« Il y a une vraie vague de droite, les gens nous l’ont dit dans les cages d’escaliers »

Ce commentaire à chaud de Claude Mercier, candidat écologiste battu dans un canton bisontin, est sensé illustrer le caractère national d'une élection-sanction. Pour son vainqueur Philippe Gonon, « la tentative de nationalisation était une mauvaise chose... » Les conséquences de la victoire de la droite vont se sentir à Besançon, dès le conseil municipal de ce lundi soir...

gerardgalliot

C'est n'est pas la grande foule au Kursaal de Besançon qui collecte les résultats des six cantons concernant la ville. Il y a moins de monde que pour le premier tour. Peu d'enthousiasme dans ce lieu où la gauche se retrouve pour ses victoires comme pour ses défaites. Dans un coin, Marie-Guite Dufay, la présidente de région, est comme sonnée. Elle encaisse la défaite de son camp avec lucidité, mais aussi une certaine fatalité.

D'emblée elle parle du FN : « Qu'a-t-on fait en 30 ans pour enrayer le phénomène ? Je suis atterrée d'un parti qui surfe sur la misère des gens... Le système, les partis traditionnels, on a failli. Sur tout. Il y a l'usure, ce sont toujours les mêmes qui se représentent. Les gens ne s'y retrouvent plus. On est en train de le payer. C'est vrai que le monde bouge, que les solutions pour protéger ne sont pas immédiates... Le FN, c'est comme Janus. Il y a le FN raciste et xénophobe, et le FN qui tient un discours de gauche... »

Elle est déconcertée par la jeunesse qui vote peu, dont des pans entiers votent FN sans bien savoir de quoi il en retourne faute de culture politique. « Ça me fait peur qu'ils disent : la politique ça ne me concerne pas. Que même des adultes me disent : vous êtes sympa, que faites-vous dans la politique ? » Est-ce un métier ? « Non ! Il faut en avoir un. Ce système est à balancer. Je n'ai pas la solution, il faut du renouvellement... On est arrivé aux affaires sans aucun corpus idéologique... » Elle parle de renouvellement, mais elle est candidate à la présidence de la grande région ! « Comment pouvez vous dire ça ! J'ai fait un mandat. Deux, c'est bien ».

Pour Ludovic Fagaut, conseiller municipal UMP, vient d'être élu conseiller départemental : « Je ressent de la fierté. On a recontré tous les habitants du canton. L'union de la droite et des centres est un gage de stabilité... On va travailler à l'intérêt commun. Dès 11 heures, ce lundi, on se réunit, tous les élus... » Jacques Grosperrin le tire par la manche. Les vainqueurs ont rendez-vous à sa permanence pour le champagne.

Philippe Gonon, a un mandat municipal de plus. Un premier avec le MoDem dont il conduisait la liste en 2008, un second avec l'UDI dans le cadre d'une union de la droite et du centre qui a fait trembler la Citadelle PS il y a un an, qui la fait vaciller aujourd'hui en gagnant ses quatre duels avec le PS ou EELV. « Nous avions bien analysé la situation, construit une stratégie... Notre électorat s'est bien mobilisé, la stratégie a payé ».

On connaît l'adage : puisque ces mystères nous dépassent, feignons d'en être les organisateurs ! Vraiment, une stratégie gagnante ? N'y a-t-il pas suffit de l'échec de François Hollande ? Il n'est pas de cet avis : « Le département est la première élection de proximité. La tentative de nationalisation était une mauvaise chose... Il y a huit ans, Claude Girard a été élu au premier tour. Là, ils perdent, c'est une vraie sanction... »

Claude Mercier, le candidat écologiste vaincu, vient le saluer et le féliciter. Il n'est pas d'accord avec l'analyse selon laquelle les reports se seraient mal faits à gauche : « il y a des secteurs, comme les Auxon, où on fait le plein des voix de gauche... Ailleurs, ça manque... Il y a une vraie vague de droite, les gens nous l'ont dit dans les cages d'escaliers. C'est une élection nationale, pas locale, pas sur un bilan... »

Pour les régionales, les écolos vont-ils rester sur un bateau qui coulent ? En construire un autre ? « Il faut en construire un plus gros ! » Avec qui ? La gauche autonome du PS ? « Non, l'écologie ne peut pas s'engager dans la réunion de la gauche anti-libérale... C'est plus profond que d'être pro ou anti Valls. Il y a des attentes d'une prise en compte des évolution sociales... » Que dire au précariat ? « Que ce qu'ils attendent de la gauche, la solidarité, est toujours là, même si pour l'instant ils ne l'ont pas... »

Christophe Lime (PCF) est perplexe quant aux mauvais reports de voix de gauche : « dans mon bureau de vote, 20% de non-électeurs du premier tour sont venus au second, et 18% d'électeurs du premier tour ne sont pas venus. Dans ces conditions, une analyse des reports est très difficile... Mais on ne se satisfait pas de la victoire de la droite. Le PS et le gouvernement ont voulu nationaliser le débat, la conséquence est une nouvelle sanction. Quand j'entends Valls dire qu'il faut aller plus vite, je dis qu'il est autiste. Ça fera le même résultat aux régionales ! Les gens vont continuer à souffrir, être dans la difficulté. Ce n'est pas une politique de gauche, on va être dans le mouvement social... »

Comment se préparent les régionales avec un Front de gauche divisé ? « Le Front de gauche n'est pas divisé : il y a une formation qui ne travaille pas avec le Front de gauche. Quand on a un candidat sur deux non encarté, qu'on fait 11,25% sur Besançon,, le Front de gauche est même en réussite, on va encore l'élargir... » Quelle sera la méthode pour les régionales ? « J'ose espérer des discutions nationels. Il faut travailler au programme, trouver une issue commune. Pour être représentés dans la grande région, il faut être rassemblés. Sinon, on n'aura pas d'élus ».

Président de la fédération départementale des élus communistes, de l'association nationale France Eaux publiques, Lime serait-il un bon candidat ? La réponse est un brin formatée : « Je suis toujours à la disposition de mon parti et du Front de gauche pour faire quelque chose... Mais je ne veux pas que ma personne soit un obstacle. Si être dans une municipalité avec des socialistes et des verts peut entraîner des réticences. Si c'est le cas, pas de souci... Nos électeurs attendent qu'on soit utile, pas dans les grandes incantations, en particulier dans les quartiers populaires quand on distribue des légumes ou qu'on fait des actions devant HSBC... »

Au micro, le maire Jean-Louis Fousseret annonce les résultats que tout le monde a déjà vus à l'écran. C'est son rôle. Puis il commente : « On a connu des victoires, ce soir c'est une défaite. Quand la gauche est désunie, elle perd. Quand elle est unie, elle gagne... » D'autres, à gauche, ont d'autres soucis. Le mandataire financier de Doubs Majorité Citoyenne s'approche de nous : « Sur Besançon-6, on a fait 4,99% au premier tour... Mais on a constaté un dysfonctionnement sur Beure : on avait 13 voix sur une feuille d'émargement, et 11 sur la récapitulation... Il manque deux voix avec lesquelles notre campagne serait remboursée. On a fait une requête au Tribunal administratif... »

Jean-Louis Fousseret a vite compris les soucis que va lui poser la victoire de la droite. Dès ce lundi soir, pour le vote du budget de la Ville, puis dans les semaines et les mois à venir. Il avait plusieurs conseillers généraux de son camp dans sa majorité municipale. Il aura désormais dans son opposition municipale des conseillers départementaux de la nouvelle majorité de droite, sans doute vice-présidents pour certains. Ce n'est pas très agréable et il va falloir faire avec. Pour l'heure, il lâche : « que le débat soit national, d'accord, mais j'attends ce que vont faire l'UMP et l'UDI avec les collèges ou les routes... » 

La gauche de la gauche ? « On aurait aimé que les partis prennent position clairement, notamment le PG qui aurait pu appeler à battre la droite... Et après ils redéfileront dans la rue... »

Jean-Claude Chomette est hilare et joyeux, détaché des nouveaux soucis de gestion de la droite qu'il a quittée et de la nouvelle gueule de bois de la gauche : « Debout la France sera aux élections régionales. Notre tête de liste s'appelle Maxime Thiébaud et il est de Saône-et-Loire... »

 

 

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