Réforme territoriale : l’improbale synthèse du CESER

Les organisations syndicales, professionnelles ou sectorielles représentées au Conseil économique sociale et envionnemental de Franche-Comté sont loin d'être unanimes ou séduites par le projet de fusion avec la Bourgogne. Toutes ou presque émettent des réserves, des doutes, des nuances, voire une plus ou moins franche hostilité pour les syndicats radicaux ou le monde patronal, mais pour des raisons différentes.

Yannick Favory, FSU, CESER Franche-Comté

L'avis du CESER a été adopté à une large majorité. Les six représentants CGT votant contre et l'unique FSU se sont abstenus tout en saluant le travail du CESER et notamment ses « réserves ». Ratissant large, reprenant des constats faits dans des horizons variés, ce travail tente une synthèse entre des propositions parfois antagonistes, sinon divergentes, et cède un peu facilement au mirage de la communication. 

Christophe Chambon (FO) explique que son syndicat n'est « pas favorable à la fusion telle qu'elle se met en place, par intérêts politiques et électoraux, mais qu'elle se heurtera à la réalité politique, économique et sociale. Quels outils aura cette région ? On n'a pas de réponse ! » Et si FO vote pour l'avis, c'est parce qu'il reprend « bien de [ses] préoccupations et met en exergue les difficultés ». Stéphane Fauconier (UNSA) « soutien la réforme », « comprend qu'elle soit anxiogène pour les personnels meurtris par la RGPP », et « partage les interrogations du rapport ». 

Les emprunts toxiques de la Bourgogne

Jean-Luc Piton (CCI) donne acte à la présidente du Conseil régional le « courage d'avoir lancé le processus » mais voit dans « les choix recentralisateurs de l'Etat une défiance envers la société civile ». Il trouve « le processus législatif bâclé » et penche pour une « validation démocratique ». Autrement dit, mais il ne le dit pas, un référendum... Il aurait bien aimé que l'avis du CESER soit plus offensif, traite du haut débit numérique, de la LGV, de l'aéroport de Tavaux, demande le rétablissement d'un train Strasbourg-Marseille... Il met l'accent sur les « emprunts toxiques » contractés par la Bourgogne, son « endettement double » de celui de la Franche-Comté, et souhaite des « structures financières et d'amortissements séparées »...

Daniel Boucon (secteur culturel) reconnaît le rapport comme « un début de réflexion », voit qu'on va « dépasser le changement d'échelle pour un changement de nature » et souligne que « la gouvernance devra faire la place aux habitants et aux territoires ». La CFDT, qui a réuni ses équipes des deux régions, estime, par la voix de Jean-Claude Perrin, que « la réforme n'est pas assez ambitieuse » et est pour « des territoires compétitifs en Europe et dans le monde ». Sa camarade Marie-Claire Budna évoque des différences entre les fonctionnaires des deux régions et souhaite « une harmonisation par le haut ». Pour Gérard Thibord, « le mouvement est lancé et il faut se projeter en partant de la base ».

Les urgences sociales et la reconquête industrielle

On s'en doute, ce n'est pas l'avis de la CGT. Pour Michel Faivre-Picon, la question de la saisine a été « mal posée » et aurait dû être : « une fusion des régions va-t-elle répondre aux urgences sociales, à l’avenir de nos territoires, à la reconquête industrielle et de quels services publics de proximité la population a besoin ? » Le syndicat « conteste » la réforme qui est l'application du Traité de Lisbonne, lequel « encourage concentration et spécialisation des activités sur des territoires placés de fait en situation de concurrence ». Il estime qu' « aucune condition de réussite d’une quelconque fusion ne sera réunie si l’objectif recherché est de réaliser 11 milliards d’économies sur le service public territorial associés aux 18 milliards d’économies sur les dépenses de l’Etat et ses services publics déconcentrés prévus dans le plan d'économies du pacte de responsabilité ».

S'il s'est abstenu Yannick Favory (FSU) trouve lui aussi que « la question n'est pas la bonne » et « regrette » que le CESER n'ait pas été interrogé sur « la pertinence de la fusion » : « c'est à ceux qui la décident d'avoir un projet ! Je suis dans un ministère qui se réforme tous les deux ans, le résultat, c'est moins 15 points dans les classements internationaux ! On assiste à un renforcement de la bureaucratie et d'une technocratie de type brejnevienne ». Géographe, il fustige la focalisation sur la taille des régions : « mis à part des poids lourds comme la Bavière ou la Catalogne, toutes en Europe ont à peu près la même taille. Le vrai problème, c'est celui des moyens et des compétences ». Il ne se « berce pas d'illusion » quant aux chances de réussite du projet tant « les préoccupations du CESER sont éloignées des réalités quotidiennes. Et que se passera-t-il si l'Etat se concentre à Dijon ? Il faudrait d'abord un engagement fort des deux régions sur le partage des moyens ».

La crainte de voir Dijon dépecer Besançon

La crainte de voir Dijon dépecer Besançon trouve un écho dans les interrogations de Dominique Schauss sur la « position de la capitale régionale : s'il n'y a qu'une capitale (sous entendu Dijon), il y aura une perte d'emplois et de services à Besançon ». M Schauss suggère d'envisager la métropole Rhin-Rhône... Gérard Magnin, personnalité qualifiée au titre du développement durable, est optimiste : « l'avis est remarquable pour son parti pris de poser les bases d'une fondation pour aller plus loin. Y a-t-il un changement sans prise de risque ? Sans la décision rapide de Marie-Guite Dufay et François Patriat, on n'aurait pas fait tout ce travail et pris cette avance. Quant aux craintes de perte de proximité, sont-elles basées sur la géographie ou sur le manque d'attention des institutions pour les besoins où qu'ils se situent ? »

Pour Sylvain Marmier (Chambre d'agriculture), il n'y a « pas de limite à l'innovation sociale pour relier les hommes ». Il met également « en garde » contre les risques de l'autonomie financière : « c'est s'exposer à l'assumer  quand la puissance de certaines régions crée une distorsion forte. On aura besoin de péréquation. De toute façon, il faut faire la réforme, l'arbitre - l'Etat - a sifflé. Il ne faut pas remettre en cause les règles posées et que le pays commence à se réformer. On joue dans cette affaire, la crédibilité des institutions, des chambres consulaires, des syndicats, bref, du monde organisé... J'appelle à ce qu'on avance ». Daniel Boucon prévient cependant : « les conditions de la réussite, c'est le bien vivre ensemble. Si ce n'est pas là, la fusion ne sera qu'une péripétie... »

« Si on avait fait autrement, on allait à la partition de la Franche-Comté »

Au CESER, après les débats, il revient à l'exécutif de la Région de conclure. « Votre avis rencontre largement celui des élus du Conseil régional », a souligné sans rire le premier vice-président Denis Sommer. Le débat du 4 juillet ne nous a pas donné cette impression. Reste que M. Sommer tient une argumentation aussi forte que fataliste : « Si Marie-Guite Dufay et François Patriat avaient fait autrement, on allait à la partition de la Franche-Comté. La façon de travailler n'a pas été parfaite, mais à la fin, en Franche-Comté, plusieurs centaines d'acteurs se seront rencontrés... Quand on voit la situation dans le pays et le niveau des débats, je peux comprendre la réaction de nos concitoyens. Mais à un moment, un politique a dit : on y va. J'ai entendu François Favory : la réforme de l'Etat doit accompagner la réforme territoriale, les doublons Etat-Région pèsent lourd. Quand je vois que le budget de la région Franche-Comté est de 500 millions et celui de l'agglomération de Montbéliard de 200 millions, je dis que la puissance des régions est très faible. On ne pourra conduire de politique qu'à un niveau plus large. On fera des économies d'échelle pour les services de ressources humaines, l'informatique, les services transversaux, la communication... »

Des économies d'échelle ? Vraiment ?

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