La résistible ascension de Marine Le Pen à Besançon

Il serait exagéré de parler de vague bleu marine à Besançon. En voix, la candidate FN retrouve tout juste le niveau de son père il y a dix ans. Elle fait surtout moins que le total FN-MNR en 2002.

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Il serait exagéré de parler de vague bleu marine à Besançon. En voix, la candidate FN retrouve tout juste le niveau de son père il y a dix ans : il en avait obtenu 6111 en 2002 (14,2% des exprimés, 9,8% des inscrits), elle ne fait pas mieux avec 6150 suffrages (11,9% des exprimés, 9% des inscrits). Elle fait surtout moins que le total FN-MNR (7008 voix), Bruno Mégret ayant obtenu 897 voix en 2002 (2%). Certes, elle augmente le score 2007 de Jean-Marie Le Pen (4135 voix, 7,6% des exprimés, 6,1% des inscrits), mais est loin du vote d'extrême droite de 2002 quand Lionel Jospin avait été éliminé du second tour. 

Le FN prospère en milieux péri-urbain et rural
 
Si en milieu urbain, et particulièrement à Besançon, le vote FN plafonne, il continue son ascension dans le péri-urbain et le rural. Jean-Marie Le Pen était en tête en 2002 à Burgille avec 43 voix sur 183 exprimés, sa fille le reste avec 82 voix pour 291 exprimés. Ce village situé à 20 km au nord-ouest de Besançon a vu sa population croître rapidement et les inscrits passer en dix ans de 253 à 357. Et la proportion d'électeurs frontistes a augmenté de 23,5% à 28,2% des exprimés, de 18,2% à 23% des inscrits.
Pas bien loin de Burgille, Jallerange, impacté par le chantier de la ligne à grande vitesse, avait placé Chirac en tête en 2002. Cette fois, c'est Marine Le Pen la première après qu'elle a plus que doublé les voix de son père : 17 il y a dix ans, 45 dimanche dernier, soit 31%. C'est comme si la majorité des nouveaux électeurs (36 inscrits et 36 exprimés de plus) l'avaient choisie... 
Champlive est un paisible village du premier plateau à forte population ouvrière travaillant chez Bost, à Laissey. Son corps électoral stable (de 181 à 185 inscrits) avait placé Chirac (41 voix) devant Jospin (30) et Le Pen (23) en 2002. La fille arrive aujourd'hui devant avec 55 voix, devant Sarkozy (51) et Hollande (33). Sarkozy fait à peine plus que Chirac + Madelin, Hollande fait moins que Jospin + Chevènement + Taubira. Il y a de fortes chances que la majorité des 23 électeurs supplémentaires par rapport à 2022 aient voté Marine Le Pen...  
A 20 km à l'est de Besançon, Pouligney-Lusans avait placé Jean-Marie Le Pen en tête en 2002 avec 100 voix (+20 pour Bruno Mégret), loin devant Chirac (67) et Jospin (38). Cette année, avec 68 inscrits et 58 votants de plus, sa fille récidive avec 130 voix, devant Sarkozy (121), Hollande (110) et Mélenchon (55).
A Quingey, petit chef-lieu de canton dont le conseiller général maire, Jacques Breuil, est un soutien d'Arnaud Montebourg, Jean-Marie Le Pen était également arrivé en tête en 2002 (107 voix), devant Chirac (86), Jospin (69) et Chevènement (64). Marine Le Pen améliore sensiblement le résultat de son père (153 voix), mais elle n'est que troisième en raison du moindre émiettement, derrière Sarkozy (171), Hollande (158) et devant Mélenchon (68). Reste qu'elle a certainement capté une grande part des 126 électeurs supplémentaires.
Ce cas de figure se retrouve dans d'autres communes où le FN, en tête en 2002, augmente son nombre de voix cette année, très légèrement son pourcentage, mais passe en troisième position. Il avait 87 voix et 20,3% à La Rivière-Drugeon (village du conseiller général PS du canton de Pontarlier, Christian Bouday), il en obtient 104 et 21%. A Roche-lez-Bauprés, dans la proche banlieue de Besançon, il passe de 210 à 254 voix, de 19,4 à 19,6%. A Pouilley-Français, il passe de 70 à 107 voix, de 20,1% à 22%... Deuxième en 2002 à Montferrand-le-Chateau avec 226 voix (19,6%), il est troisième cette fois avec 267 voix (21%)... Il n'y a guère qu'à Mouthier Hautepierre où il perd en dix ans la moitié de ses 42 voix de 2002...
 
Ce 22 avril 2012, les trois bureaux de vote où Marine Le Pen a fait ses meilleurs résultats sont situés dans des quartiers populaires où elle n'est nulle part en tête. Le bureau 209, Rosemont, situé dans le quartier de Saint-Ferjeux où habite le maire Jean-Louis Fousseret (PS), a fourni le plus fort total de suffrages (173) avec une abstention moindre que sur l'ensemble de la ville : 20,4% contre 23,2%. Ce n'est pas le meilleur pourcentage d'exprimés pour le FN (18,1%), mais c'est bel et bien le meilleur en pourcentage d'inscrits : 14,2%. 
Le pourcentage d'exprimés le plus important se situe dans le bureau 602, maternelle Picardie à Planoise, le seul qui dépasse 20% sur la ville, 20,6% très exactement, mais "seulement" 13,2% des inscrits en raison d'une abstention importante : 34,8%. Entre les deux, le bureau 607, l'un des trois de l'école Fourrier, également à Planoise, donne un bon résultat à Marine Le Pen : 119 voix et 19,1% des exprimés, mais 12,6% des inscrits, l'abstention étant à 24,97%.

Tassement de l'extrême droite

 
Ces trois situations montrent des différences sensibles. Elles présentent aussi des similitudes si l'on observe les résultats des élections présidentielles de 2002 et 2007. Pour cela, il faut considérer le score de Jacques Chirac en 2002 et celui de Nicolas Sarkozy en 2007. 
A Rosemont, Marine Le Pen a fait 11 voix de plus que son père dix ans plus tôt. Mais si on y ajoute les 19 voix de Bruno Mégret (MNR), elle fait finalement moins bien : 173 voix au lieu de 181. Comme dans le même temps le nombre d'inscrits a augmenté de 132 et le nombre de votants de 209, l'extrême droite enregistre un tassement en dix ans : 24,2% des exprimés et 16,6% des inscrits en 2002 contre 18,1% et 14,2% dimanche... 
Même observation dans les deux autres bureaux. Le total FN+MNR était de 200 voix à Picardie en 2002, soit 27,5% des exprimés et 16,9% des inscrits en raison d'une abstention de 38,5%. Cette année, la fille Le Pen fait 159 voix alors qu'il y a 24 inscrits et 38 votants de plus, soit 20,6% des exprimés et 13,2% des inscrits avec une abstention moindre que lors de l'élimination de Jospin : 34,8%. A Fourrier, il y avait 114 voix en 2002 pour les deux candidats d'extrême droite, il y en a 119 cette année, là encore avec une participation en nette augmentation : 559 votants en 2002, 632 cette année, ce qui a fait chuter l'abstention de 40,6% à 25%.

La hausse de la participation
a profité à la gauche

 
Premier enseignement : l'augmentation de la participation entre 2002 et 2012 dans ces trois bureaux de vote populaires n'a pas profité à Marine Le Pen. Entre temps, le record de participation de 2007 avait surtout profité à Nicolas Sarkozy qui avait aussi récupéré une bonne partie des voix FN-MNR de 2002. A Rosemont en 2007, le FN chutait de 74 voix quand Sarkozy (278 voix) faisait plus que doubler le score de Chirac (125), mais est-ce une coïncidence s'il perd cette année le nombre exact de voix gagnées par Marine Le Pen : 69 ? A vérifier sur un autre bureau ! 
A Fourrier, Le FN fait 33 voix de mieux et Sarkozy en perd 77 ! A Picardie, le FN fait aussi 33 voix de plus quand Sarkozy en perd 113 ! La déperdition du président sortant se fait manifestement dans d'autres directions que l'extrême droite. Dans deux des trois bureaux, François Hollande fait un peu moins de voix que Ségolène Royal il y a cinq ans : - 16 à Picardie, - 33 à Fourrier, mais + 11 à Rosemont. 
Quant à la gauche non socialiste (FG+ExtG+Verts), elle fait + 24 voix à Picardie, + 47 à Fourrier, + 46 à Rosemont. Et si l'on compare avec les résultats de Jospin, Taubira et Chevènement en 2002, on réalise que ce sont bien de nombreux électeurs de gauche qui s'étaient alors abstenus : 219 voix à Picardie en 2002, mais 340 pour Royal en 2007 et 324 pour Hollande. 227 à Fourrier en 2002, mais 299 pour Royal et 266 pour Hollande. 213 à Rosemont en 2002, mais 300 pour Royal et 311 pour Hollande...

Sarkozy perd 38% de
ses électeurs planoisiens de 2007...

 
L'analyse politique doit alors reprendre ses droits : c'est l'échec de Sarkozy qui a tant promis à la frange des classes populaires qui s'était portée sur lui et voit repartir de nombreux déçus, voire écœurés,  de leur vote de 2007. Le président sortant avait 1688 voix il y a cinq ans à Planoise, il n'en a plus que 1041, soit une perte sèche de 647 voix (38%) quand Le Pen gagnait dans le même temps 237 voix. 
Cette tendance d'une résistance des quartiers populaires bisontins à l'extrême droite se vérifie également à Battant, vieux quartier populaire situé entre le centre-ville et la gare. Souvent qualifié de "bobo" par les journalistes, il n'en est pas moins un quartier que la part de logements sociaux et la répartition des revenus conduisent à classer dans les quartiers populaires. C'est cependant un quartier à la vie associative riche, inséré dans la cité et y jouant un vrai rôle de lien social bien que non exempt de petits trafics et d'"incivilités". 

...et 29% dans le quartier Battant

 
Eh bien Battant reste le quartier le plus à gauche de la ville : Hollande y a obtenu 33,9% (25,8% des inscrits), suivi de près par Mélenchon avec 31,3% (23,8% des inscrits) et de très loin par Sarkozy avec 12,7% (9,65% des inscrits). Avec 110 voix (6,9% des exprimés, 5,3% des inscrits), Marine Le Pen en a fait 18 de plus que son père en 2007 et 51 de moins que le total FN-MNR de 2002 (13,4% des exprimés, 8,9% des inscrits). Elle a pour une fois devancé les écolos, Eva Joly ne faisant que 100 voix, en retrait sur Voynet+Bové (142 en 2007) et Mamère (188 en 2002). Et Sarkozy ? Avec 202 voix, il en perd 84 (- 29,4%) par rapport à 2007 où il avait presque doublé le score de Chirac en 2002.
 
 
 

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