Hollande à Besançon : «la meilleure grève, c’est le vote !»

FH1

Les meetings sont devenus des shows. Celui de François Hollande, mardi 10 avril à Besançon, n'échappe pas à la règle. C'est qu'il faut faire patienter les militants, sympathisants et curieux. Pour en dérouler le fil, Najat Belkacem excelle avec son sourire de présentatrice sympa et son look de Madame Loyal, mais on n'est pas au cirque... quoique. Elle annonce en effet la vidéo d'un saltimbanque célèbre, Coluche, dont on sent qu'il se prépare à chanter Misère... et assure mi-sérieux qu'on pourra un jour la conjurer : «Attendez que la gauche passe en 2012». La salle de 3000 places assises est hilare, tout comme ceux qui assistent à l'événement depuis le hall adjacent du parc des expositions Micropolis où le maire de Besançon, Jean-Louis Fousseret, inaugurant le ballet des notables socialistes du cru, a vu 3000 personnes et annonce une affluence totale de «près de 8000». On a un peu de mal à y croire. C'est sûr qu'il y a davantage de monde que pour Sarkozy le 30 mars au même endroit. Sans doute y en a-t-il plus que pour Mélenchon, le 24 janvier au palais des sports, alors que le candidat du Front de Gauche effectuait son second grand meeting de campagne, bien avant que les sondages lui président un score à deux chiffres...

Claude Jeannerot : "Attention aux sondages anesthésiants"

En affirmant que «le peuple n'en peut plus de ce président qui a abimé la France», Fousseret chauffe la salle qui crie «Dehors Sarko». Vient le tour de Marie-Guite Dufay, la présidente du Conseil régional, qui parle de «l'honnêteté» de son candidat. Claude Jeannerot, le président du Conseil général, que Hollande oubliera un instant plus tard de citer, met en garde contre le triomphalisme : «les sondages sont agréables à entendre, veillons à ce qu'ils ne soient pas anesthésiants. La victoire n'est ni promise, ni écrite, ni garantie...»
Jean-Pierre Chevènement, qui vient après un clip de campagne revisitant l'histoire de la gauche depuis Jean Jaurès, fait du Chevènement : sérieux et un peu long. Il compare Sarkozy aux «médecins de Molière» parce que le traité «merkozy» pourrait «tuer le malade»... «A-t-il lu De Gaulle, sa pensée ? C'est un homme pressé qui ne prend pas le temps de lire et de réfléchir, et s'expose à beaucoup de bêtises...» Vient ensuite Pierre Moscovici. Il caresse le public dans le sens du poil, cite le RMI, conçu à Besançon, l'APA, créé par l'ancienne députée et secrétaire d'Etat Paulette Guinchard, Lip... Bref, Besançon est «une terre de luttes, de culture...» Puis lui aussi cogne sur Nicolas Sarkozy qui «ment sans arrêt, le matin, le midi et le soir... Il ne parle que de lui, pas de la France, son projet, c'est son bilan...» Puis il fait un comparatif avec tous les présidents de la Cinquième république qui, à ses yeux, ont tous apporté quelque chose : «De Gaulle a fait cette 5e République et la paix en Alégrie, Pompidou le programme industriel, Giscard l'IVG, Mitterrand a été un grand réformateur de la France et de l'Europe, Chirac a réuni les Français contre la guerre en Irak. Sarokozy rien...»

Hollande : «J'avais 19 ans et on achetait une Lip en soutien»

Arrive enfin la star. Le fond de la scène n'est plus bleu comme aux débuts de la campagne, mais rouge et blanc, les mots «c'est maintenant» se détachant en rouge. L'acclamation est à la hauteur de l'attente. François Hollande parle de «cette ville qui a marqué l'histoire du mouvement ouvrier, des combats restés ici gravés, Lip... J'avais 19 ans et partout on achetait une Lip, c'était notre façon de soutenir... Un homme comme Charles Piaget est resté un combattant...» L'hommage est appuyé, il fait gronder la salle de plaisir, mais on ne sait s'il a sa Lip. Il cite aussi ceux qui l'ont précédé au pupitre, oublie Claude Jeannerot, a un message subliminal aux potentiels électeurs de Mélechon : «je mesure les impatiences et les colères... Il faut les traduire en actes de gouvernement. J'ai mesuré les blessures, les déchirures, les ruptures : je veux rassembler les Français».
L'humour n'est plus celui de l'ancien premier secrétaire du PS (1997-2008) mais l'ironie est toujours là : «J'ai pu me déplacer partout. Quel bonheur de pouvoir se déplacer sans CRS !» La salle se marre, il continue : «je ne serai pas le chef de la majorité, du parti, de tout... Je serai le chef de l'Etat sans avoir besoin d'un statut pour être protégé...» Puis il prévient, grave : «Nous aurions les faveurs des pronostics ? Je les connais, ces enquêtes, je suis prudent, rien n'est fait, rien n'acquis... La droite aime tant le pouvoir, vous l'imaginez le lâcher comme ça, par lassitude... Pour elle, la gauche serait là par surprise, inadvertance, effraction... Cela me touche tant de sollicitude. Les leaders européens ont même donné leur onction, leur extrême onction...» à Nicolas Sarkozy que tout le monde a évidemment reconnu sans qu'il soit besoin de le citer : «il prend avec la vérité une liberté sans limite... Il serait protecteur ? Des jeunes, des précaires, des retraités, des ouvriers ? Non, des seuls puissants et des rentiers fortunés... Il sent monter la vague, moi aussi, mais c'est celle de l'indignation, de la colère, on la sent depuis 5 ans... Il faut la transformer cette vague de rejet en vague d'espérance qui submergera l'arrogance...»

«On l'a dit bling-bling, il est surtout zig-zag»

Hollande répond point par point à «l'accumulation de contre-vérités», sur la TVA, le quotient familial, Fessenheim... Il affirme que «désigner les immigrés à la vindicte est abaisser la dignité de la France». Il parle éducation, démographie, a un mot pour les quartiers «où les promesses ont été trahies» et annonce son «grand ministère de l'égalité des territoires pour les zones urbaines et rurales». Il se dit certes «socialiste» mais aussi «écologiste», prononce les mots «biodiversité» et «transition énergétique», entend «relancer l'Europe : elle est en crise, mais l'idée européenne est vivante... Il faut changer son orientation pour qu'elle protège ses citoyens alors que les responsables de droite veulent pérenniser l'austérité. La France donne parfois la direction : c'est aussi une élection européenne qui se dessine le 6 mai».
Hollande n'a peut-être pas viré plus à gauche, il n'en prononce pas moins des formules bel et bien ancrées à gauche : «la démocratie sera toujours plus forte que les marchés». Il joue sur la connivence : «l'élection est attendue partout dans le monde et certains s'inquiètent. Mais vous, vous savez, vous me connaissez...» Il a une dernière blague sur le «candidat sortant» : «on l'a dit bling bling, il est surtout zig zag...» Il a un ultime message subliminal aux potentiels abstentionnistes ou tentés par un autre vote : «j'en connais qui sont de toutes les manifs, de toutes les grèves, et qui doutent de la nécessité du vote. Mais la meilleure grève, c'est le vote ! Car l'autre menace, c'est la perte des enjeux, la volatilité des opinions... Je veux que 2012 soit aussi forte que 1936, 1945, 1981, 1997... Les Français se disent que c'est la gauche qui va ouvrir des nouveaux chemins».
C'est fini. Les militants sont contents, ceux du parti écoulent T-shirt et affiches. Certes vigilante, leur confiance contraste avec l'inquiétude des supporteurs de Nicolas Sarkozy fin mars.





 
 

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