Pierre Moscovici : « Nous ne sommes pas convertis au social-libéralisme »

A Belfort, le ministre de l'Economie défend devant 300 sympathisants socialistes le travail de réforme du gouvernement qui prépare selon lui les conditions du retour de la croissance et de l'emploi. Il tape sur la droite et répond aux critiques des 40 militants CGT qui l'ont fraîchement accueilli.

Etienne Butzbach, Marie-Guite Dufay et Yves Akermann ont chauffé la salle avant l'intervention de Pierre Moscovici. Photos DB

« Je me souviens du congrès de Reims, mais nous avons maîtrisé la situation avec les primaires… Comme disait Jules César, il ne faut pas compter sur la discorde chez l'ennemi, mais sur la force en nous mêmes... » En meeting vendredi soir à Belfort, le ministre de l'Économie Pierre Moscovici n'a pas oublié de faire de la politique devant environ 300 militants socialistes qu'une quarantaine de militants CGT et Front de gauche avaient accueillis un peu fraîchement à leur montée des marches de la salle des fêtes. Ces derniers ne digèrent pas l'accord national interprofessionnel signé entre le MEDEF et trois syndicats « représentant 38 % des salariés ». La CGT veut « davantage qu'un amendement » du texte par les parlementaires qui doivent en faire une loi : « il faut tout revoir, une nouvelle négociation », résume Sabine Verdant, la secrétaire de l'union départementale du Territoire de Belfort.

Louis Gallois chez PSA et à l'UTBM
Louis Gallois, le commissaire général à l'investissement, prononçait peu avant le meeting socialiste, une conférence sur la compétitivité à l'amphitéâtre de l'UTBM (université technologique de Belfort-Montbéliard) après avoir visité l'usine PSA de Sochaux.
Ironie de la situation, y assistaient, Jean-Pierre Chevènement, Christian Proust et Marie-Guite Dufay. Cette dernière est bien la seule responsable politique à avoir participé aux deux réunions... 

Pierre Moscovici répondra à la fin de son discours d'une phrase : « J'ai été reçu par délégation très courtoise de la CGT qui combat l'accord, mais il permettra d'assurer la sécurisation des  emplois en donnant de la souplesse… » Fermez le ban. Auparavant, il avait fait de la pédagogie de l'action gouvernementale, assumant les débats y compris les contradictions internes à son camp : « Nous les socialistes, avons le goût pour l'introspection, les idées, les débats d'idées. C'est notre fierté, notre marque de fabrique. Nous ne sommes pas comme la droite, enrégimentés et avec le culte du chef. Il ne faut pas oublier ce que furent les années Sarkozy, ne pas oublier les dérives ultralibérales, le pays abaissé… » 

« L'héritage » de dix ans de droite...

C'est de bonne guerre, il parle de l'héritage qui aggraverait une situation rendue difficile par la crise. « Début 2013 est très compliqué. J'ai une pensée pour ceux qui sont au chômage, dans la précarité... » En indiquant que cela fait « vingt mois consécutifs » que le chômage augmente, il en fait porter la responsabilité à d'autres : « Il y a 10 ans, quand nous avons quitté le pouvoir, la France était dans une situation meilleure que l'Allemagne… Et on nous donne des leçons : vous devez combattre le chômage, lutter pour la croissance, contre les déficits… Ils disent le contraire de ce qu'ils ont fait ! Nous avons hérité d'une situation calamiteuse. Cinq ans de François Fillon, de Jean-François Copé ont dégradé le pays… 450.000 emplois industriels disparus en 5 ans, et nous devrions tout réparer tout de suite ! »

Il explique alors les réformes en cours, la création de la banque publique d'investissement dont Ségolène Royal, qu'il cite, est la vice-présidente. Il cite Arnaud Montebourg avec qui les divergences sur le dimensionnement de la BPI sont patentes. Il défend une BPI « première banque des PME, banque des territoires, des régions, un outil nouveau dont on va avoir besoin… C'était la première proposition de François Hollande. Il y aura 40 milliards d'euros de prêts, 500 millions  de crédits. Ce sera positif pour l'économie française... »
Il a un mot pour l'Europe, assure qu'un départ de la Grèce aurait été « un recul considérable », que « l'euro est sauvé », que si la Commission européenne annonce deux ans de croissance faible, une « récession à -0,3% en 2013 dans la zone euro », elle ne touchera pas la France qui fait « moins mal que d'autres : nous ferions +0,1% alors que l'Espagne ou l'Italie auraient une récession supérieure à -1%... » Le ministre préfère en effet positiver, relativement, mais positiver quand même après avoir consenti à revoir ses propres prévisions économiques à la baisse.

« Ceux qui veulent qu'on fasse toujours plus
sont ceux qui paieraient la rigueur »

Alors il parle du pain noir que le gouvernement mangerait avant des lendemain meilleurs. « Je ne vous dis pas ça pour doucher votre enthousiasme militant, mais pour le réveiller », s'exclame-t-il. « Notre choix de politique économique est le bon, le seul, il vise la croissance, l'emploi, tout en réduisant la dette… » Dehors, la sono de la CGT redouble de vigueur. Il l'entend : « Ceux qui veulent qu'on fasse toujours plus sont ceux qui paieraient la rigueur ». Pour certains, elle est déjà là. Il sait que des électeurs socialistes en font partie, et répète sa démonstration : « Un gouvernement de gauche doit payer pour les dettes d'avant. Les moteurs de la croissance - l'investissement, les exportations et le logement - sont en panne, mais il y en a un qui marche, c'est la consommation intérieure : nous l'avons fait marcher en ramenant la retraite à 60 ans pour ceux qui ont travaillé tôt, supprimé le jour de carence… » Puis il supplie presque : « Hommes et femmes de gauche, ayez confiance dans politique menée ! L'objectif du gouvernement n'a pas changé, mais retrouver le chemin de la croissance et de l'emploi est long, pavé d'incertitudes et nous ne devons pas baisser les bras… Certes, je n'ai pas annoncé beaucoup de bonnes nouvelles, mais il faut garder l'esprit conquérant. Le pacte de croissance va maintenant produire ses effets. Les activités des banques sont enfin contrôlées pour que 2008 se reproduise pas. Plus personne ne craint un défaut de la zone euro... Mais le combat contre le déficit ne doit pas casser la croissance à court terme… Je me refuse à ajouter du déficit à la rigueur ».

« 2014 sera l'année de la reprise... »

Il demande à son auditoire de « serrer les rangs. Vous devez être les troupes de choc du gouvernement. Nous savions que ce quinquennat ne serait pas comme les autres. L'histoire de la gauche en 1936, 1981 et même 1997, débute par de grandes réformes, puis les électeurs sont désorientés… La gauche n'a jamais fait deux quinquennats de suite, mais celui-là sera à l'envers. Je sais que nous commençons par l'effort. 2014 sera l'année de la reprise... »
Il avait commencé par la politique, il y revient : « Je n'oublie pas les échéances locales que nous devons gagner, mais pas chacun dans notre coin : il faudra que vous soyez au côté du gouvernement qui devra vous entendre. Nous avons besoin que le parti nous aide. Les Français aimeraient qu'on ait des résultats magiques, mais nous faisons ce que nous pouvons… Les attaques de la droite ? Mais quelle brutalité ! quelle vulgarité ! quelle impudeur ! Vous êtes servis à Belfort… Vous savez ce qu'est cette droite ? Vous devez la combattre ! Nous serions incompétent, nous serions fous, nous ne saurions pas où nous allons ? Mais nous ne sommes pas ceux qui ont mis le pays par terre et donnent leçons à ceux qui le redressent ! Quant aux critiques à gauche, elles ne sont pas de même nature. Il ne faut pas oublier que le talisman de nos succès est l'unité… Ne laissons pas dire que nous sommes convertis au social-libéralisme ! »

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !