« Tout spéculateur organisé peut mettre à genoux un des pays du sud de l'Europe, dont la France, et changer ainsi notre politique économique » c'est Jean-Marie Cavada qui le dit. Promoteur du fédéralisme, le député européen et président du Mouvement européen dit ne pas avoir de tabou. « L'heure est grave, la crise financière est devenue économique. Aujourd'hui elle est sociale, demain elle sera peut être politique et mettra en cause le cadre démocratique. » Surtout, selon lui, il est impératif de rétablir les comptes publics, « le temps des cigales est terminé ! Mais il faut procéder sans brutalité. » Que proposent donc les fédéralistes, sachant qu' « on ne peut maintenir les Etats dans la seule rigueur » ? Un grand emprunt à l'échelle de l'Union européenne garanti par celle-ci et tablant sur la richesse et l'épargne privée des pays du nord. Cet emprunt servirait « à l'investissement uniquement et non au fonctionnement, dans les biotechnologies, les nanotechnologies, les transports concentrés de l'énergie, les industries numérique, satellitaire, nucléaire. Il faut renforcer un axe de transports est-ouest dans l'espace européen. » La conviction des fédéralistes européens est que ce n'est qu'à l'échelle continentale que l'on peut faire face aux puissances de la Chine, des Etats-Unis, du Brésil et d'autres. Mais pour cela il faut encore organiser les pouvoirs européens. Jean-Marie Cavada regrette que « l'Union européenne ait été désertée par les grands politiques et que la technocratie se soit engouffrée dans ce vide. » Il reconnaît donc le rôle de cette technocratie bruxelloise, mais dénonce aussi « ces dirigeants nationaux qui se réunissent, décident ou ne décident pas et se défaussent sur Bruxelles comme pour la suppression récente des aides alimentaires dans le budget européen ».
« Un projet d'union unique dans l'histoire »
Alexandre Desrameaux qui enseigne les finances publiques et les idées politiques à l'Université de Franche-Comté, redit que l'Europe est « un projet d'union unique dans l'histoire car il est fondé sur le droit et non sur la force ». Jean-Marie Cavada convoque aussi l'histoire pour rappeler la diversité des peuples, de leurs langues, de leurs cultures. « L'Europe est un espace de civilisation » mais, selon le député européen, « ça n'est pas un hasard si l'idée européenne a trouvé sa réalisation cinq ans après la guerre la plus destructrice jamais connue. » « La sagesse de la peur » serait son principal fondement. L'enthousiasme des fédéralistes est donc mêlé d'une crainte originaire. Le député européen reconnait cette « ambivalence dangereuse du projet européen ».
La défiance vis-à-vis des institutions européennes, peut-être même de toutes les institutions, s'exprime aussi dans la salle. Elle est vive, passionnée et tend à captiver par l'ampleur de ce qu'elle dit révéler. Rapidement elle peut céder au complotisme qui nie la complexité, fustige, accable et rassure à bon compte en présentant un homme ou une femme providentiel(le). Pour l'intervenant de la soirée, qui peine à formuler un propos écrit à l'avance, le doute n'existe plus et l'objectif est d'abord de révéler : la banque Goldmann Sachs dirige le monde et tout s'explique ainsi définitivement.
« Il faut l'Europe sociale »
A un interlocuteur qui pointe le dumping fiscal et social à l'intérieur même de l'Union, Jean-Marie Cavada répond : « tout le débat doit être là. Il faut cette égalité et supprimer ce qui dans les traités permet la compétition fiscale et sociale. » Pourquoi alors a-t'on si vivement défendu la concurrence libre et non faussée ? Jean-Marie Cavada est-il déjà en campagne, prenant en considération la désaffection des peuples pour l'Europe telle qu'elle est ? Il soutient : « Il faut l'Europe sociale pour garantir l'évolution positive des retraites et de la sécurité sociale (au prorata de la richesse nationale de chaque pays) et un filet de protection contre le chômage. Il faut un Etat fédéral avec un véritable budget européen, actuellement 1,7% du produit intérieur brut, alors que celui de l'Etat fédéral américain est de 30%, et un contrôle démocratique du parlement qui aurait l'initiative législative. » A la question de la crise (conjoncturelle) ou du déclin (structurel), Jean-Marie Cavada confie : « je pense que la France n'est malade que de son système politique jacobin et sur-administré. » Comment s'en remettre alors à une Europe dont le peuple et la souveraineté sont encore introuvables ?