Monsieur Sun et la Cinquième République

En thèse de droit public, Sun Xiao Wei donne aussi des cours à l'université de Franche-Comté sur les institutions politiques françaises. Rencontre avec un Chinois venu à Besançon par Stendhal.

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En accompagnant sa logeuse, Catherine, dans le Haut-Doubs, Sun Xiao Wei a vu pour la première fois des vaches ailleurs qu'au cinéma, «  découvert la marche dans un pâturage ».
Arrivé en France en février 2005, ce juriste chinois de 27 ans n'était jamais sorti de son univers urbain. Il est originaire de Tianjin, ville maritime de 10 millions d'habitants au nord-est de la Chine, qu'un tramway relie à Pékin, 120 km au sud, en une demi heure... Xiao Wei décrit son pays avec « des différences fondamentales entre citadins et ruraux, même les cartes d'identité sont différentes. Un paysan déménageant en ville doit changer de statut... Les urbains ont perdu le lien avec le monde rural ».
Héritage de la Révolution culturelle ? « à l'époque, mes parents étaient lycéens, ils ont été obligés d'aller à la campagne, ont perdu de 3 à 10 ans pendant lesquels ils n'ont pas pu faire d'études. C'était une idéologie illusoire de faire table rase, de mélanger tout le monde pour faire l'égalité absolue. Mao voulait que les intellectuels ne se sentent pas supérieurs aux ruraux qui ont été envoyés donner des cours aux universitaires ».

Mais tout n'est pas blanc ou noir : « Cette génération a pris conscience de la dureté du travail de la terre. Mon père, qui était fils de grand officier, s'est senti offensé de se soumettre à l'ordre des paysans... » Xiao Wei parle de cela avec recul : « Il ne faut pas avoir les préjugés d'aujourd'hui quand on examine l'histoire... »
Il s'est décidé adolescent à venir en France, influencé par sa mère, médecin en mission au Gabon francophone. Parmi ses lectures, un livre a produit le déclic : « Le Rouge et le Noir de Stendhal m'a fait venir à Besançon. Je ne voulais pas être dans une grande agglomération, cela peut perturber les études... » Auparavant, il obtient une licence en droit, suit 500 heures de cours de français en trois mois : « La France l'exige ». Sur les bords du  Doubs, il se perfectionne au CLA pendant 18 mois avant de s'inscrire en mastère de droit public.
Aujourd'hui, il a entamé une thèse : « Je fais du droit comparé dans la fonction publique : quelle est la place de l'intérêt général ? Justifie-t-il l'existence d'une fonction publique ? » Être en troisième cycle lui permet d'être moniteur allocataire de recherche, ce qui améliore l'ordinaire du financement familial. Il encadre des travaux pratiques de droit constitutionnel : « Je connais l'histoire française depuis l'ancien Régime... Depuis janvier, on examine la Cinquième République... » Monsieur Sun, comme on l'appelle sur les bancs de la faculté, a apprivoisé les débats sur la nature de nos institutions. Et à son avis : « Je ne partage le point de vue selon lequel la Ve République serait entachée de présidentialisme. Certes, le président a renforcé ses pouvoirs, mais il ne peut rien faire sans majorité parlementaire... »
Ne croyez pas qu'il soit facile de débattre avec Sun Xiao Wei. Des Français, il a appris la rhétorique : « C'est le fondement de la démarche politique en Occident. Quelqu'un ne sachant pas trop parler ou séduire ne réussira jamais en politique. En Asie, le rituel est différent, il ne faut pas faire de discours, de harangue, de pathos. En Chine, on dit que plus on parle, moins on réfléchit. En Occident, parler, c'est aussi écrire... »
Ne tourne-t-on pas sept fois sa langue avant de parler ? « Cela n'implique pas le silence... » Et le Tibet alors ? « Il doit être libre, avec une vraie autonomie qui ressort de son identité ».
 
 
 

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