Les mouvements sociaux s’invitent au conseil municipal de Besançon

Une dizaine de Gilets jaunes ont interrompu la séance pendant 5 minutes, dénonçant les violences policières à leur encontre et l'insuffisance des réponses présidentielles. Votant contre l'ouverture des commerces six dimanches par an, les groupes PS, PCF et EELV ont une nouvelle fois mis en minorité le maire et LREM, renforcés par toute la droite. En vain car c'est l'agglo qui décide...

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Ils ont sagement attendu que chaque président de groupe ait prononcé quelques propos préliminaires, exceptionnellement accordés par Jean-Louis Fousseret « au vu de la situation actuelle ». Après une minute de silence en hommage aux victimes de l'attentat de Strasbourg, quelques heures avant que son auteur soit abattu par une patrouille, Jacques Grosperrin (LR), Thibaut Bize (PCF), Nicolas Bodin (PS), Anne Vignot (EELV) et Laurent Croizier (MoDem) ont dit leur « émotion », se sont « associés aux condoléances », voire dénoncé (Bize) le « commerce avec l'Arabie Saoudite ».

Ils ont également commenté, assez diversement, le mouvement des Gllets jaunes. Grosperrin pour affirmer que « les maires doivent être en première ligne face aux colères sociales » et assurer à Fousseret : « nous sommes à vos côtés face aux tentations populistes ». Bize pour souligner : « Les mobilisations de Gilets jaunes, des lycéens ou des universités ont un fond commun depuis plusieurs années et prennent des formes qu'on peut regretter, mais comment peut il en être autrement quand les mobilisations des années précédentes n'ont pas abouti ? » Croizier pour délivrer « un message aux Gilets jaunes : leur place n'est pas samedi place de la Révolution, mais autour d'une table, discutez avec les élus, laisser le centre-ville vivre... »

A peine avait-il fini que parmi le public, une dizaine de personnes se sont levées, certaines ont enfilé une gilet jaune tandis qu'un militant, par ailleurs syndicaliste Force ouvrière, prenait résolument et calmement la parole, interrompant de fait la séance : « On est pacifistes et on est violentés... » Jean-Louis Fousseret reprend la parole : « J'ai conscience de ce que vous dites, des réponses ont été apportées ». Les Gilets jaunes ne sont pas convaincus, le militant insiste : « On est non violent et on se fait taper dessus. Les gens ne sont plus écoutés par personne... » Jean-Louis Fousseret joue l'apaisement : « Je suis prêt à vous recevoir ». Une jeune femme lui répond : « Pas besoin de délégation, France 3 a toutes les images... »

« Les anciens sont maltraités dans des services publics déglingués »

Le maire essaie à nouveau : « je ne peux pas interrompre le conseil... » Les Gilets jaunes ne lâchent pas : « On se fait gazer, taper dessus. On a vu aucun élu sur les ronds points », dit le syndicaliste. « Si vous demandez une rencontre, je vous recevrai », répète Fousseret. « C'est nous qui vous attendrons », dit une jeune femme. Le militant FO reprend : « Les gens ne peuvent plus vivre dans ces conditions, ne peuvent plus se soigner, les anciens sont maltraités dans des services publics déglingués. Les gens n'en peuvent plus. Il y a une grande souffrance, la classe politique doit l'entendre ».

La jeune femme prend le relai, évoque le niveau de la pension adulte handicapé, les travailleurs « sous le seuil de pauvreté ». Son camarade reprend le témoin : « Sur les ronds points, si des gens viennent après leur travail, ce n'est pas pour s'amuser. Ce qu'a proposé le président n'est pas suffisant. C'est important de ne pas répondre par le mépris, par la violence policière. Un Gilet jeune vient d'être interpellé à Saint Vit alors qu'il était non violent... » Un autre ajoute : « les gens qui donnent leur nom, on leur met la pression... »

Tous les élus écoutent, le maire a quitté son siège et s'est approché... Il propose un rendez-vous pour lundi. Pas sûr que les Gilets jaunes acceptent : « On ne viendra pas en délégation, on est arrêté après... Ceux qui donnent leur nom, on leur met la pression, on leur enlève des points de permis... » Leur message passé, ils acceptent de quitter la salle mais expriment la crainte que la police ne les interpelle en sortant. Grand seigneur, Jean-Louis Fousseret répond : « Sortez sans crainte. Vous ne serez pas arrêtés, je m'y engage... »

« Tout ce qu'on nous a vendu est un échec »

Un autre mouvement, vaincu dans la durée par des évolutions législatives successives, dont une certaine loi Macron du 6 août 2015 portant de cinq à douze par an le nombre de dimanches où les commerces peuvent ouvrir, a quant à lui refait surface à l'occasion de l'avis que doit donner le conseil municipal sur une décision revenant in fine au conseil d'agglomération. La proposition était de pouvoir ouvrir six dimanches dans le commerce de détail, l'horlogerie et l'automobile. Elle a été repoussée par 27 voix contre et 23 pour. On a ainsi vu l'ensemble de la gauche de l'ancien monde (PS, PCF, EELV) réunir une majorité de voix, face au maire et aux deux parlementaires réunis dans un attelage LREM-LR-UDI-MoDem qui n'est peut-être pas de de circonstance.

C'est Christophe Lime (PCF) qui lançait l'offensive : « Aujourd'hui, un tiers des salariés travaillent le dimanche, les deux tiers de temps un temps un samedi, on peut s'interroger sur les arguments du développement de l'emploi et du pouvoir d'achat des salariés du commerce qui sont nombreux au Smic, où beaucoup de femmes sont à temps partiel imposé. Quand on voit le plan social s'annonçant à Carrefour, la suppression de l'intéressement et de la participation, les salariés gagnent moins qu'il y a dix ans. Tout ce qu'on nous a vendu est un échec ».

Jean-Louis Fousseret invoque « la demande des consommateurs ». Christine Werthe (LR) est favorable à l'ouverture dominicale « si cela a du sens de travailler plus, s'il y a une dynamique de groupe pour ces opérations avec animations et concerts. Les ouvertures n'auraient aucun sens si les rues restent vides ». Le sénateur Jacques Grosperrin (LR) se veut « pragmatique » à l'heure où « les gens achètent jour et nuit sur Amazon » et estime qu'il faut « arrêter de développer des grandes structures commerciales ».

« Très peu d'organisations syndicales ont répondu à l'invitation, si elles l'ont reçue... »

Philippe Mougin (LP) est « abasourdi » de la proposition : « alors que les Gilets jaunes se battent depuis six semaines, aller plus loin dans l'ouverture du dimanche serait déraisonnable. Il ne faut pas faire plus que six, douze ce serait de la régression sociale ». Il s'abstiendra. Laurent Croizier (MoDem) n'est « pas spécialement favorable à l'ouverture du dimanche » et aimerait qu'on fasse « en sorte que ce soit au bénéfice du salarié avec une vraie majoration  ». On lui souhaite bien du courage pour imposer cette idée alors que le temps de travail est annualisé...

Nicolas Bodin (PS) « regrette le manque de concertation : très peu d'organisations syndicales ont répondu à l'invitation, si elles l'ont reçue... » Il reprend l'argument des temps partiels féminins et pose l'enjeu à un autre niveau : « voulons nous une société où l'on passe son temps devant les vitrines ? » Quant à Anne Vignot (EELV), elle met en cause les « déplacements, la plus grande dépendance à la voiture et la précarité » qu'induisent les ouvertures du dimanche... »

Goguenard, Jean-Louis Fousseret se souvient que « quelques uns ici » ont eu un autre vote les années précédentes. Sans les nommer, il songe à ses anciens camarades du PS, dont un membre, Thierry Morton, est adjoint au commerce et vote contre la proposition, comme son groupe. Une fois le vote acquis, Fousseret fait une sorte de bras d'honneur à ceux qui l'ont encore mis en minorité lors d'un vote non décisionnel : « Je ne m'en réjouis pas, mais ça ne changera rien car c'est l'agglo qui décide ».   

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