Mélenchon : «on ne s’attaque pas à la finance avec un sabre en bois mais avec une hache»

L'Internationale, bien sûr, et la Marseillaise, ont conclu mardi soir à Besançon, le meeting régional du Front de gauche dans un palais des sports quasiment plein, bruissant d'enthousiasme et rugissant de plaisir aux cris répétés de «résistance !».

L'Internationale, bien sûr, et la Marseillaise, ont conclu mardi soir à Besançon, le meeting régional du Front de gauche dans un palais des sports quasiment plein, bruissant d'enthousiasme et rugissant de plaisir aux cris répétés de «résistance !». Les organisateurs avaient tablé sur une affluence de 2000 personnes. Ils étaient aux anges en annonçant «4600 participants + 3700 connections» sur le site de campagne où l'on peut suivre les grands rendez-vous en direct. «On fait davantage que Mitterrand en mai 1981», excultait Christophe Lime, président de l'association des élus communistes et républicains du Doubs. «Un jeune du PG voyait même Mélenchon au second tour», souriait Evelyne Ternant, plusieurs fois candidate PCF aux élections locales, «mais on l'a vite remis les pieds sur terre». Jean-Luc Mélenchon aura donc placé haut la barre pour les autres candidats qui viendront à Besançon, ville où il fut étudiant et cotisant éphémère de la CGT lorsqu'il était typographe chez Néo-Typo.
La salle aura été chauffée par une très pédagogique animation de style bande dessinée vulgarisant les grandes questions économiques, sociales, politiques et environnementales. Des dessins en train de se faire par une main invisible (et pas celle du marché !) défilaient à grande vitesse pendant qu'une voix off, bien réelle, distillait les raisonnements et alignait les chiffres. Un exemple : les immigrés coûtent-ils trop cher comme le serine le FN ? Eh bien non, c'est même le contraire : ils versent 60 milliards de cotisations sociales et perçoivent 48 milliards de prestations...

Propos

Pierre Laurent : "Devant une salle comble comme ça, je sais que nous avons eu raison de faire le choix du Front de gauche. Sur ces terres ouvrières, à Peugeot, Alstom, je salue les militants communistes face à Le Pen à Sochaux. Si nous sommes unis, nous sommes la solution... à la catastrophe économique qui va entraîner l'Europe dans les drames politiques... Il ne faut plus laisser opposer le monde ouvrier au reste du monde du travail... La droite est allée jusqu'à mettre des banquiers au pouvoir. Rien ne les dérange si la loi du marché reste un dogme. Un nouveau traité européen se prépare pour le 1er mars et Nicolas Sarkozy n'a pas le courage de dire ce qu'il y a dedans..."

Clémentine Autain : "Merci Jean-Luc pour ton énergie contaminante. Si on s'y met tous, nos rêves rentrerons dans les urnes !"

Un ex adhérent socialiste, militant CGT : "je voterai quand même Hollande".
 

«Assumer l'affrontement»

Le FN et «la madame» comme Jean-Luc Mélenchon nomme Marine Le Pen en ont d'ailleurs pris largement pour leur grade durant toute la soirée. «Il faut assumer l'affrontement», a commencé Clémentine Autain, le première oratrice. Parlant après elle, Pierre Laurent, le secrétaire national du PCF, a démonté son projet de sortir de l'euro : «Nous aurions tous les marchés face à nous. Ce serait partir en leur laissant la caisse, mais nous voulons la caisse pour construire de la solidarité, la grande tradition du monde ouvrier et du travail. Le FN est la seule chance de Nicolas Sarkozy de gagner». Autrement dit, le président sortant chercherait à la faire monter dans les urnes du premier tour pour l'affronter au second...
On n'y est pas. Et comme dit François Hollande, contre le FN, «le Front de gauche fait le job». Lors de l'intermède qui précède le discours de Jean-Luc Mélenchon, une promotion est faite pour une «brochure anti FN» à télécharger, pour des livres d'arguments contre son programme.

«Tout le monde a le FMI a la maison»

Et quand le candidat arrive au pupitre, il monte au front d'emblée : «la lutte des classes, nous l'avons rencontrée ce matin à PSA ! Des personnes sont mortes de peur» en entendant les discours alarmistes sur l'économie, l'euro, la dette : «à vous de les rassurer !... Il faut chasser la finance telle qu'elle est aujourd'hui dans l'entreprise. Vaincre le productivisme parce qu'il n'est plus question de fabriquer n'importe quoi. Aujourd'hui, tout le monde a le FMI à la maison, nous voulons l'en chasser... Madame Le Pen parle de thermomètre à propos des agences de notation, mais un thermomètre c'est pour mesurer la fièvre, pas pour la filer !»
Mélenchon est vivement applaudi quand il veut «interdire les stocks options» et instaurer une «échelle des salaires de un à vingt». Il est martial, volontariste, en évoquant l'évasion fiscale : «je vais aller m'expliquer avec les Suisses, comme l'ont fait les Américains». Pédagogue, il explique d'une autre manière son projet après qu'un auditeur ait dit son incompréhension : après paiement de son impôt dans son pays d'accueil, un Français vivant à l'étranger devra payer à la France la différence qui lui resterait éventuellement s'il était resté au pays.


«Quand vous serez mieux payés, vous mangerez mieux»


Il évoque une différence avec le programme fiscal de son «camarade» François Hollande : «il fait une cinquième et dernière tranche d'imposition à 45%, mais c'était 48% sous Raffarin, 52% sous Jospin, 65% sous Mitterrand en 1981...» On connaît le projet du Front de gauche : quatorze tranches dont la dernière à 100% : «je prends tout au-delà de 360.000 euros».
Il assure que passer le SMIC à 1700 euros par mois est non seulement une mesure de justice sociale mais aussi un instrument de «relance» économique mâtinée d'écologie : «quand vous serez mieux payés, vous mangerez mieux, bio ou des produits de l'agriculture paysanne». Au pays des coopératives à comté et d'une filière qui sait partager la valeur ajoutée, on reste quand même sur sa faim : ce n'est pas à Besançon que le projet agricole et environnemental du Front de gauche sera développé.
A contrario, Mélenchon lance un appel aux «ingénieurs et techniciens supérieurs : regardez du côté des rouges, c'est votre avenir». Et il énumère les «réquisitions» industrielles que prononcerait un gouvernement FG : papeterie, raffinerie... «si vous fermez la seule usine d'acide acétique du pays, je vous poursuivrai», menace-t-il des financiers, «il faut relocaliser la production de paracétamol partie en Chine !»

«En 36, les belles personnes préféraient Hitler au Front populaire»

 Aux socialistes, après le meeting du Bourget, il lance «vous voulez l'unité mais je ne veux pas me laisser endormir. Si amère que soit la vérité, il faut l'entendre. Si François dit que son adversaire est la finance, on lui dit bienvenue au club, mais on ne la combat pas avec un pistolet à bouchon. François, si tu ne sais pas l'adresse de la finance, c'est 40 avenue de Courcelles, chez Standard and Poor's. On ne s'attaque pas à finance avec un sabre en bois mais avec une hache, parce qu'il ne feront pas de quartier. Il ne faut pas se cacher les dégâts qui ont été faits, la levée des digues entre l'UMP et le FN avec la droite populaire... Cela rejoint les belles personnes qui en 36 préféraient Hitler au Front populaire».
D'où la stratégie de «front contre front». Elle commence par la réfutation du projet de Marine Le Pen de donner 200 euros de plus par mois aux salariés en prenant «sur les cotisations sociales : elle vous prend votre montre pour vous donner l'heure ! Elle double le déficit de la Sécurité sociale !» Mélenchon n'est pas surpris qu'un responsable de l'IUMM, le patronat de la métallurgie, trouve la proposition séduisante : «ça va vraiment plaire à Madame Parisot». Alors que le SMIC à 1700 euros, c'est autre chose.
Quant à l'obsession du FN, le départ des immigrés, le candidat du FG rappelle qu' «entre 1931 et 1935, la France en a jetés 700.000, entraînant une hausse de 5% du chômage...» Il se lance alors dans une envolée lyrique qui fait chavirer ses partisans : «Nous sommes le front de la vie contre ceux qui veulent la haine et la mort. Moi, petit-fils et fils d'immigré, j'ai été accueilli par la belle Franche-Comté qui ne m'a jamais demandé d'où je venais». Il s'adresse à ses adversaires : «Vous ne referez pas la guerre que vous avez déjà perdue ! C'est nous, ensemble, qui avons fait la retraite à 60 ans, la 5e semaine de congé, avons aboli la peine de mort, avons fait la CMU, l'APA... Elle (Marine Le Pen) n'a jamais servi à rien !»
Les derniers mots de Mélenchon se veulent galvanisants : «Je dis aux belles personnes : vous avez voulu nous empêcher de rêver, nous allons vous empêcher de dormir !» Il met en garde avec humour : «quand on était à 5% dans les sondages, ils nous méprisaient, à 7%, ils luttent contre la finance, à 15% ils seront contre le capitalisme... et quand on sera à 51%, ils rejoindront notre candidat!» Il tire une leçon de Victor-Hugo, natif de Besançon comme on sait : «Les Misérables est le plus beau roman populiste, il dit que tous ceux qui tombent peuvent se relever...» Et il cite le poète : «Le pavé, on lui marche dessus, jusqu'à ce qu'il vous tombe sur la tête...»
 

Vidéo du discours de Besançon ici

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