Qu’est ce que l’entreprise politico-théâtrale de Dieudonné ?

Michel Briganti était à Besançon le 15 février à l'invitation du Collectif antifasciste de Besançon. Co-auteur de « La galaxie Dieudonné. Pour en finir avec les impostures », il s'est attaché à mettre en évidence les « nouvelles convergences » à l'extrême-droite.

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Pour Dieudonné lui même, monter sur scène c'est agir politiquement. Et la politique, c'est sa propre promotion, celle de ses spectacles où l'ironie, la provocation et la caricature sont censés emporter la conviction. Les dits spectaclesIl est annoncé le 9 mars à Micropolis à Besançon sont effectivement de véritables tribunes politiques. Des interventions sur internet et des campagnes électorales (tête de liste en tant qu'« humoriste révolutionnaire » en juin 2009) prolongent l'engagement de l'homme de scène. Quel engagement ? Que professe celui qui s'empare de mémoires, symboles, luttes, représentations politiques, sociales et religieuses, les manipule pour s'adresser à nos concitoyens ?

Michel Briganti est depuis longtemps attentif à l'évolution, rupture également, par laquelle Dieudonné est passé d'une gauche radicale au compagnonnage avec Le Pen, Gollnisch ou Soral. Mais un évènement l'alerte particulièrement, après d'autres, le conduit avec André Déchot et Jean-Paul Gautier à entreprendre des recherches et publier le livre déjà cité. Le 26 décembre 2008, au Zénith à Paris, Dieudonné fait monter sur scène et applaudir Robert Faurisson. Ce dernier, figure principale du négationnisme depuis 1978, inaudible en dehors de son microcosme, ne pouvait espérer meilleure publicité. Un comparse déguisé en déporté lui remet une sorte de prix. La nausée ! Au pied de la scène, l'état-major du Front national, les divers représentants de l'extrême-droite sont hilares. L'inquiétude de Michel Briganti est encore que de nombreux jeunes issus de l'immigration maghrébine sont dans la salle et que Dieudonné s'efforce de les gagner au travers un anti-sionisme dont l'antisémitisme est le vrai fondement (la plupart des soutiens du peuple palestinien refusent ce détournement).

Les « leviers » de ce que Michel Briganti appelle « l'imposture Dieudonné » sont l'exploitation de la théorie du complot, la dénonciation de l'esclavage des Noirs et l'antisémitisme au nom de l'anti-sionisme. Combinés à une propension victimaire que des agressions à son égard ont avivée, Dieudonné les actionne pour se forger un destin. Dans une interview à l'hebdomadaire d'extrême-droite Rivarol en mars 2011, il parle de son spectacle à la gloire du président iranien Ahmadinejad et de lui même : « le parcours assez étonnant d'un humoriste, le mien, depuis la banlieue parisienne en passant pas les plateau télé d'un pays sous contrôle, la France, jusqu'au salon du président iranien. » Les auteurs de « La galaxie Dieudonné » rendent compte avec précision des relations entretenues avec l'ensemble des variantes de l'extrême-droite, avec des « ethno-différentialistes » (« en guerre ouverte contre le sionisme ésotérique »), des fondamentalistes musulmans , des sectes (dont Raël pendant un temps). La dénonciation du « sionisme » par ces groupes est incontournable, c'est ce qui les rapproche. En réalité, c'est le Juif qui est désigné, comme le faisait Drumont à la fin du XIX ème siècle : « tout vient du Juif, tout revient au Juif », comme le disait Maurras plus tard : « tout paraît impossible ou affreusement difficile sans cette providence de l'antisémitisme. Par elle tout s'arrange, s'aplanit et se simplifie. Si l'on n'était pas antisémite par volonté patriotique, on le deviendrait par simple sentiment d'opportunité », puis Céline, Brasillach…

Dieudonné cultive ces relations, ces références, ne parvient pas toujours à éviter les condamnations pour injures raciales (27 octobre 2009). La liste est longue de ses outrances nauséabondes. Engagé dans une surenchère, il se justifie de façon édifiante : « il ne reste que la rigolade cinglante, le crachat. » Par delà sa personne, il est partie prenante d'une recomposition politique de l'extrême-droite. Selon Michel Briganti et ses co-auteurs il se livre à un « travail de sape » dont profite le Front national dans sa nouvelle quête du pouvoir : « symptôme d'un nouveau cycle historique dans lequel nous évoluons depuis plus de vingt-ans… en miroir, la poussée des droites nationales, autoritaires et xénophobes, à l'échelle du continent européen ».

Le Conseil constitutionnel a déclaré Dieudonné inéligible pour trois ans à partir du 8 février dernier. Candidat aux législatives en 2012 à Dreux, il n’a pas déposé ses comptes de campagne à la date limite du 17 août 2012, contrairement à ce qu’exige la loi pour les candidats qui dépassent 1% des suffrages. Or il a réalisé 1,14% au soir du premier tour. De plus, note le Conseil, il « n’a pas davantage produit une attestation d'absence de dépense et de recette établie par un mandataire financier ».

 

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