La dignité

Ne sommes-nous pas, non à l'instant où les Athéniens s'atteignirent, mais à celui où leur exigence politique atteint enfin les Européens ? Passons sur le credo de Jean-Claude Junker selon qui « il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ».

Ne sommes-nous pas, non à l'instant où les Athéniens s'atteignirent, mais à celui où leur exigence politique atteint enfin les Européens ? Passons sur les tenants non grecs du « oui » qui s'en sont pris à celui qui a osé organiser un référendum, même après son implacable résultat : ils ont un problème avec la démocratie. Ou ont fait leur le credo de Jean-Claude Junker selon qui « il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ». Passons sur les contradictions de ceux qui disent « respecter » l'expression des Grecs tout en expliquant qu'elle ne change rien : ils accréditent la thèse selon laquelle, si la dictature c'est ferme ta gueule, la démocratie, c'est cause toujours.

Que les socio-démocrates allemands évoquent l'urgence humanitaire dans laquelle est plongée la Grèce, est peut-être un signe que, finalement, un message leur est parvenu, mais ils sont aussi durs que la chancelière. On ne sait pas si la suggestion de « convertir la dette en investissements »  présentée dans le Monde diplomatique par des économistes post-keynésiens, et présentée tant à Tsipras qu'à Hollande, a des chances d'être entendue. Elle a le mérite de proposer une issue à la crise, de sortir de la spirale infernale d'une dette qui n'en finit pas de gonfler tout en condamnant un pays à courir à grands pas vers le moyen-âge.

Cela est-il acceptable pour les adeptes de l'économie-casino de laisser l'argent, le nôtre à ce qu'ils disent en pensant très fort que tout leur appartient, aller vers la production de biens utiles à la satisfaction des besoins humains essentiels plutôt que dans les paradis fiscaux ? Les arbres ne montent pas jusqu'au ciel, rappelaient les boursicoteurs américains de la fin du XX° siècle. 

Peut-être sommes-nous à ce stade où la politique, qui n'est pas seulement l'art de conquérir et conserver le pouvoir, mais aussi celui de s'occuper des affaires communes, doit reprendre le pouvoir qu'elle consent depuis trop d'années au monde de la finance. Sans doute, ce dernier n'aime pas recevoir des leçons de dignité. Mais est-il bien digne de la liberté sans limite que les dirigeants lui ont accordée ? Est-ce encore viable longtemps d'accepter que seulement 2% des échanges financiers de la planète correspondent à des échanges de véritables biens et services ? On sait ce que font les 98% restants : ils spéculent, déconnectés du monde réel, guidés par des ordinateurs surpuissants programmés pour jouer sur tous les tableaux, des systèmes de protection sociale aux cours des denrées alimentaires de base.

La démocratie peut-elle contrôler les automates du monde de la finance ? Elle le doit ! Il y a du boulot ! En Europe, c'est un petit pays représentant 2% de la richesse économique qui a commencé par s'y coller, réalisant une union politique interne - sans les néo-nazis d'Aube dorée - qui fait penser à la coalition qui portait, dans la France de 1944, le programme du Conseil National de la Résistance !

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