vacances de printemps en espérant la neige, alors que la dernière période scolaire est trop longue, intenable, ce que tout le monde dénonce ». L'ancien instituteur François est du même avis : les rythmes scolaires « sont soumis aux intérêts du tourisme... »
Paradoxe : pas d'expert pour les quatre jours
Le troisième intérêt, porté par certaines familles, est plus diffus car les arguments sont très variés. Des familles recomposées qui ont des problèmes d'articulation d'emploi du temps aux conditions et horaires de travail qui se durcissent pour certains parents, en passant par les pressions de ceux qui ont les moyens de partir en week-end... Ce faisant, c'est une des promesses de l'école républicaine qui est alors mise à mal, à rebours d'une enquête effectuée par le Snuipp qui évoque une « grosse majorité d'enseignants pour la semaine de quatre jours ».
On notera enfin un paradoxe. L'option de la semaine de quatre jours, qui semble favorite, n'aura pas de défenseur issu de la recherche lors du débat du 27 novembre : « ce n'est pas simple de trouver des experts pour les quatre jours », soulignait Yves-Michel Dahoui dans la conférence de presse qu'il a donnée mardi 14 novembre. Cela énerve la présidente départementale de la FCPE du Doubs, Bénédicte Bonnet : « C'est quoi ce débat vendu avec des experts ! M. Dahoui m'a demandé s'il y avait un chronobiologiste favorable aux quatre jours pour un débat contradictoire, mais il n'y en a pas. Alors on a demandé à parent du comité de pilotage du PEDT tiré au sort... Mais il faut quand même distinguer science et opinion ! »
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