Les militants insoumis sur le marché de Levier !

Dans ce territoire traditionnellement conservateur où l'on parle rarement politique en public, cela n'avait rien d'évident pour les militants du Haut-Doubs d'aller à la rencontre des gens. Mais les thèmes des services publics et des transports sont porteurs et il ne faut pas pousser les retraités pour qu'ils parlent de la CSG...

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Ce n'est pas une vraie caravane comme annoncé. Une caravane allant de ville en ville, et même plusieurs, simultanées, comme la France insoumise en a organisé l'an dernier pendant la campagne législative, visitant notamment les quartiers populaires avec un certain succès. Cette fois, c'est un peu comme si les Insoumis du coin avait posé leur caravane sur une place de marché d'un bourg de leur territoire, Levier en l'occurrence. Les uns vont en vacances pas très loin de chez eux, les Insoumis du Haut-Doubs continuent à militer là où ils vivent...

Bien sûr, ils sont en campagne électorale, enfin en pré-campagne européenne. Après quelques péripéties, quelques secousses internes ressenties à l'extérieur, le processus de validation de la liste touche à son terme. Celle-ci devrait être finalisée d'ici la fin juillet. Pour l'heure, trois Francs-Comtois y figurent dont deux possibles élus : Gabriel Amard, troisième homme et Anne-Sophie Pelletier, cinquième femme, qui a rendu célèbre la lutte de l'Ehpad des Opalines de Foucherans 5jura), ont de réelles chances de siéger à Strasbourg. La locale du coin, Laurence Lyonnais, née à Lons-le-Saunier et habitant Frasne, est un peu plus loin...

La pression immobilière et foncière exercée par le phénomène frontalier...

A Levier, la petite place de la massive mairie accueille trois étals : un marchand de fruits et légumes, un boucher et un fromager. On est venu du village, mais aussi des alentours. C'est une alternative de choix à la supérette implantée à l'extrémité de la petite agglomération. Le commerce local a quasiment disparu : « le dernier restaurant va fermer, mais on peut faire quelque chose, on va le reprendre avec l'Etablissement foncier du Doubs, comme ça s'est fait à Frasne et Arçon », explique le maire Guy Magnin-Feysot, adhérent du mouvement.

« On ne peut le faire que s'il n'y en a plus qu'un, sinon une intervention publique serait considérée comme de la distorsion de concurrence », souligne Laurence Lyonnais. Le dispositif, créé par l'ancien président socialiste du Doubs, Claude Jeannerot, est applaudi par tous les bordes politiques. « C'est bien pour les communes qui peuvent rembourser sur dix ou quinze ans, ça leur permet d'être réactives... » C'est indispensable dans ce Haut-Doubs hyper sensible à la pression immobilière et foncière exercée par le phénomène frontalier. 

Reste qu'on ne parle pas facilement politique, notamment en public, dans ce territoire de moyenne montagne marqué le catholicisme. « Les questions qu'on pose, on les connaît déjà un peu. Ce sont les services publics, les transports », dit Martine Ludi qui est venue de Jougne. A Levier, on s'est d'ailleurs battu pour le bureau de poste. « Il n'y a plus que la banque postale qui intéresse la Poste. Elle voulait même fermer notre mini centre de tri qui emploie sept ou huit facteurs sur place. Ça a failli aller à Pontarlier, on a manifesté, fait une pétition, on le conserve trois ans de plus... », explique le maire.

« Des gens travaillant en France ne peuvent plus se loger en zone frontalière... »

Côté école, le bourg ne souffre pas trop : « on accueille beaucoup de gens travaillant en France et pouvant plus se loger en zone frontalière. Un lotissement de 40 parcelles va se lancer et ça construit sur des terrains privés. Ça contribue au maintien des effectifs de l'école », ajoute-t-il. Reste que les besoins en matière de garde, de culture, de services... sont désormais les mêmes à la campagne qu'en ville.

Pendant ce temps, les militants entreprennent les gens qui font leurs courses. Ceux-ci, ou plutôt celles-ci, engagent  volontiers la conversation, d'autant qu'elle porte sur les aspects très concret d'un questionnaire national du mouvement. Il passe au crible différents services publics (école, bibliothèque, poste, gendarmerie, médecin, hôpital , maternité, commerces de proximité) en fonction du temps de transport pour les joindre ou de la nécessité ou non d'y aller en voiture.

« Plus de la moitié des gens le remplissent, prennent un café et discutent », se réjouit la bisontine Claire Arnoux. « On est bien accueilli », ajoute Anne-Sophie Pelletier. « Même par les gens dont on sent qu'ils ne sont pas de notre bord quand ils nous répondent "surtout pas" mais certains viennent quand même prendre un café », précise Claire Arnoux.

Laurence Lyonnais se souvient que tout le monde, au sein du mouvement, n'était pas forcément chaud : « il faut oser être sur la place du village, mais ça marche, d'autant que les gens nous disent qu'il n'y a plus de lieu de rencontre, plus de café dans le centre... »

« On refait ça quand ? »

Une dame d'un certain âge s'est approchée et remplit le questionnaire consciencieusement tout en bavardant avec Hélène, la fille du maire, étudiante à Besançon. Que pense la dame du contexte politique ? « Je perds presque un mois de pension avec la CSG, 800 euros... Macron, c'est un banquier... Je découvre que le maire est France insoumise, c'est bien de s'intéresser à la classe moyenne... Le FN dit parfois tout haut ce qu'on pense, mais la France insoumise est plus proche des gens. Ce parti là n'aurait jamais touché aux retraites... J'ai travaillé à 17 ans, travaillé à la CIT-Alcatelune usine de Pontarlier aujourd'hui fermée qui employa jusqu'aà 1300 personnes... puis dans un foyer de vie, cotisé 43 ans... » Juste avant, un homme encore jeune avait raconté ses soucis de recherche d'emploi, ses démarches dans le vide, son ressentiment...

Dispersés dans le Haut-Doubs, les insoumis ayant fait le déplacement sont ravis. Frédéric Pascalon, forestier dans le Jura et syndicaliste, est venu en voisin. Tout comme Catherine, une enseignante pontissalienne à la retraite, ou Claudie, venue de Belfort pour apprendre et « être capable de faire la même chose chez moi ».

Avant de passer à table dans l'unique restaurant, celui qui doit fermer bientôt, Martine Ludi lance à la cantonade : « On refait ça quand ? » 

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