Régionales : la bataille des centres…

Le MoDem, notamment dans le Doubs, menace de concourir seul aux régionales après les déclarations de Nicolas Sarkozy à Gilley ironisant sur les « centristes avec nous à mi-temps ». Pendant ce temps, les « centristes de gauche » de Force démocrate, CAP21 et le Mouvement des progressistes vont intégrer les listes socialistes au nom des valeurs et de la lutte contre l'extrême-droite.

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Les rancunes sont tenaces. Celle de Nicolas Sarkozy à l'égard de François Bayrou date de l'élection présidentielle de 2012. Celle de Damien Meslot pour Christophe Grudler s'entretient méthodiquement depuis des années. Viré de l'UMP en 2002 par Damien Meslot, Christophe Grudler se fait élire deux ans plus tard conseiller général sans étiquette du Territoire-de-Belfort. Tête de file du MoDem pour les régionales de décembre 2015, il a présenté une liste à la mairie de Belfort remportée par Damien Meslot en mars 2014. Un an plus tard, Grudler battait Meslot lors des élections départementales, très vraisemblablement avec des voix de gauche. Tout récemment, Christophe Grudler a vertement critiqué la proposition de Damien Meslot de n'accueillir à Belfort que des réfugiés chrétiens : « trier les gens en fonction de la religion est contraire aux valeurs de la république » (voir ici).

Ces inimitiés ne suffisent sans doute pas à expliquer à elles seules ce qui ressemble à l'exclusion du MoDem de la liste UDI-LR pour les régionales que conduit François Sauvadet. Damien Meslot explique bien vouloir s'entendre avec le MoDem, mais pas avec son meilleur ennemi qui revendique la tête de liste départementale dans le Territoire-de-Belfort. Il lui propose de figurer en troisième position, une place non éligible... Un peu gros comme ficelle. En fait, l'accord est national, fruit du partage des têtes de listes entre l'UDI et l'UMP devenue depuis LR. La sortie de Nicolas Sarkozy, déclarant à Gilley ne pas vouloir de « centristes à mi-temps » a fait le reste.  

Croizier : « On avait prévu toutes les options, on a un plan B »

Le MoDem du Doubs : « François Sauvadet ne fait qu'obéir aux ordres »
Dans son communiqué, le MoDem du Doubs « prend acte de l’injonction du président "Les Républicains" au candidat "Udi" François Sauvadet de revenir sur sa volonté de rassembler la droite et le centre sur sa liste. Cette injonction remet en cause les nombreuses déclarations du chef de file de la liste LR/Udi pour qui le rassemblement était "une obligation morale, éthique" il y a encore quelques jours !
« Au moment de la fusion des régions, un lancement de campagne au cours duquel un responsable national lance un message d’exclusion, en contradiction avec la volonté de rassemblement du candidat tête de liste, est un lancement de campagne manqué.
« Depuis plusieurs mois, le MoDem régional conduit par Christophe Grudler a cherché l'union et le rassemblement. François Sauvadet, même s'il ne fait qu'obéir aux ordres, portera seul la responsabilité de la division. Le MoDem du Doubs ne conçoit pas être absent du débat régional. Par conséquent, toujours dans l'optique d'une alternance en Bourgogne-Franche-Comté, nous annonçons souhaiter la constitution d’une liste autonome ouverte dont les membres ne seraient cette fois ni bloqués par leur appareil ni par leur étiquette mais rassemblés pour leurs compétences... »

Du coup, le MoDem a très envie de mettre à exécution sa menace d'une liste autonome. « S'il y a désunion et défaite, nous nous dégagerons de toute responsabilité », dit Laurent Croizier, le président départemental du MoDem du Doubs qui a publié le 9 septembre un communiqué courroucé : « un lancement de campagne au cours duquel un responsable national lance un message d’exclusion, en contradiction avec la volonté de rassemblement du candidat tête de liste, est un lancement de campagne manqué ».

Est-il prêt ? « On avait prévu toutes les options, on a un plan B. On est prêt à faire une liste dans le Doubs, et à inviter Christophe Grudler à le faire dans les autres départements ». Dans le Doubs, ce plan B sera à l'ordre du jour du bureau départemental du MoDem convoqué en urgence pour samedi 12 septembre.

Gonon : « il s'agit de faire monter les enchères »

Pour le « centriste de gauche » Yoann Pimentel, ancien du MoDem et tête de file régionale du Front démocrate, tout cela est du « bluff » : « le MoDem n'a pas les moyens de faire une liste indépendante. Il risque de faire 3% et de ne pas voir ses frais de campagne remboursés. Le national ne sera pas caution, la droite et la gauche le savent... » Cette analyse rejoint celle de Philippe Gonon, conseiller départemental du Doubs et municipal à Besançon, passé du MoDem à l'UDI, pour qui « il s'agit de faire monter les enchères pour avoir plus de places. Nous voulons continuer l'union, comme à Besançon, mais s'ils font leur liste, ils seront facteurs de division ». Il reste encore quelques semaines avant la date butoir du 15 octobre où « tout doit être publié », mais « on veut aller plus vite, sans doute fin septembre

L'alliance municipale dijonnaise où François Deseille, président départemental du MoDem est adjoint, n'est « pas acceptable pour la droite », souligne Yoann Pimentel. Gérer la ville avec les socialistes est évidemment une difficulté que François Sauvadet a déjà soulignée, le répétant dans L'Est républicain de ce jeudi 10 septembre : « tous les membres du MoDem sont les bienvenus à condition qu'ils ne participent pas à des exécutifs locaux socialistes et qu'ils ne se situent pas dans des l'opposition à des exécutifs dont nous assumons la responsabilité ». Pour Laurent Croizier, « la logique [des élus MoDem de Dijon] est de rassembler. Vu du Doubs, après le passage de François Rebsamen au gouvernement, on aurait du mal à se retrouver dans son équipe ». Laurent Croizier veut en tout cas croire en la bonne étoile de son parti : « le sondage commandé par Joyandet, y compris avec le Jura et la Haute-Saône où nous sommes peu implantés, nous donnait 4% sans faire campagne. On est capable de faire plus de 5% pour pouvoir fusionner au second tour. Je demanderai le soutien de François Bayrou qui fédère bien au-delà de l'étiquette MoDem, et alors pourquoi ne pas dépasser 10% pour nous maintenir au second tour ? »

Marie-Guite Dufay lorgne vers le Front démocrate

D'autres centristes, ceux qui penchent plutôt à gauche, sont quant à eux l'objet de l'attention de... Marie-Guite Dufay. Yoann Pimentel était d'ailleurs l'un des invités de la Fête socialiste de Saint-Didier (Jura) dimanche 6 septembre aux côtés de la tête de liste socialiste : « Chacun doit mettre de l'eau dans son vin, laisser nos ego et penser plus à nos concitoyens », expliquait-il en évoquant l'UDE en construction avec « François de Rugy, Jean-Vincent Placé, Génération écologie, le Mouvement des progressistes de Robert HueAncien secrétaire général du PCF et candidat à l'élection présidentielle de 1995 où il obtint 8,6% », avant de lancer à l'intention de François Sauvadet : « vous n'avez pas le monopole des centristes ». Marie-Guite Dufay insiste pour sa part sur Cap 21, le mouvement de Corinne Lepage dont elle dit le plus grand bien, et à qui elle veut proposer de « nombreuses places sur la liste ».

Ce faisant, cette ouverture écolo-centriste-ex communiste de la candidate alors que le discours du PS se gauchise, est à interprétation multiple : grand-écart, glissement à droite, ou synthèse ? Le premier terme est périlleux car porteur de contradictions, le second peut ouvrir un espace à la gauche radicale, le troisième est un pari reposant notamment sur le repoussoir de l'extrême-droite. C'est d'ailleurs ce que souligne Yoann Pimentel : « il faut défendre nos valeurs, à commencer par l'humanisme. C'est la nouvelle ligne de fracture. J'ai les mêmes valeurs que beaucoup de membres de l'UDI, mais je ne suis pas d'accord pour pactiser avec le diable, avec l'extrême-droite comme le fait Wauquier ». 

C'est aussi une stratégie assumée d'installation d'une alliance durable avec le PS, en même temps qu'une façon d'acter que « le MoDem n'a pas de place dans les négociations LR-UDI ». Pourrait-il mourir d'être ainsi écartelé entre l'alliance à droite et l'alliance à gauche ? « Oui. En 5 ans, on est passé de à gauche toute à à droite toute ! Les électeurs sont désarçonnés... Il y avait un capital Bayrou, par exemple 200 adhérents dans le Jura, mais beaucoup l'ont quitté ». Du coup, Yoann Pimentel a été mandaté par le secrétaire général du FD, Christophe Madrolle, pour négocier, comme chef de filde de l'UDEmention rajoutée le 11 septembre à 18 h, avec Marie-Guite Dufay afin de « ne pas prendre le risque que la région soit dirigée par le FN ».

   

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