Jura : la droite veut faire table rase du passé

Enfin presque. Elle charge la gestion de Christophe Perny et décide d'un gros emprunt de 20 millions pour « solder le passé » en remontant jusqu'au mandat 2008-2011. Mais elle prolonge son action sur l'aéroport de Tavaux et le Center parcs de Poligny.

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La dernière session du Conseil départemental du Jura, vendredi 26 juin, a méthodiquement et littéralement tenté de « solder » le passé. Autrement dit les quatre ans de gouvernance socialiste qui, à entendre l'écrasante majorité de droite (28 sièges contre 6 à la gauche), auront constitué une parenthèse à refermer au plus vite. D'ailleurs, le logo fushia qui avait remplacé en 2011 une carte verte et bleue, va bientôt rejoindre les oubliettes de l'histoire, poussé par un sobre graphisme travaillé en interne, et non sous-traité pour bien montrer qu'on est économe. 

On veut aussi faire porter à l'équipe précédente tous les maux de la politique en la faisant passer pour mauvaise gestionnaire utilisant ce que Clément Pernot appelle le « pousse dette ». Il assure que le Département avait une ardoise de quelque 16 millions d'euros envers les communes, communautés de communes et autres syndicats mixtes ou intercommunaux. L'exemple le plus flagrant est cette subvention de 840.870 euros votée par le Département mais jamais versée au Syndicat de développement touristique de la station des Rousses. Son président Raphaël Perrin, membre de la majorité sortante, avait dû saisir la Chambre régionale des comptes pour que 95% de la somme soit inscrite d'office au budget... L'épisode est révélateur de l'ambiance qui régnait dans ladite majorité.

« Stopper l'escalade mortifère des défauts de paiement »

L'arrêt des Déboussolades : l'épilogue de la rivalité Pélissard-Perny
L'arrêt des Déboussolades, le festival de spectacle de rue créé par Perny à Lons au nez et à la barbe du maire Jacques Pélissard, n'a évidemment pas plu à la nouvelle opposition. Ni sans doute au très nombreux public et aux bénéficiaires de l'opération : bars, restaurants, commerces... 
« Dommage que les collectivités n'aient pas travaillé ensemble, il aurait fallu mettre tout le monde sur la table. Marie-Guite Dufay aurait été prête à participé et la DRAC avait trouvé ça très intéressant », a réagi Danièle Brûlebois.
« Le président du conseil général imposait ses dates et ce n'était pas apprécié par la ville que le centre soit bouclé une semaine après la rentrée pour les achats de rentrée, mais la ville n'était pas insensible à l'engouement populaire, elle réfléchit à un projet avec la région et le département, peut-être sur une thématique différente », souligne Hélène Pélissard, élue de Saint-Amour.
Clément Pernot n'a pas l'air d'avoir toutes les clés de l'affaire : « la manifestation n'avait pas vocation à être portée par le seul département. Ce n'est pas une agression anticulturelle, mais remettre les choses à leur place... Le Théâtre Group' l'a bien compris ».

Plusieurs élus de la nouvelle majorité ont donné quelques exemples du même tonneau : 141.000 euros que le Département devait à la commune de Marconay, laquelle a dû contracter un prêt relais pour payer dans les temps sa maison intergénérationnelle, a par exemple mentionné Cyril Bréro, le vainqueur du président déchu, Christophe Perny. Céline Trossat a cité l'association Juratic, dédié à l'aménagement en très haut débit numérique, qui attendait une subvention 2014 de 75.000 euros. Le nouveau patron du Jura, Clément Pernot, assure qu'il va désormais tout faire pour « stopper l'escalade mortifère des défauts de paiement », pour « redonner de la confiance »...

Pour ce faire, il annonce du jamais vu, une DM1 (l'équivalent du collectif budgétaire au niveau national, ou encore du budget pour une commune) de 31 millions englobant un emprunt de 20 millions. C'est du rarement vu au niveau d'un département. La rapporteure du budget, la « lionne » Marie-Christine Dalloz, par ailleurs députée du Haut-Jura, n'y va pas de main morte en dramatisant avec gourmandise l'affaire : « Nous allons appeler cette dette, la dette fushia... Nous avions un passif à apurer... Il manquait par exemple 1,2 million sur les ressources humaines, sinon on n'aurait pas pu payer les fonctionnaires du conseil général ». Personne ne relève tellement c'est énorme : comme si, dans l'hypothèse d'une victoire de la gauche, celle-ci n'aurait pas aussi inscrit la somme à la DM1...

« On a donc soldé le passé... qui a pris naissance en 2008 »

Les tablettes des sixièmes : « quand on a vu le coût, on a reculé »
Les élèves de sixième du Jura ont dû rendre les tablettes numériques distribuées par le département. Trop cher, a jugé la nouvelle majorité. « Précipitation ! », a protesté Danièle Brûlebois, « vous l'aviez voté dans l'opposition ! Avez vous proposé une sauvagarde des travaux des enfants ? » « Quand on a vu que ça coûtait 1,75 M€ par an, notre enthousiasme a été douché, on a fait marche arrière », a répondu Clément Pernot, « mais ne faîtes pas d'excès de sentimentalisme, les tablettes seront de retour dans les collèges, à disposition de tous les élèves, de la sixième à la troisième, dans des classes mobiles ».
Les six élus de gauche ont voté contre cette mesure... qui avait déjà été décidée ! Ce vote contre sur un chapitre de la DM1 a entraîné leur rejet de l'ensemble de la DM1 bien qu'ils en aient voté la quasi totalité des autres chapitres.

A gauche, l'ancienne première vice-présidente, Danièle Brûlebois, trouve que la droite en fait un peu trop : « Vous avez gonflé cette DM1, c'est de bonne guerre. Mais dans les 20 millions, vous avez aussi soldé vos propres promesses. Et puis, vous oubliez que lorsque nous sommes arrivés en 2011, nous avons du faire la même chose avec les décisions de votre majorité de 2008 ! ». 

Clément Pernot modère ses critiques : « On a donc soldé le passé... qui a pris naissance en 2008 et s'est poursuivi avec vous ». Jean-Daniel Maire, l'un des trois rescapés de la majorité sortante, ironise : « si vous voulez tout solder, ajouter le 1,5 million des tablettes ! Et comme vous avez intégré à votre emprunt des dépenses de 2016, l'emprunt de l'année prochaine sera plus faible, c'est bien ».

L'aéroport de la grande région à Tavaux : un pari rendu possible par le volontarisme de Christophe Perny

Le présidentialisme et le 49-3 !
A plusieurs reprises, le président Clément Pernot a joué de l'apparente ignorance dans laquelle son prédécesseur Christophe Perny laissait sa majorité, y compris les vice-présidents, et la première d'entre eux, Danièle Brûlebois qui a évoqué le « présidentialisme » de la gouvernance des collectivités françaises. Il est vrai que ce système peut empêcher la collégialité des décisions, ce qui est assez cohérent avec le fameux article 49-3 qui permet à l'exécutif de passer outre l'avis de sa propre majorité !

Du coup, les observateurs sont partagés. A entendre la droite, la gestion Perny était calamiteuse. Caractérisée par des paiements différés, retardés, voire irresponsables. Mais dans la même séance, un rapport de la chambre régionale des comptes sur la gestion du département entre 2009 et 2013 ne signale rien d'extravagant. Bien sûr, elle pointe la très coûteuse concurrence entre l'aéroport de Dole-Tavaux et celui de Dijon-Longvic, mais sur ce point, droite et gauche sont à l'unisson. Elles votent dans un bel ensemble une rallonge de 1,5 million. La dernière, promet Clément Pernot qui espère bien que la future grande région sera compétente en la matière. Rajouter au pot, c'est, dans son esprit, rendre l'aéroport jurassien incontournable. Bref, c'est un pari rendu possible par le volontarisme de Christophe Perny...

Unanimité sur le projet de center parcs !
Le département a « réaffirmé » son soutien au projet de Pierre & Vacances, attendu, a indiqué Dominique Chalumeaux, « par les milieux économiques et la grande majorité silencieuse : une très large part de la population est favorable et s'exprime trop peu. Les quelques opposants ont un poids disproportionné : j'étais à l'AG de FNE, je m'attendais à voir 100 personnes, ils étaient douze ! Le débat public servira à améliorer le projet, à rassurer sur le montage financier et les solutions techniques. Ce n'est pas l'environnement qui va souffrir le plus... Il faut absolument entendre la voix de ceux qui sont favorables pour ne pas que la commission du débat public n'entende que les opposants ».

Comment savoir si la politique de Perny a vraiment coûté 16 millions d'arriérés qu'il convient aujourd'hui de solder ? Faut-il prendre les « évidences » de Clément Pernot pour des vérités pures ? Il n'a pas l'air d'en être totalement persuadé lui-même. Danièle Brûlebois donne rendez-vous au compte administratif 2015 ! C'est à dire à l'examen du budget 2015 réalisé, c'est à dire au printemps 2016. D'ici là, un autre rendez-vous est pris le 10 juillet pour tenter d'y voir plus clair dans les comptes. Mais en est-on vraiment sûr ? Il s'agit de la présentation, lors d'une session dédiée, du résultat de l'audit confié au cabinet Knopfer, consultant en finances locales. Le calendrier nous saisit alors d'un doute : n'aurait-il pas mieux valu prendre les décisions budgétaires après le rendu de l'audit ?

 

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