Ian Brossat (PCF) : « Le seul moyen de s’en sortir, c’est de rompre avec les traités… »

En meeting à Besançon, l'adjoint parisien au logement, tête de liste aux élections européennes, a défendu des arguments pour convaincre de voter le 26 mai prochain un électorat enclin à considérer que le parlement européen « ne sert à rien ». Il défend une alternative aux libéraux et à l'extrême-droite pour combattre les « deux maux » de l'Union : l'austérité et la concurrence.

Ian Brossat, avec à sa gauche Isabelle Liron et Aurélien Aramini, et à sa droite Hasni Alem et Solange Joly qui, tous les quatre les précéderont au micro. (Photos DB)

La petite salle Battant de Besançon était bien remplie de militants et sympathisants communistes venus de toute la région pour écouter Ian Brossat. Tous voulaient entendre le jeune agrégé de français diplômé de Normale-Sup-Lyon, adjoint au logement à Paris où il bataille avec ardeur face au géant Airbnb, tête de liste du PCF aux élections européennes de mai prochain.

Évoquant d'emblée « la colère énorme contre le pouvoir », il constate qu'en quelques semaines le « contexte » politique a changé. Dans un même élan, il allie « gilets jaunes, blouses blanches et cols bleus » pour lesquels il est « frappé de la puissance du soutien de la population : le gouvernement devra céder car les Français n'en peuvent plus ». Il dénonce le « mensonge permanent du souci écologiste de Macron », propose de baisser à 5,5% la TVA sur les transports en commun et les véhicules non polluants, ou encore d'accorder un crédit d'impôts sur les fenêtres à double vitrage...

« On rêve quand on entend Marlène Schiappa
conseiller à un gilet jaune de s'adresser à la CGT ! »

Tout y passe, du pouvoir d'achat en baisse au gel des retraites en passant par la hausse de la CSG et des mutuelles : « les Français ne veulent pas de miettes, ce ne sont pas de pigeons ! » Il fait rire la salle en trouvant fort de café que des ministres fassent « appel à l'opposition et aux syndicats pour que ça se passe bien : mais on rêve quand on entend Marlène Schiappa conseiller à un gilet jaune de s'adresser à la CGT ! Après tout ce qu'ils ont dit sur la CGT ! »

On est dans un meeting de campagne européenne, mais il continue sur les propositions immédiates du PCF dont l'augmentation du Smic et des retraites, ainsi que le rétablissement de l'ISF qui « rapporterait 3,5 milliards pris à 350.000 ménages dont le patrimoine est de 1000 milliards, soit la moitié du produit intérieur du pays... En supprimant l'ISF, ils ont fait un cadeau de 33 euros par jour aux riches pendant que le plan pauvreté accordé 0,62 euro par jour ! »

Il en vient enfin à la question européenne, mais c'est pour la lier aux problèmes nationaux : « on veut nous faire croire que l'élection est seulement technique, mais ce dont souffrent la France et l'Europe, c'est d'une politique libérale qui pourrit la vie des peuples. Les 3%, ce sont des services publics qui disparaissent. Le premier mal, c'est l'austérité, le second la concurrence... » Et de dire que dès les débuts de la construction européenne, « les communistes ont vite compris l'entourloupe : le développement de la concurrence fait que tout le monde finit par se détester, produit de la haine entre les peuples et fait monter l'extrême-droite... »

« Prélever l'impôt à la source pour les multinationales »

Pour illustrer son objectif d'harmonisation fiscale, il donne justement l'exemple d'Airbnb : « dans mon bureau de la mairie, son représentant m'a dit : on ne respectera pas la loi ! Le vice est à l'intérieur de la construction européenne avec un impôt sur les société variant du simple au triple. C'est pourquoi Fabien Roussel [député du Nord et secrétaire général du PCF) a fait une proposition de loi visant à prélever l'impôt à la source pour les multinationales ».

Il lui faut aussi donner des arguments pour que ses auditeurs les relaient dans leur entourage. C'est d'ailleurs ce que l'un d'eux demandera lors de l'échange qui suivra son discours. « Beaucoup de gens croient que le parlement européen ne sert à rien, mais il prend beaucoup de décision. Par exemple le quatrième paquet ferroviaire [qui ouvre à la concurrence le transport des passagers] a été adopté à 30 voix. Si on avait été 30 députés de plus, il ne serait pas passé. C'est aussi une grève des transporteurs routiers et la mobilisation des députés GUE qui ont empêché la directive durcissant les conditions de travail ».

Dans la salle, un militant met en avant la lutte contre la concurrence entre les territoires et les « regroupements forcenés qui conduisent à la fermeture des services publics ». Il trouve aussi la situation politique « très dangereuse » au vu des gilets jaunes qui « ne veulent pas entendre parler politique ou syndicats », de l'abstention monstre de la législative partielle d'Evry, ou encore des résultats de l'extrême-droite en Allemagne...

Des alternatives de gauche aux libéraux et à l'extrême-droite

Sur ce point, Ian Brossat pointe la responsabilité d'Emmanuel Macron qui « essaye de structurer le débat européen en disant que les élections européennes sont un affrontement entre l'extrême-droite et les libéraux. C'est un piège terrible qui risque de jeter dans les bras de l'extrême-droite ceux qui refusent l'Europe actuelle... En Allemagne, l'extrême-droite monte avec la pauvreté issue de la réforme Schroeder » du droit du travail... « L'idée que l'extrême-droite est une alternative aux libéraux est une arnaque : en Autriche, un gouvernement droite-extrême-droite a voté la semaine de 60 heures... »

Heureusement, ajoute-t-il, il y a des alternatives de gauche aux libéraux et à l'extrême-droite : « l'Espagne et le Portugal où le gouvernement a augmenté les salaires, les retraites et les allocations familiales, ce qui fait reculer le chômage et reprendre la croissance... Le Smic a augmenté de 22% en Espagne, ils sont allés au rapport de forces avec la Commission européenne... »

Pas une fois, le principal concurrent électoral, la France insoumise, n'est cité. Un vieux militant « colleur d'affiches invétéré » dit ses doutes sur une « question stratégique : ensemble, les forces de gauche, unies, seraient plus efficaces ». Pense-t-il à LFI, à Génération.s, au PS ? Ian Brossat a une réponse collant au résultat du dernier congrès « on est mieux quand on est rassemblés, je ne me satisfais pas de l'émiettement, mais il faut aussi de la clarté : quand la gauche a été au pouvoir, elle n'a pas affronté les questions européennes. François Hollande a calé. C'est difficile de se rassembler avec ses gens là. Le seul moyen de s'en sortir, c'est de rompre avec les traités... »

Une phrase que ne renieraient pas les Insoumis, dont les communistes sont programmatiquement les plus proches, mais avec qui les relations sont pour le moins compliquées...

 

 

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