Jean-Luc Mélenchon superstar à Lons-le-Saunier

Avant de s'exprimer devant 500 à 600 personnes rassemblées sous la pluie lors d'un meeting en plein air, le quatrième homme de la présidentielle a présenté les candidats Insoumis de Bourgogne-Franche-Comté aux législatives à l'issue desquelles il se voit « Premier ministre ou président de groupe ». Il pensait que les « socialistes respectables » quitteraient le PS après la présidentielle et promet : « le moment venu, nous tendrons la main ».

Jean-Luc Mélenchon et plusieurs des candidats de la France insoumise aux législatives en Bourgogne et Franche-Comté.

La pluie qui s'était invitée pour le meeting en plein air de Jean-Luc Mélenchon s'est arrêtée il y a un instant, ce mercredi 31 mai, peu avant une Marseillaise chantée à pleins poumons. Le leader de la France insoumise vient de descendre de la petite tribune installée place de la Liberté. Il s'attarde longuement au milieu des gens, serrant des mains, posant pour des selfies, échangeant des bises ou quelques mots. A Lons-le-Saunier, il est littéralement chez lui, il en a fréquenté les rues, le collège, le lycée...

Les 500 à 600 spectateurs ont commencé à partir, la foule s'est progressivement faite moins compacte et une femme lui lance avec un brin de reproche dans la voix : « pourquoi vous n'êtes pas président ? » Spontanément, il répond : « ça fait trois semaines que je me le demande tous les jours... » Elle insiste : « un jour, vous serez président ». Il sourit : « Non, ce sera un autre que moi... » Est-ce à dire qu'en 2022 il aura passé l'âge, transmis le témoin ? Elle ne lâche rien : « mais c'est vous qu'on veut... »

Ainsi va la vie... d'un dirigeant politique super star ! Qu'il le veuille ou non, que ses soutiens le veuillent ou non, il a beau demander à ceux qui l'acclament dans ses meetings de scander « résistance » plutôt que son nom, c'est bien lui, et personne d'autre, qui a su parler à un grand nombre de personnes, rendant clairs et intelligibles des notions, des analyses, des mécanismes complexes, des idées... rendant envisageable un programme.

« Je vous offre une bière ! »

« C'est un bon porte-parole », euphémisent les militants du mouvement, partagés entre un culte de la personnalité impossible à reconnaître et un digne respect pour celui dont le verbe a soulevé des rêves de justice enfouis, éclairant des invisibles... Quand on gratte un peu, sur internet plutôt que dans les grands médias, on réalise qu'il y en a quelques autres qui se défendent bien dans le côté pédagogue. Pas étonnant que la France insoumise se vive aussi comme un mouvement d'éducation populaire.

La petite troupe dont Jean-Luc Mélenchon est le noyau continue à se déplacer comme un maul au rugby, une sorte de mêlée debout qui avance en protégeant le ballon... Du stand abritant la buvette à l'effigie de la Rouget de Lisle, la bière brassée à Bletterans, un jeune homme interpelle celui qui dit désormais briguer Matignon, à tout le moins la présidence d'un groupe parlementaire : « je vous offre une bière ! » « Quelle est la moins forte ? », s'enquiert Mélenchon qui fait parler son interlocuteur. Il a eu une vie professionnelle antérieure, a « appris la restauration » à Montréal. Bingo ! Le candidat évoque un ami du mouvement Carré rouge, animateur de la grande grève des étudiants québecois contre l'augmentation des droits universitaires en 2012. Le brasseur s'en souvient : « c'était le leader de mon université... »

Comme quoi, l'internationalisme ne passe pas que par Caracas !

La séquence avait commencé quatre heures auparavant au Carrefour de la communication où se tenait une conférence de presse de présentation, par Mélenchon lui-même, des candidats aux législatives de Bourgogne et Franche-Comté. Tous n'étaient pas là, mais on en a vus de Belfort et de Nièvre, de Haute-Saône, du Doubs et de Côte d'Or, mais curieusement pas de Saône-et-Loire toute proche.

Haute-Saône : « la marche est haute ! »

Chacun dit un mot. « Nous pouvons prétendre au deuxième tour dans 451 circonscriptions », veut croire Gabriel Amard, candidat local et dirigeant national du PG à qui Jean-Luc Mélenchon, évoquant la « relation spéciale » qui les unit – c'est le compagnon de sa fille –, est venu donner un sérieux coup de pouce. Pour cela, il faudrait que les 7 millions d'électeurs du 23 avril votent tous pour la France insoumise le 11 juin. C'est difficile à envisager quand on sait la moindre participation toujours observée entre la présidentielle et les législatives. Candidat en Haute-Saône, François Froidurot sait « la marche haute » avec 15% pour son candidat au premier tour. Habiba Delacour, qui défie la socialiste frondeuse Barbara Romagnan, se dit « fière d'avoir implanté [s]on local à Planoise, le plus grand quartier du Doubs »...

Se présentant face à l'ancien Vert et néo-macroniste, le député sortant Eric Alauzet, Claire Arnoux souligne que les enjeux dans la seconde circonscription du Doubs portent notamment sur « la rénovation du bâti face à l'artificialisation de terres agricole » ou la sauvegarde du « fleuron industriel d'Alstom-Ornans dont on a besoin pour la transition énergétique ». Dans le Haut-Jura, Julie Lançon veut se battre « contre la fermeture de l'hôpital de Saint-Claude dans la joie et la bonne humeur ». Dans le Haut-Doubs, Martine Ludi évoque le « point noir » de la pollution des rivières et s'interroge : « produit de l'épandage ou de la sur-urbanisation ? » 

« La France insoumise a rallumé ma flamme républicaine »

A Dole, l'ancien de Nouvelle Donne Jean-Bernard Marcuzzi déplore « l'absence d'initiatives des élus locaux » dans le conflit des Opalines qui dure depuis deux mois. C'est une « jeune maman et ancienne abstentionniste dont la France insoumise a rallumé la flamme républicaine », Anaïs Beltran, qui se présente dans le Territoire-de-Belfort, et entend faire compagne sur la pollution de l'air, veut « qu'on sache ce qu'il y a dans nos assiettes »... Isabelle Haismann-Febvay, candidate dans « un territoire oublié de la république », la deuxième circonscription de Haute-Saône, la seule comtoise où le FN a été majoritaire le 7 mai veut « que chaque euro envoyé dans les paradis fiscaux revienne... »

« Je connais tous ces coins », dit Jean-Luc Mélenchon après avoir attentivement écouté. « Planoise, j'y ai habité, Belfort, j'y ai mené des batailles estudiantines... Ce que je retrouve en vous, je l'ai vécu à une autre époque fondatrice. Vous êtes en train de créer quelque chose en osmose avec la société, vous respirez avec elle, vous n'entrez pas dans une caserne ou un couvent... Je salue votre courage, ce n'est pas évident d'être candidat : avec internet, vous l'êtes pour toujours... »

« Pour savoir ce qui est bon pour les autres, on est obligé de réfléchir »

Changeant de registre, il poursuit : « vous avez exprimé tous les problèmes du pays : ce sont des problèmes locaux mais les enjeux sont nationaux, sans oublier la dimension internationale... Nous croyons à une société de solidarité : de la ressource, il y en a dès lors qu'on se met au travail. Nous portons une vision du monde ». Plus tard, lors du meeting, il développera, commencera « par la philosophie : une élection est un grand moment de vie collective. Ce qui est bon pour moi, je le sais. Mais pour savoir ce qui est bon pour les autres, on est obligé de réfléchir, on évolue dès lors qu'on pense aux autres ».

Devant la presse, il a quelques mots sur les affaires : « On s'en foutait du prix des costumes de Fillon, ça a fait cinq semaines sans qu'on parle du programme, et revoilà Ferrand... » Pendant le meeting (en intégralité ici), il résume sa rencontre du matin même avec le ministre de la Justice, François Bayrou, qui a reçu les chefs de partis sur ses projets de moralisation de la vie publique : « je l'aime bien, comme homme, c'est un littéraire, on peut parler... Je lui ai dit qu'il faut donner au peuple le pouvoir de révoquer les élus, arrêter les lobbyistes, rendre inéligibles les condamnés... »

Aux candidats, il conseille de « s'adresser d'abord aux nôtres, les ouvriers, les oubliés, les réprouvés, les salariés... » Il a « bon espoir à condition qu'on arrive à mener campagne : dans un mois, je serai Premier ministre ou président de groupe, la vie tranchera ». Il ne croit pas aux sondages prédisant plus de 30% pour les candidats macronistes. Il est persuadé qu'il n'y a « pas de majorité sociale » pour approuver la réforme annoncée du code du travail... « Notre grand ennemi des législatives, c'est l'abstention », assure-t-il.

Un journaliste demande ce que feraient les candidats de la France insoumise arrivés troisièmes du premier tour et pouvant se maintenir. Réponse : « On ne sait rien des reports de voix, les meilleurs spécialistes sont dans l'expectative. On fera du sur mesure, au cas par cas, afin de ne pas permettre l'élection de députés d'extrême-droite... » Interrogé sur l'accord jurassien PS-PCF-EELV, il explique : « nous ne sommes pas intéressés par des accords tuyau de poêle, c'est une marchandise éculée, un sauve qui peut... »

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