La Haute-Saône se déclare « hors Tafta »

Après Besançon, le Conseil régional, les chambres d'agriculture et une dizaine de communes comtoises, les élus haut-saônois de gauche et de droite ont voté à l'unanimité une motion contre le traité transatlantique. Michel Weyermann (PS) veut « freiner les ardeurs de la mondialisation », Frédéric Burghard (LR) craint « une agriculture moins respectueuse de la nature ».

Après que le vote du Parlement européen sur le TAFTA ait été reporté au 7 juillet après des craintes de rejet le 10 juin, le conseil départemental de la Haute-Saône a adopté une motion (texte ici) déclarant le département « hors Tafta », plusieurs mois après que l'aient fait le conseil régional et la ville de Besançon, pour n'évoquer que les collectivités les plus importantes. Le plus surprenant est que cette motion, qui a davantage une valeur symbolique qu'une portée juridique, a été adoptée à l'unanimité, les élus de droite s'y associant.

Premier vice-président du département, Michel Weyermann (PS), raconte la genèse du texte qui remonte à la campagne électorale « active » du début de l'année qui a vu la gauche conserver son seul bastion franc-comtois : « Pendant la campagne, on a été interrogés sur le sujet plusieurs fois par des militants de gauche, des alternatifs, des agriculteurs proches de la Confédération paysanne... On avait répondu que nous serions attentifs et qu'on serait du côté de ceux qui sont contre le Tafta, pour lequel le gouvernement ne trouve pas de majorité... On défend notre cancoillotte et notre saucisse de Montbéliard... »

« On a des actions dans les collèges sur le manger local »

Olivier Rietmann : « si on ouvre les marchés de la viande, ce sera une catastrophe »
Le conseiller départemental de Haute-Saône a convaincu ses collègues de droite de voter la motion plaçant symboliquement le département « hors Tafta » proposée par la majorité socialiste.
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Après les élections, Michel Weyermann et le président Yves Krattinger ont rédigé le texte en tenant compte des enjeux haut-saônois : « On a des actions dans les collèges sur le manger local, on est un département rural, et tout cela n'est pas très éloigné du débat sur les OGM, des grandes entreprises qui font la loi sur la planète. Plus globalement, politiquement, on est dans une mondialisation très libérale. A chaque fois qu'on peut en freiner les ardeurs, on est dans ce camp ».

Le vice-président feint la surprise devant le vote des élus de droite : « peut être qu'ils ont entendu la même chose que nous de la part des agriculteurs... » En effet ! C'est ce que confirme Frédéric Burghard, le président du groupe de l'opposition de droite et du centre : « On en a discuté du texte au sein du groupe où on a des agriculteurs, Fabienne Richardot et Olivier Rietman, qui exprimaient des craintes d'un nivellement par le bas ou sur la qualité des produits. L'accord USA-Europe favoriserait une agriculture moins respectueuse de la nature, qui tendrait à utiliser des OGM et autres produits pas forcément  souhaitables sur nos territoires... Ils ont cité la course à la baisse des coûts de production, par exemple sur le marché de la viande. Ça amènerait les éleveurs à utiliser des techniques voisines de celles utilisées en Amérique latine... »

Une évolution notoire...

On se souvient qu'une motion analogue avait été portée par les seuls élus écologistes du conseil régional. Lors de sa première présentation en février 2014, le texte n'avait pas pu être examiné en raison de l'absence de quorum : les élus de droite s'étaient retirés après avoir annoncé ne pas participer au vote et quelques socialistes avaient quitté l'hémicycle... Quelques mois plus tard, le quorum était atteint, mais seuls les écologistes votaient la motion, les socialistes s'abstenant en raison du caractère « non opérationnel », autrement dit, non juridiquement contraignant, d'une motion.

La gauche plurielle qui gouverne Besançon n'a pas eu ses pudeurs et a adopté une motion de défiance à l'égard du TAFTA en février 2014. Les chambres d'agriculture du Doubs-Territoire de Belfort et du Jura ont également voté des motions analogues. Au moins une douzaine de communes de la région se sont déclarées hors Tafta, en vigilance ou demandent un moratoire sur les négociations entre l'Union européenne et les USA. 

Force est de constater une évolution notoire, parmi les socialistes mais aussi à droite, sur un projet qui n'a longtemps pas été un sujet. En visite aux USA, François Hollande suggérait d'aller vite avant que des « incompréhensions » n'entravent les négociations. Mais le président américain, s'il vient de remporter deux victoires politiques avec l'approbation par la Cour suprême de la couverture santé et du mariage gay, a enregistré un échec devant la chambre des représentants sur le TAFTA. L'opposition à la libéralisation absolue des échanges et au transfert de la souveraineté juridique à des tribunaux privés existe des deux côtés de l'Atlantique...

 

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