Municipales de Besançon : sondage ou divination ?

Combien de personnes parmi les 601 inscrites sur les listes électorales de Besançon qu'Ipsos a interrogées pour L'Est républicain et France Bleu ont répondu qu'elles voteraient pour une liste ? S'il y a autant d'abstentionnistes qu'en 2014 où ils avaient été plus de 47% au premier tour, la question est légitime : ils ne seraient que 315 sur 601 à voter… D'ailleurs, la fiche du sondage mentionne en petits caractères que les intentions de vote sont basées sur un échantillon de 300 personnes, avec une marge d'erreur faisant osciller l'écart entre 5,5 et 16,5%…

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Le sondage Ispos publié par L'Est républicain et France bleu le 16 janvier semble donner une confortable avance à la liste conduite par Anne Vignot pour l'élection municipale de Besançon. Avec 34% d'intention de vote, elle devancerait Eric Alauzet (LREM, 23%), Ludovic Fagaut (LR, 15%), Jacques Ricciardetti (RN, 10%), Claire Arnoux (LFI, 6 %) et Alexandra Cordier (ex LREM, 6%), Jean-Philippe Allenbach (Regionaliste, 3%), Nicole Friess (LO, 2%) et Karim Bouhassoun (Bisontins-Bisontines, 1%).

Une lecture critique de cette enquête doit cependant relativiser cette première impression qui a fait titrer notre confrère « Vignot : 11 points d'avance sur Alauzet ». C'est plus percutant que « Vignot : entre 5,5 et 16,5 points d'avance sur Alauzet » qui aurait été plus juste. Voici pourquoi.

D'abord, l'échantillon de 601 personnes interrogées n'est pas clairement décortiqué. La fiche du sondage n'indique pas le nombre de personnes certaines d'aller voter, mais seulement la proportion de celles-ci qui « n'ont pas exprimé d'intention de vote : 14% ». Mais qui sont ces 14% ? Sont-ils 14% des 601 personnes intérrogées, soit 84 personnes ? Ce qui signifierait que 517 personnes ont indiqué une préférence.

Ou sont-ils 14% de la part des 601 interrogées qui ont dit qu'elles iraient voter ? Comme l'abstention avait été de 47,6% au premier tour de 2014, si elle reste au même niveau cette année, seules 315 des 601 personnes interrogées participeraient au scrutin, dont 14% n'indiquant pas de choix, soit 44 personnes, ne laissant que 271 personnes ayant indiqué un choix.

La « base d'intention de vote » correspond à un échantillon de 300 cas

Peut-on sérieusement baser une enquête d'intention de vote sur un tel échantillon ? Il faut croire que oui. D'ailleurs, dans la fiche du sondage, Ipsos publie une page relative à l'intervalle de confiance ou marge d'erreur. Il y précise en petites lignes que la « base d'intention de vote » correspond à un échantillon de 300 cas.

Du coup, on a 95% de chances que le résultat d'Anne Vignot soit compris entre 31 et 37%, celui d'Eric Alauzet entre 20,5% et 25,5%, celui de Ludovic Fagaut entre 13 et 17%, Ricciardetti entre 8% et 12%... Les autres listes, notamment celles de Claire Arnoux et Alexandra Cordier, seraient, dans une fourchette intégrant l'hypothèse de résultats inférieurs à 5%, seuil nécessaire pour avoir la possibilité de fusionner avec une liste qualifiée pour le second tour.

On le voit, il y a quand même une sacrée différence entre une liste arrivée en tête avec 37% devant une seconde à 20,5%, et un rapport de force de 31% et 25,5% entre elles... On peut même faire de la fiction dans la perspective du second tour avec un total droite et centre (Alauzet, Fagaut, Cordier) oscillant entre 37,5% et 50%... Autant dire qu'Ipsos et Madame Irma jouent dans les catégories voisines du spectaculaire et de la divination.

Ce qui est en revanche certain, c'est qu'il reste moins de deux mois de campagne, exercice dans lequel excelle Eric Alauzet, de l'aveu même d'un militant EELV soutenant Anne Vignot.

En outre, on ne peut évacuer l'hypothèse de fusions entre les listes Fagaut et Cordier, voire avec celle d'Alauzet, ce qui ferait un total globalement supérieur à celui de la seule liste Vignot. Invraisemblable ? Politiquement sans doute, et peut-être même humainement. Mais quand on voit les rapprochements LREM-LR-UDI-MODEM dans plusieurs villes, on se dit que l'hypothèse ne peut être écartée. Qu'on songe à Dole où le maire sortant Jean-Baptiste Gagnoux (LR) a obtenu l'investiture de LREM, ou Lons-le-Saunier où LREM soutient Christophe Bois, adjoint au maire Jacques Pélissard (LR) lui-même récemment décoré de la Légion d'honneur par Emmanuel Macron.

On verra si on est pleine fiction, ou si s'opère la réunions des droites, dont la macroniste, à l'occasion de l'entre deux tours des municipales... Resterait, et ce ne serait pas une mince affaire, à l'expliquer aux électeurs qui ont cru un temps voter à gauche en choisissant LREM… Car une campagne électorale, c'est surtout l'occasion de parler politique, projets, personnalités des impétrant.e.s. L'arithmétique, c'est pour le soir du scrutin…

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