La tentation autonome du Front de gauche bisontin

Trois des quatre composantes du Front de gauche sont pour une liste de premier tour aux municipales, les communistes sont partagés et décideront en octobre. Les écologistes aussi sont traversés par les doutes : aller seuls ou avec le PS ?

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Jean-Louis Fousseret sera le candidat des socialistes bisontins à sa propre succession en mars prochain. La procédure de désignation interne au PS renvoie la décision formelle à l'automne, mais on voit mal qui pourrait contester son leadership. D'ailleurs, à chaque conseil municipal, c'est en patron qu'il se positionne. Et en combattant savourant d'avance la joute à venir avec des oppositions dispersées, écartelées même entre une UMP qui paraît vouloir se donner à Jacques Grosperrin, ce qu'on annonce pour la fin du mois de mars, et une UDI que conduira Philippe Gonon élu sous la bannière du MoDem en 2008.
Le danger, pour le maire sortant, peut cependant venir de sa gauche davantage que de sa droite. Que feront le Front de gauche et les écologistes dont les élus sont depuis plusieurs mandats ses alliés ? Depuis 1977, les communistes sont dans la majorité municipale, mais les militants sont aujourd'hui partagés et se prononceront en octobre. Vont-ils continuer d'être une force d'appoint du PS avec trois conseillers municipaux, dont un adjoint, qui mettent en avant un bilan ? Vont-ils cultiver la stratégie plus radicale du Front de gauche qu'ils constituent, à Besançon, avec les Alternatifs (deux élus dans la majorité actuelle), le Parti de gauche et la Gauche anticapitaliste ? Cette seconde hypothèse conduit à une liste autonome. Pour l'heure, « PG, GA et Alternatifs sont pour une liste indépendante », explique Georges Ubbiali, l'un des animateurs de la GA.

Rendez-vous le 24 mai après des instances nationales

De cela, les composantes du Front de gauche ont débattu le 9 mars lors d'une assemblée générale où « chacun a donné son avis », dit Evelyne Ternant (PCF). Après le congrès du PG ce week-end, puis un conseil national du PCF en avril, les partenaires se retrouveront le 24 mai pour « ébaucher un travail programmatique et aborder les questions stratégiques : quel second tour et quelle alliance avec le PS, puis quel premier tour », ajoute celle qui conduisit une liste PCF-MRC-PRG aux élections régionales de 2010. Pourquoi le second tour avant le premier ? Elle répond par des questions  loin d'être anodines : « sommes-nous d'accord pour constituer une majorité avec le PS ? Pour avoir des élus, être dans l'exécutif ? Ce sera la décision des communistes en octobre : ils auront le choix entre une alliance de premier tour avec le PS ou une liste Front de gauche avec l'ensemble des conditions du consensus trouvé ».
Est-ce la quadrature du cercle ? La gauche non socialiste réussira-t-elle à s'entendre ? Peut-on imaginer une liste Front de gauche sans le PCF ? « Ce serait gênant », admet Emmanuel Girod, le porte parole du Parti de gauche. Sur ce point, il met en avant les membres du Front de gauche « non encartés » dans un parti. Evelyne Ternant aussi : « ils sont associés dans le comité d'agglomération qui réunit les treize comités locaux - quartiers en ville, cantons en périphérie - dont les référents sont majoritairement non encartés ». Bref, la décision, si elle est formellement dans les bulletins de vote des communistes, est largement anticipée et préparée hors du PCF, et même hors des partis constituant le Front de gauche...

15,46% pour Mélenchon à la présidentielle,
10,45% aux législatives pour le Front de gauche

En filigrane de ces tractations et discussions, on suppute les chances d'une telle liste d'obtenir un résultat permettant de peser sur les conditions d'une fusion d'entre deux tours avec le PS  : « Entre 5 et 10%, on ne pourra pas dire grand chose, mais au-delà de 10%, beaucoup de choses seront possibles », analyse Emmanuel Girod en rappelant que le Front de gauche a obtenu 10,45% aux législatives sur Besançon après que Jean-Luc Mélenchon eut réalisé 15,46%. Certes, une municipale est différente, « mais l'aspect national va compter », veut croire M. Girod.
Déjà tarabiscotée, l'équation est complexifiée par les voix s'élevant parmi les écologistes pour une indépendance de premier tour. Eric Alauzet milite clairement pour une alliance avec le PS : c'est un juste retour des choses pour celui qui a été élu député dans le cadre d'un accord PS-EELV. « On ira peut-être avec le PS, mais plus on avance, plus se pose la question de notre expression autonome », dit un militant sous couvert d'anonymat, tant les décisions collectives issues de débats nourris sont dans la culture verte. Quoi qu'il en soit, le parti se prépare à toute éventualité : « c'est évident que le PS construit son projet, mais nous aussi. On verra s'il y a convergences ou divergences, ça posera le cadre de la discussion », estime pour sa part la conseillère régionale Anne Vignot, co-animatrice de la réunion de préparation des municipales du 9 mars.

Un débat-forum sur l'éco-socialisme le 6 avril

Les écologistes se préparent en tout cas à leur manière : un site internet de consultation de la population devrait être en ligne d'ici la fin du mois, après quoi « on sera en pleine maîtrise de ce qu'on aura à proposer au début de l'été ». Et si les uns pensent à une liste totalement verte, d'autres regardent du côté du Front de gauche, forts du travail en commun sur des dossiers ou certaines luttes sociétales. A l'évidence pas sur le nucléaire, cher à de nombreux communistes, mais ces derniers évoluent. « L'écologie est au coeur de la transformation sociale et économique », assure Evelyne Ternant, « ça ne veut pas dire qu'on a changé de position sur le nucléaire : on est pour la sortie, mais pas dans un horizon très court. Il faut quand même envisager le renouvellement des centrales qu'on ne peut pas garder, on a besoin de débats sur ces questions... »
La question nucléaire sera sans doute au programme du forum-débat du Front de gauche du 6 avril prochain puisqu'un des quatre ateliers sera consacré à l'énergie et au logement...  Son titre, « L'Urgence de l'écosocialisme », sera-t-il de nature à jeter un pont vers les écologistes ? Emmanuel Girod veut y croire et met en avant le témoignage d'un élu d'Aubagne qui a « mis en place la gratuité des transports ».
Ce petit monde à gauche du PS s'inquiète-t-il du niveau de la droite que certains prédisent élevé ? Evelyne Ternant est d'accord : elle a davantage de chances que la dernière fois, « surtout s'il y a des appels du pied du FN à Grosperrin... Je n'exclus pas un FN à plus de 10%, il y a une poussée énorme, on la sent quand on distribue des tracts, on sent la colère des gens qui disent "tous pourris, la prochaine fois on change..." Croire que l'échec des socialistes bénéficie au Front de gauche n'est pas très juste... » Emmanuel Girod redoute plutôt « une forte abstention ».    


 

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