Les 35 heures ont coûté 12.800 € par emploi créé quand un chômeur en touche 12.744

C'est l'un des arguments sur lesquels s'appuie le rapport parlementaire rédigé par Barbara Romagnan pour considérer que les lois Aubry ont été « la politique de l'emploi la plus efficace et la moins coûteuse depuis les années 1970 ».

barbara_romagnan3

« Les lois Aubry de réduction du temps de travail à 35 heures par semaine ou 1.600 heures par an, ont créé 350.000 emplois et ainsi contribué à réduire le chômage. Elles ont coûté, par an, 2 milliards d’euros aux entreprises et 2,5 milliards d’euros aux administrations publiques, soit un peu plus de 12.800 euros par emploi créé, à comparer avec l’indemnisation nette moyenne d’un chômeur qui s’élèverait à 12.744 euros par an en 2011. C’est la politique en faveur de l’emploi la plus efficace et la moins coûteuse qui ait été conduite depuis les années 1970 ». On peut lire cette petite phrase dans la conclusion du rapport parlementaire sur le bilan des lois Aubry de 1998 et 1999, rédigé par la députée Barbara Romagnan, et publié par le site d'Alternatives Économiques, consultable ici.

Bilan qualitatif mitigé pour les femmes peu qualifiées

Le rapport fait également état d'une enquête de la DARES soulignant un bilan qualitatif positif pour 59,2% des salariés concernés contre 12,8% le jugeant négatif. L'évaluation est d'autant plus positive que la réduction du temps de travail s'appliquait aux cadres : amélioration des conditions de travail pour 72,5% des femmes et 64,9% des hommes, dégradation pour 8% des femmes et 6,7% des hommes). Si beaucoup de cadres ont apprécié « une plus grande liberté dans la gestion du temps (...), l'exigence de disponibilité permanente qui a résulté, pour certains, de la mise en place du forfait-jours neutralise en grande partie les bénéfices de la réduction du temps de travail ». La situation est beaucoup plus contrastée pour les moins qualifiés : amélioration pour 40,2% des femmes et 57,2% des hommes, mais dégradation pour 20,4% des femmes et 15,4% des hommes.

Ce que la rapporteure traduit par : « les salariés les moins qualifiés ont pu souffrir du développement de la flexibilité que la loi sur les 35 heures a rendu possible. Plus que toutes les autres catégories socioprofessionnelles, les salariés non qualifiés ont pâti de l’accroissement de la polyvalence ainsi que d’une moindre prévisibilité des horaires de travail. Parmi eux, 40% des femmes non qualifiées n’auraient tiré "aucun bénéfice" de la réduction du temps de travail, selon la sociologue Mme Dominique Méda ». Barbara Romagnan souligne aussi qu' « intensification du travail et parfois souffrance » ont pu être la conséquence d'une « application de la loi peu fidèle à son esprit initial ». Par exemple « lorsque les temps de pause ou d'échange ont été recalculés au lieu d'être sanctuarisés ».

Le rapport n'oublie pas « les difficultés spécifiques » des hôpitaux en raison de recrutements trop tardifs, comme l'avait souligné Lionel Jospin lui-même lors de son audition par la commission d'enquête.

« L'amélioration du climat de confiance »

Selon la rapporteure, la croissance supérieure en France au reste de la zone euro peut en partie être mise sur le compte de « l'amélioration du climat de confiance » qu'aurait connu la France grâce à la création de 350.000 emplois du fait des 35 heures. La croissance économique n'étant plus là, Barbara Romagnan suggère de s'appuyer sur l'exemple de l'Allemagne et de son « dispositif de chômage partiel appelé Kurzarbeit, qui constitue une forme de réduction subie mais négociée du temps de travail, [et] a largement contribué à la sauvegarde des emplois outre-Rhin, notamment dans le secteur industriel. Ainsi, malgré la crise et le recul du PIB allemand de 5,1% en 2009 contre 2,7% en France, l’Allemagne a conservé ses emplois quand la France en a perdu 280.000. Au plus fort de la crise, 1,5 million de salariés allemands ont bénéficié du dispositif de chômage partiel pour un coût de 6 milliards d’euros pour l’État fédéral – contre 275.000 en France pour un coût de 600 millions ».

Préserver la hiérarchie des normes

Et maintenant ? Outre l'évocation des 32 heures, la mention de l'articulation vie privée-vie professionnelle, l'évaluation pluri-annuelle du temps de travail, l'épanouissement personnel et la compétitivité de l'économie française, le rapport estime nécessaire une « clarification des rôles respectifs de la loi et de la négociation dans la définition des normes sociales », la rapporteure se prononce pour le maintien, voire le retour, à une hiérarchie des normes plaçant la loi au-dessus du contrat : « quel que soit le niveau de développement de la négociation finalement retenu, la fixation de normes via celle-ci doit et devra s’inscrire dans le respect d’un ordre public social selon lequel il est possible de modifier des dispositions législatives relatives au droit du travail par un accord collectif, mais uniquement pour les améliorer ».

Plaçant le mouvement de réduction du temps de travail dans « l’histoire des sociétés industrielles et post-industrielles [qui] donne à voir un mouvement conjoint de développement technique, d’enrichissement individuel et collectif et de réduction du temps consacré aux tâches productives », Barbara Romagnan estime que « rien, dans les évolutions récentes, ne vient justifier qu’un tel mouvement s’arrête aujourd’hui ».

 

 

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !