Lons-le-Saunier, un samedi pluvieux avec les Gilets jaunes…

Le chef-lieu jurassien était samedi 27 avril un lieu de convergence de manifestants venus de tout le Jura, du Haut-Doubs et de l'Ain. Près de trois cents personnes ont parcouru la ville pour dire que le discours présidentiel ne les pas convaincus, que mobilisés depuis novembre, ils n'allaient pas lâcher maintenant…

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Il fait froid et humide ce samedi 27 avril à Lons-le-Saunier. Par moments il pleut. La météo n'a pourtant pas rebuté 250 à 300 personnes, pour certaines venues de Dole, du Haut-Bugey (Ain), de Pontarlier, Saint-Claude, Champagnole, Poligny… A l'heure dite, un cortège de 150 manifestants déboulent à14 h au lieu de rendez-vous, le place de la Liberté. Quelques minutes plus tard, le défilé a grossi en un clin d'oeil et démarre, passe rue des Arcades (ou rue du Commerce) puis pénètre dans l'hôpital dont une grande part de la population ne digère pas la disparition de la deuxième ligne de SMUR.

Une petite halte devant l'entrée des urgences est l'occasion de fustiger l'ARS : « tant que le deuxième ligne ne sera pas là, nous serons là ! L'hôpital n'est pas une entreprise, les malades ne sont pas des clients ». Un Pontissalien m'explique que les gilets jaunes du Haut-Doubs ont fait de même à l'hôpital de Pontarlier pour dénoncer le « burn-out par manque de personnel » et le projet de « supprimer 8 ou 9 postes d'infirmiers à l'hôpital psychiatrique du Granvallier ». 

« Ne nous regardez pas, rejoignez nous ! »

Bonnet phrygien sur la tête et gilet jaune sur le dos, Vincent, militant d'Attac, me glisse avoir décelé un changement de ton sur la radio de service public France culture « à propos des services publics et des privatisations ». Cours Colbert, le défilé ralentit la circulation motorisée, mais les automobilistes font souvent bon accueil aux manifestants. A des habitants regardant le cortège de la fenêtre de leur immeuble, des gilets jaunes s'adressent sur l'air des lampions : « ne nous regardez pas, rejoignez nous ! »

En connaisseur de son territoire, Vincent explique : « il y a quelques fachos discrets… Tout le monde essaye de récupérer le mouvement, y compris les syndicats, et même Mélenchon qui est un dictateur en puissance… » Des syndicalistes, on en voit quelques uns, sans sigle apparent, adhérents de la CGT ou de Solidaires. On croise de rares militants politiques, du PCF, du NPA ou de la France insoumise. Eux aussi sans signe distinctif. 

Le rond-point du Boeuf sur le toit est bloqué quelques minutes. « Je suis là depuis le début, on ne lâchera rien », me dit un jeune retraité. Evoquant une récente émission Cash investigation, sur France 2, il regrette que le président ne se soit pas « attaqué au problème du logement social ». L'instant d'après, c'est au tour de la station service de l'hypermarché Casino d'être occupée cinq minutes. Une partie des manifestants n'est pas d'accord, le dit doucement, attend que ce soit fini…

« Je n'ai rien lâché depuis le 17 novembre, je ne lâcherai pas maintenant… »

Tout le monde est à nouveau ensemble sur le boulevard Jules-ferry. Un aide soignante de l'hôpital psychiatrique de Saint-Ylie  dit sa colère : « le discours de Macron, c'est de l'enfumage total. Il ne nous a rien donné… On sera là jusqu'à ce qu'il donne du pouvoir d'achat ! Il n'a pas dit un mot là dessus… »

Une autre femme est en colère : « On m'a tout pris parce que j'étais en photo dans Le Progrès lors d'une manifestation. Je faisais de l'accueil périscolaire pour le Grand Dole et quelques jours avant que mon contrat n'ait pas été renouvelé le chef m'a dit que je m'affichais dans le journal… Mon APL a baissé de 30 euros parce que ma prime pour l'emploi a augmenté de 40 euros… Je vis avec 560 euros par mois. Je n'ai rien lâché depuis le 17 novembre, je ne lâcherai pas maintenant… Puisque Macron ne veut pas nous entendre, on continue à se faire entendre, mais je me demande si être pacifique sert à quelque chose. Il y a aussi avec nous des gens qui ne sont pas dans le besoin : ils pensent aux générations futures, les anciens se sont battus, il faut prendre la relève… »

Le carrefour suivant est l'occasion d'une nouvelle et brève halte. Dans les voitures ralenties, des gens sont hilares, d'autres applaudissent, certains font la gueule. Voilà le carrefour de la rocade et de la gare SNCF, lui aussi bloqué quelques instants. A aucun moment, les forces de l'ordre, discrètes, peu nombreuses, mais visibles, n'ont eu un seul geste violent à l'égard des manifestants qui ne leur ont montré aucune hostilité. 

« Le peuple se fait voler, il y a l'évasion fiscale et tout ce qu'on ne voit pas »

Un petit groupe de gilets jaunes poursuit sur la rocade jusqu'au rond-point de Perrigny, escorté d'une voiture de police, tandis que le gros des troupes retourne au centre-ville, non sans une halte d'un instant devant la préfecture. Ce n'est pas la première fois que les trajets divergent. Une militants lédonienne m'explique : « il y a les occupants de deux ronds-points, l'Union en lien avec le niveau national, les réunions du dimanche… Les décisions des uns et des autres ne sont pas toujours partagées… » 

Une petite femme remontée m'aperçoit prendre des notes et me fonde dessus en pointant mon carnet : « écrivez bien que les parlementaires, c'est des menteurs… J'en ai ras le bonnet phrygien ! J'ai travaillé 20 ans en usine, 10 ans en maison de retraite, 13 ans dans les vignes, j'ai fait 5 ans de ménage puis 2 ans à Juratri pour avoir une retraite potable… Je suis passé de 1200 euros de retraite à 900 euros avec Macron… » Militante du NPA, Aline n'a rien perdu du propos et n'y croit pas : « 300 euros en moins, c'est un problème, on va voir ça… »

Cet ouvrier de 45 ans, tourneur-fraiseur, veut pour sa part « montrer qu'on n'est pas content… Il y a 20 ans, je vivais bien avec un smic… Aujourd'hui, il y en a qui bossent et vont à la CAF pour avoir la prime pour l'emploi et se font passer pour assisté : ce n'est pas top pour aller travailler ! Le peuple se fait voler, il y a l'évasion fiscale et tout ce qu'on ne voit pas. Il faut montrer qu'on est là, mais pas faire chier, ne pas faire plus de trois minutes de blocage : c'est par le nombre qu'on peut gagner… »

Dans la foule qui se disperse, beaucoup se donnent rendez vous pour mercredi 1er mai…

 

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