Le parti socialiste se gagne par la gauche… Et les élections ?

Coup double pour la première fête de la rose de Saint-Didier, dimanche 6 septembre près de Lons-le-Saunier : le nouveau premier secrétaire fédéral du PS du Jura, Marc-Henri Duvernet, a tourné la page Christophe Perny en invitant Gérard Filoche, tandis que Marie-Guite Dufay lançait la campagne des élections régionales des 6 et 13 décembre.

rosefiloche

Le parti se gagne par la gauche... Cet adage socialiste, aussi curieux qu'il puisse sembler depuis le virage libéral impulsé par François Hollande et Manuel Valls, s'était vérifié lors du congrès de Poitiers. Il avait fallu le soutien de Martine Aubry, sensée être une caution de gauche, pour que la motion Cambadélis que soutenait l'exécutif, l'emporte. Que la maire de Lille se rapprochât des frondeurs aurait pu faire basculer la direction du PS... dans l'opposition au gouvernement, et aurait entraîné une crise politique d'ampleur. 

Le parti se gagne à gauche. C'est ce que s'est probablement dit en son for intérieur Marc-Henri Duvernet, le nouveau premier secrétaire fédéral du Jura. Signataire de la motion D de Karine Berger, Marco, comme l'appellent ses camarades, a réussi ce qu'on appelle un joli coup. Après la débâcle des élections départementales qui ont fait enregistrer à l'éphémère majorité socialiste une sévère défaite et conduit son président Christophe Perny à quitter le Jura comme enduit de goudron et de plumes, tout était à reconstruire. A vrai dire, la fragilité du PS jurassien remonte à plus loin. Certains se souviennent que la direction d'un autre jeune premier fédéral, le prometteur conseiller régional Benjamin Gaillard, s'était terminée devant les tribunaux.

De la motion B aux centristes de Force démocrate

Marie-Guite Dufay : « économie de la qualité, solidarités, responsabilité »

« Je suis fière de pouvoir dire que j'ai fait ce que j'avais dit. » Un bilan ne fait pas une élection, mais la présidente de la région Franche-Comté, n'entend pas en faire l'économie. Surtout en Franche-Comté où, « avec l'arme de la formation, nous avons inventé en 2008, avec les partenaires sociaux, le concept de former plutôt que chômer. C'est 15.000 salariés que nous avons aidés à ne pas devenir demandeurs d'emplois. C'est une différence importante entre la gauche et la droite ».
C'est aussi en Franche-Comté que « François Hollande est venu chercher le contrat de génération » dont Martine Aubry, que soutient Mme Dufay, doutait tant lors de la primaire socialiste fin 2011... Elle parle « sécurisation de l'intérim : sur deux ans, des salariés en CDI sont en formation quand ils n'ont pas de travail : la droite ne l'a pas voté avec nous... C'est comme l'économie sociale et solidaire : pour la droite, c'est un machin, alors que pour nous, c'est une vraie économie, vertueuse, qui ne cherche pas le profit, quand la droite dit que c'est de l'assistance ». Derrière elle, Pierre Grosset, directeur de Juratri à Conliège, hoche la tête.
Elle reproche aussi à la droite de ne pas avoir voté le programme d'aide à la rénovation thermique des logements. Le clin d'oeil appuyé est pour l'électorat vert. D'ailleurs, des discussions ont lieu avec EELV, qui a prévu de présenter des listes autonomes, dans la perspective d'une fusion entre les deux tours. Des contacts existent aussi avec les communistes, ce qui gêne les négociations entre le PCF et le PG, engagé dans le Rassemblement citoyen...
Marie-Guite Dufay répond aussi aux critiques, dont les nôtres, selon lesquelles elle s'est précipitée – avec François Patriat – pour anticiper la construction de la grande région : « l'avance que nous avons prise » aurait empêché le démantèlement de la Franche-Comté. Elle veut convaincre que la Bourgogne-Franche-Comté, « première région industrielle, est capable de répondre aux défis du monde, avec ses géants de l'énergie du Creusot et de Belfort qui pourront participer à l'électrification des pays en développement ».
Elle voit, « à la lumière de la crise de l'élevage que le modèle agricole n'est pas en Bretagne, mais dans l'économie de la qualité créée ici et qui ne s'appuie pas sur les diktats de la finance, mais sur une économie soucieuses des hommes et des femmes... » Cette « économie de la qualité » est son premier « mot d'ordre ». Le second traite des solidarités, sociale avec les « partenaires sociaux et les syndicats », mais aussi « territoriale » : « partout, dans les villes, bourgs et villages, il y a des initiatives à accompagner avec une autre organisation que la centralisation à Dijon ou Besançon... »
Son dernier mot d'ordre est « la responsabilité ». Une triple responsabilité environnementale, politique et gestionnaire. Il s'agit d'« assurer la transition écologique de nos modes de vie, de transport ou de consommation en s'appuyant sur les énergies renouvelables ». Mais aussi à faire vivre la démocratie : « je sens bien le fossé entre le monde politique et la masse des citoyens qui ne comprennent plus »... Elle n'en dira pas davantage. Quant à la gestion, elle entend défendre « une politique par la preuve plus que par les mots : la Franche-Comté est la région la mieux gérée de France ». D'ailleurs, la dette double de la Bourgogne était l'une des craintes exprimées lors de l'annonce de la fusion. C'est aussi un argument à double tranchant...

Le parti se gagne par la gauche, par le coeur et avec des chansons comme Le Chiffon rouge ou Le Temps des cerises, interprétées par la militante haut-jurassienne Marie Dumont-Girard, voire Les Anarchistes de Léo Ferré ou La Montagne de Jean Ferrat, et même On lâche rien de Zebda, l'hymne des manifs syndicales d'aujourd'hui que la sono de la première fête de la rose de Saint-Didier a scandées plusieurs fois dimanche 6 septembre. Il se gagne aussi par les valeurs, d'où la présence de Gérard Filoche, ténor de la motion B et constant critique du détricotage du Code du travail.

Il se gagne enfin avec l'unité, à tout le moins son apparence, en montrant sur la même tribune la présidente comtoise et candidate burgondo-comtoise Marie-Guite Dufay, le premier vice-président de Bourgogne qui coordonne la campagne Michel Neugnot, signataires de la motion A, le radical de gauche Didier Martin, et le centriste du Front démocrate Yohan Pimentel qui rappelle que son aïeul Manuel Pimentel-Sanchez participa avec le POUM au Front populaire espagnol pour se battre contre le fascisme.

Car l'heure est grave pour le peuple de gauche. Le désamour pour les dirigeants du pays n'est pas une vue de l'esprit. Marc-Henri Duvernet le sait bien qui lâche en forme de boutade : « il y a encore des socialistes de gauche ! » Marie-Thérèse Grappe, l'une des participante à la fête, résume la situation de beaucoup de sympathisants : « quand on est socialiste, on l'est de coeur, et même si la politique menée n'est pas assez à gauche, on vote socialiste... » A l'entendre, le parti se gagne aussi sur la personnalité des responsables : « Marc-Henri a de l'avenir, il a de bons rapports avec les gens, c'est l'opposé de Perny qui est hautain ».

« Tant qu'à perdre des points dans les sondages, autant faire une politique de gauche ! »

Bernard, ingénieur en retraite, non encarté au PS, est venu parce qu'il a « vraiment beaucoup de sympathie pour Marc-Henri ». Bernard est de ceux qui trouvent « loufoque » le projet de Center parcs de Poligny : « on va tout massacrer... » Yves Serrière vient de créer la nouvelle section locale du PS à Saint-Amour où il est conseiller municipal : « on en a marre de voir le gouvernement se faire bâcher ». Jean-Louis Duprez, socialiste et syndicaliste CGT, n'est pas mécontent d'être là : « Marco redonne des perspectives ».

Il y a aussi Jean-Claude Wambst, l'ancien maire de Dole balayé l'an dernier par la vague bleue avec tant d'autres : « Tant qu'à perdre des points dans les sondages, autant faire une politique de gauche », ironise-t-il. Président des élus socialistes du Jura, il est de ceux qui ont oeuvré pour que la fédération change : « Je suis plutôt pondérateur, je cherche du liant quand il y a un  conflit, mais je suis convaincu qu'il faut que ça bouge tout en préservant l'union ». Il en voit « la preuve par une fête comme celle-ci où les gens se disent qu'ils ne sont pas seuls. Il faut repartir à la base... »

On croise aussi Jean-Paul Gardère. Mandataire de la motion B et militant CGT, il a signé l'appel pour le Rassemblement citoyen, la nouvelle formule d'organisation hors parti qui se construit avec pas mal de militants du Parti de gauche, mais pas seulement : « Je suis dans tout ce qui fait avancer le monde du travail ». De fait, il est de ceux qui maintiennent un lien, même ténu, entre le PS et la galaxie éclatée à sa gauche.

« La droite a le culte du chef, mais ça ne fonctionne pas »

Au micro, Marc-Henri Duvernet tape dans le mille : « l'union de la gauche est difficile quand on est au pouvoir, elle est indispensable dans les territoires face à une droite dure ». Son propos est simple : « tout n'est pas parfait, mais tout est beaucoup mieux que sous la présidence de Nicolas Sarkozy, dans l'Éducation nationale comme dans les collectivités territoriales... La droite a le culte du chef, mais ça ne fonctionne pas. La gauche, c'est la démocratie participative, et le PS ne peut gouverner seul car on n'a jamais raison tout seul ». La transition est trouvée pour ce qu'il appelle le « forum de la gauche ». Autrement dit, l'expression de diverses sensibilités, on l'a vu, de la gauche du PS au petit Front démocrate qui navigue entre anciens du MoDem, des Verts et et des sociaux-démocrates... Son représentant, Yohan Pimantel est surtout là pour « dire à Sauvadet : vous n'avez pas tous les centristes ».

La mémoire de la Résistance et du 25 avril 1944
Michel Junier est « fier » d'être le maire de Saint-Didier, « haut lieu de la Résistance » jurassienne et village martyr depuis les représailles allemandes du 25 avril 1944 : huit morts, onze maisons brûlées, 200 déportés... Michel Junier célèbre « l'accueil, l'entraide, le souci de l'autre » comme autant de « valeurs de gauche » qui perdurent encore aujourd'hui dans la commune.

Le radical de gauche Didier Martin, conseiller municipal de Dijon, admet qu'il y a encore « des inégalités que nous n'avons totalement gommées », plaide pour la « réconciliation de la gauche avec elle-même et avec la France ». Il  vise la gauche radicale (« Qui est atteint de macronite tombera dans la mélenchonite »), défend la procréation médicale assistée pour les couples de femmes et rappelle les droits de l'homme sur le sujet des « migrants » sans prononcer le mot « réfugiés ».

« Salariés, je vous aime, j'ai davantage confiance en vous que dans des fonds de pension pour payer ma retraite... »

Quand Gérard Filoche s'avance au micro, il est applaudi avant même d'avoir ouvert la bouche. « Rien de grand ne s'est fait dans ce pays sans la gauche dont la base sociale est le salariat », commence-t-il avec un bref historique dont les grandes dates sont 1936, 1945, 1981, 1997, les congés payés, la réduction du temps de travail, l'augmentation des salaires, la retraite par répartition : « Salariés, je vous aime, j'ai davantage confiance en vous que dans des fonds de pension pour payer ma retraite... »

Sans doute trois femmes têtes de listes départementales en Franche-Comté
Les adhérents socialistes sont invités à se prononcer jeudi 17 septembre, de 17 à 22 heures, partout en France, sur les sections départementales des listes de candidats aux régionales... Un horaire qui conduira peut-être à un léger décalage du conseil municipal de Besançon, prévu ce jour-là à 17 h...
Marie-Guite Dufay, tête de liste régionale, conduira quoi qu'il en soit, la liste du Doubs. La vice-présidente sortante à l'éducation et à la culture, Sylvie Laroche, tient la corde pour conduire la liste du Jura. En Haute-Saône, le choix sera difficile entre le premier secrétaire fédéral Loïc Niepceron et le maire de Lure Eric Houley. Tous deux sont conseillers régionaux sortants. La nouvelle première fédérale du Territoire de Belfort, Maude Clavequin, devrait conduire la liste.   

Il dit son « respect » pour les entreprises, distingue les « 80% qui sont des sous-traitants » des « mille qui font 50% du PIB du pays et décident de tout, choisissent la finance au détriment de tous. Ces mille sont le Medef, il faut s'en prendre à elles plutôt qu'à l'Etat, elles n'utilisent pas l'argent public qu'on leur donne pour créer de l'emploi... » D'un exemple, il défend la relance par la consommation : « On a 6,1 millions de chômeurs et 9 millions de pauvres... S'il y avait de meilleurs salaires, il n'y aurait peut-être pas de crise de la viande. Quatre vingt sept hommes sur la planète possèdent plus que la moitié de l'humanité : c'est la barbarie... »

Il parle fraude fiscale, scandale Lux leaks, se paie Jean-Claude Junker qui « nous pique 100 milliards et nous demande d'équilibrer nos budgets » ! Sa conclusion est simple : « si on était unis, forts, convaincus, ils n'oseraient pas, il n'y aurait jamais de Michel Combes », le patron quittant Alcatel avec 13,7 millions... Il exhorte à ne pas désespérer : « en 1934, les fascistes étaient pire que la blondasse d'aujourd'hui et en 1943, disait Maurice Kriegel-Valrimont, si on m'avait dit qu'il y aurait le programme du CNR deux ans plus tard, on m'aurait pris pour un fou ».

« Dire à Angela Merkel l'exaspération de l'austérité et de l'étouffement par la dette »

Il finit sur le code du Travail, « un texte qui est écrit sur l'histoire, nos luttes, nos larmes : sans les 35 heures, on aurait 500.000 chômeurs de plus... Le code du Travail, c'est ce qui permet d'encadrer, d'empêcher la sur-exploitation... » Pourquoi rester au PS, lui demande-t-on quand il descend de la tribune ? « Je fais comme Jeremy Corbyn », dit-il dans un sourire... Par la gauche, on vous dit.

A sa suite, Michel Neugnot ne s'appesantit pas sur les désaccords qui séparent Filoche du gouvernement : « On n'est pas toujours d'accord, mais on est capable de s'entendre et de débattre. Alors qu'on a des problèmes quand des partenaires n'arrivent pas à contenir leurs débats dans leur enceinte, ou avec l'ancien camarade Mélenchon qui a la stratégie de reconstruire la gauche sur un PS mourant ». Il préfère dénoncer François Sauvadet, le chef de file de la droite, qui, en inaugurant 150 ans après un oubli de Napoléon III, la statue de Vercingétorix à Alise-Sainte-Reine, ferait peu de cas de ceux des Jurassiens pour qui Alésia est à Chaux-des-Crotenay, ou de ceux des Doubiens qui la situe à Alaise... « C'est symbolique, mais ça résume bien », lâche le premier vice-président de l'actuelle région Bourgogne. Autrement dit, l'état d'esprit de conquête de la Franche-Comté par la droite bourguignonne...

Marc-Henri Duvernet reste quant à lui sur la ligne critique qui plait aux militants : « résister se conjugue au présent : nous les enfants de la concurrence libre et non faussée n'avons pas été assez vigilants. Ce modèle n'est pas bon quand un Français sur cinq renonce à se soigner. Sommes nous assez socialistes pour l'accepter ? » Dans l'assistance, un grand « non ! » lui répond. Il poursuit en indiquant vouloir que « la gauche réformiste mette l'accent sur la transformation sociale ». Il donne du « chers amis écologistes », du « chers amis communistes », du « chers amis radicaux » pour les enjoindre de faire avec eux la fiscalité écologiste, mettre en place des contreparties sociales des aides aux entreprises, inscrire la loi de 1905 dans la Constitution... Il dit même à ses « chers amis démocrates » qu'il faut « dire à Angela Merkel l'exaspération de l'austérité et de l'étouffement par la dette ».

Le parti se gagne par la gauche... Et les élections régionales ?

 

 

 

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